Cet essai dont le titre ne présente aucune équivoque, est un recueil d’interventions publiques de Patrice Nganang, romancier et universitaire camerounais basé à New York où il enseigne la théorie littéraire. Ce livre rassemble des prises de position tranchées avec la hargne qui caractérise l'auteur, le style littéraire en moins. Il n’est pas question d’esthétique ici, mais le prolongement d’un discours qui apparait déjà dans son œuvre romanesque, avec les gants en moins.
Il procède à une attaque irrévérencieuse contre la personne de Paul Biya, président du Cameroun depuis 29 ans au moment où ce dernier brigue un nouveau mandat en ayant modifié la constitution de son pays, puis porte son analyse contre les intellectuels camerounais en vue, ceux qu’il estime et qui l’inspirent, ceux qui se sont compromis, ceux que le système a anéantis. Il porte également son regard sur la société civile camerounaise, sur la jeunesse de ce pays, victime du pouvoir du palais d’Etoudi. Puis il analyse deux arrestations arbitraires, emblématiques selon lui, du pouvoir despotique de Paul Biya, à savoir le cas de l'artiste musicien Joe la Conscience (dont le fils de onze ans fut abattu pendant que ce dernier était incarcéré à Yaoundé) ou encore, celui récent de l'écrivain Bertrand Téyou, coupable d’avoir écrit un pamphlet contre la première dame du Cameroun (selon l’auteur).
Ceux qui ont lu Temps de chien, reconnaitront là l’auteur proche des sous-quartiers et qui rêve d’un avenir meilleur pour ses compatriotes, sans Paul Biya. Si on peut saluer le courage et la fidélité de Patrice Nganang dans son combat et dans sa ligne de pensée, je dois reconnaitre que l’irrévérence voulue de son propos et la fixation exclusive sur la personne de président camerounais me laisse perplexe. D’abord, parce qu’on pourrait avoir la naïveté de croire que si Paul Biya disparaissait les problèmes de ce pays disparaitraient comme par un tour de magie. C’est à mon avis une des limites du propos qui s’il a la même tonalité d’un Mongo Béti sur la forme, il s’attaque moins à un système qu’à une personne. Contrairement au célèbre auteur de Main basse sur le Cameroun qui, si son propos était méprisant à l’égard d’Amadou Ahidjo, c’est avant tout parce que le despote était le représentant de la Françafrique. De ce point de vue, Patrice Nganang est beaucoup plus modéré que l’essayiste disparu.
Il me semble également que l’irrévérence est un legs dangereux même pour ceux qui auront la légitimité du pouvoir qu’ils obtiendront parce que la fonction et la personne qu’il l’incarne aura été démystifiée. C’est un point de vue. Ce que nous semons, nous le récolterons. L’irrévérence atténue la portée du discours aussi juste soit-il. La progression dans l’ouvrage m’a néanmoins permis de dépasser le malaise sur ce point pour aborder les prises de position passionnantes et passionnées de l’universitaire camerounais qui rend un hommage à ceux qui combattent le système de l’intérieur et le paie au prix fort. Pour moi, qui connait un peu mieux le Congo, lire que Biya est un tyran a quelque chose de surprenant, tant l’homme dégage une image différente des grands despotes que furent Mobutu, Eyadéma ou Kadhafi, mais en illustrant son discours par des exemples précis, on ressent la réalité du système actuel oppressant qui sévit au Cameroun.
On regrettera le fait que souvent, le contexte de parution ces tribunes ne soit pas précisé, ni quels journaux les ont relayées (surtout si ce sont des journaux locaux). Une série de textes qui méritent une attention certaine.
Lareus Gangoueus, article initialement paru sur son blog Chez Gangoueus
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