Tribunes
S’il est bien une cause en Afrique subsaharienne, quasiment calculée pour attirer les quolibets c’est la défense des animaux. Dans l’admirable récit d’idéalisme, d’amour à sens unique et de trahison qu’est « Les racines du ciel » (Goncourt, 1956), Romain Gary a anticipé, quarante ans avant l’heure, l’argument auquel des générations d’écologistes et « d’amis des animaux » ont essayé – sans toujours y arriver – de répondre :
« Pour l'homme blanc, l'éléphant avait été pendant longtemps uniquement de l'ivoire et pour l'homme noir, il était uniquement de la viande, la plus abondante quantité de viande qu'un coup heureux de sagaie empoisonnée pût lui procurer. L'idée de la « beauté » de l'éléphant, de la « noblesse » de l'éléphant, c'était une notion d'homme rassasié... »
Rassasiée, elle ne pouvait que l’être cette « lettuce-lady » kenyane[1], déambulant dans les rues de Nairobi, couverte d’épinard et exhortant ses concitoyens au végétarisme – rassasiée et probablement idiote : prétendre que la consommation de viande contribue à la faim en Afrique est sinistrement stupide.
Mais rassasié, on a intérêt à ne pas l’être avant de regarder ce panorama compilé par National Geographic sur l’ « Ivoire Sanglant » du commerce illégal de l’ivoire[2]. Ces mastodontes désarmés, empilés, carcasses blanchissantes ou rougies, esseulées et abandonnées dans la savane. Ces 300 éléphants abattus à la kalach et avec des grenades, en une seule saison, dans le parc National Bouba Ndjidah au Cameroun. 25.000 éléphants ont été abattus en 2011 ! A $400 le kilo d’ivoire, tout est permis.
Même l’hélicoptère pour braconniers. Même les armes de guerre. Même l’intervention de l’armée dans des parcs animaliers. Et même l’ordre implicite donné aux agents des eaux-et-forêts de tirer pour tuer. Tout est permis. Tout sauf l’idée qu’il s’agisse ici de faim ou de nourriture.
Si la misère doit justifier le braconnage, est-ce que pour cela on devrait l’excuser ? Elle justifie ipso facto la rébellion et la guerilla. Qui oserait ici les justifier ?
J'aurais une idée, moi, pour protéger les éléphants d'Afrique. Une vraie action gouvernementale, ciblée, pointue, de haut niveau. Quelque chose de permanent aussi, bien financé, respecté. Un ministère. On l'appelerait le "ministère de la défense"!
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