De nombreuses études suggèrent que les infrastructures jouent un rôle important dans la croissance économique, et par voie de conséquence dans la lutte contre la pauvreté[1]. Les gouvernements investissent dès lors de façon intensive dans les infrastructures. Une stratégie qui suscite assez souvent des critiques de la part de la société civile qui estime que les routes et autres infrastructures « ne se mangent pas » et que ces fonds, qui constituent par ailleurs une pression financière sur les Etats, sont à investir dans des secteurs productifs. Si les investissements en infrastructures contribuent au bien-être social – réduction du coût du transport avec la disponibilité des moyens de transport – et jouent en faveur de la croissance d’après la thèse des grands travaux de Keynes, il convient de déterminer les moyens optimaux pour les financer. En effet, les pays ont des canaux divers pour financer les nouvelles infrastructures : fiscalité, réduction de certaines dépenses courant ou en capital, emprunts – externe ou interne, etc. En se basant sur l’expérience de certains pays à profil différent d’Asie (Philippines, Chine et Pakistan)[2], John Cockburn et ses coauteurs étudient l’impact de ces investissements ainsi que celui de leur mode de financement (la fiscalité et les ressources externes) sur la croissance et la pauvreté.
Cette étude suggère, excepté le cas de la Chine, que des investissements publics en infrastructures financés par emprunt extérieur permettent de booster l’activité économique et de réduire la pauvreté. L’ampleur de l’impact (selon le choix même du mode de financement) dépend toutefois des spécifiés économiques du pays. Une économie émergente, comme celle de la Chine, avec une forte présence de capitaux privés bénéficie davantage de toute politique visant à renforcer le patrimoine en infrastructures et peut se permettre de financer ces nouveaux investissements en infrastructures par le biais de la fiscalité.
Globalement, il ressort de leurs travaux que le secteur privé est le principal canal de transmission de la politique d’investissement public en infrastructure. En effet, en l’absence d’une fiscalité forte, l’amélioration de l’état des infrastructures attire les investisseurs. L’abondance de capitaux privés renforce la productivité et la compétitivité de l’économie, et ce au niveau de tous les secteurs : la production augmente alors significativement et toute l’économie bénéficie d’une augmentation du revenu national. Cette performance de l’économie se traduit par une hausse de la consommation locale qui favorise l’industrie locale (financée par le secteur privé), impliquant de facto des opportunités d’emplois, et autres opportunités d’affaires (notamment dans les activités commerciales), qui résulteraient en une augmentation des revenus des individus de sorte de les faire sortir de leur situation de pauvreté.
De toute évidence, le financement des investissements avec des fonds internes sur base de fiscalité – qui est de loin l’un des moyens les moins risqués et pérenne de financer le développement[3] – est encore contraignant dans les pays sous développés et plus particulièrement en Afrique. Si le recours au financement extérieur serait pour l’instant le meilleur moyen pour financer les investissements en infrastructures ; il devient impérieux aux gouvernements de choisir judicieusement la forme de financement la plus adaptée aux besoins du pays. En effet, dans l'article précédent, il a été montré que le recours systématique aux emprunts sur les marchés financiers internationaux ne seraient pas sans danger pour les économies africaines. Cette situation met à jour le débat concernant l’importance du développement des marchés financiers africains.
Aussi, des moyens de financement alternatifs existent, auxquels peuvent avoir recours les nations africaines. D’une part, l’ouverture du continent à d’autres partenaires constituent une opportunité qu’il convient toutefois de considérer avec précautions. D'autre part, le recours au partenariat public-privé, qui permet aux pays d’obtenir à la fois l’assistance financière mais aussi technique sur les projets d’infrastructures, est aussi une option à considérer. Par ailleurs, les autorités devront aussi s’assurer de mettre en place un cadre réglementaire pour attirer les capitaux privés. Si l’état des infrastructures est essentiel dans l’implantation d’une entreprise, un cadre réglementaire défavorable limitera la présence du secteur privé, qui est le principal facteur valorisant des infrastructures.
Le déficit en infrastructures, qui obère encore les performances économiques de nombreux pays du continent africain, nécessite une réponse adéquate à travers une politique intégrant un mode financement centré sur la mobilisation de ressources financières extérieures et assurant l’implication du secteur privé. A défaut, ces investissements ne serviraient qu’à embellir les villes africaines et à accentuer la paupérisation des populations.
Foly Ananou
Référence :
John Cockburn et al. (2013). Infrastructure and Economic Growth in Asia. PEP, Springer Open.
[1] De fait, on considère depuis l’avènement des OMD que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté c’est d’être économiquement performant (croissance), supposant que les populations les plus pauvres participent et bénéficient de cette croissance.
[2] Cette approche permettra de distinguer les effets qui sont propres aux pays selon leur profil et d’identifier les effets d’ensemble
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