En juin 2007 sortait un film documentaire réalisé par Franco Sacchi et Roberto Caputo intitulé This is Nollywood. Ce documentaire, récompensé au Raindance Film Festival de Londres la même année, retrace la naissance et le développement de l’industrie du cinéma au Nigéria. On y apprend comment une industrie générant plus de 250 millions de dollars l’année a pu voir le jour sur le continent le plus pauvre de la planète. On y apprend également comment Nollywood est devenue en l’espace de quelques années seulement la troisième puissance cinématographique au monde en nombre de films après Bollywood en Inde (Iere) et Hollywood aux Etats-Unis (IIe).
A travers cet « exemple-symbole »je tâcherai de vous présenter une Afrique que l’on ne montre pas souvent : une Afrique qui marche, qui crée des emplois et offre de nouvelles perspectives. Cela étant dit, il faudra, de la même manière, se pencher sur les contraintes sociales et économiques agissant comme des freins à l’exploitation de toutes les capacités existantes pour le développement de cette industrie fleurissante.
La fin des années 80 est une période trouble à Lagos où la violence et l’insécurité qui l’accompagne se trouvent partout dans les rues. Une fois la nuit tombée il devient dangereux de se hasarder hors de son domicile. Dans ce contexte et de manière extrêmement rapide, la majeure partie des lieux de vie sociale sont désertés : bars, restaurants, jusqu’aux lieux de cultes. Il en est de même pour les rares salles de cinéma que compte alors la ville. S’organise alors un système d’import massif de films vidéo venus d’Inde et des Etats-Unis. Face à cette concurrence prestigieuse, la production cinématographique locale s’effondre.
Au début de l’année 1990, un scénariste Okey Ogunjiofor, tente de trouver un réalisateur pour son histoire intitulée Living In Bondage, qui, comme son nom l’indique, traite avant tout du rapport de l’homme au pouvoir et de la volonté des dirigeants de conserver leurs populations dans l’obscurantisme. Si le réalisateur est finalement trouvé en la personne de Chris Obi Rapu, reste encore à le produire. Ken Nnebue, déjà connu dans le milieu, décide de produire le film mais une nouvelle stratégie s’initie en ce qui concerne la commercialisation. La production décide en effet que le film ne sortira pas sur grand écran craignant que la faible fréquentation des salles ne lui permette pas de rentrer dans ses frais. Le film est alors copié sur VHS uniquement et livré aux kiosques. Au début de l’année 1992 sort la cassette Living In Bondage. Le succès est immense. Nollywood est née.
Aujourd’hui l’industrie du film de Lagos est la troisième puissance cinématographique mondiale en terme de nombre de sorties derrière les deux géants Bollywood et Hollywood. Avec un budget global de 250 millions de dollars par an Nollywood produit plus de 1800 films par an et livre dans les kiosques plus de 30 films par semaines ! Cette production intensive comble une forte demande estimée à plus de 100 millions de consommateurs et permet dans le même temps de créer plusieurs milliers d’emplois. Quels sont donc les facteurs aillant permis un tel essor ?
On peut dégager trois éléments permettant d’entendre la réussite de Nollywood. Tout d’abord, il y a des entrepreneurs locaux qui investissent massivement dans la production des films. On retrouve aujourd’hui à Lagos, environ 300 producteurs prêts à investir chaque jour dans de nouveaux projets cinématographiques. Il y a ensuite l’acquisition des nouvelles technologies. Les caméras digitales ont laissé place aux caméras HD et les supports ne sont plus VHS mais quasiment intégralement DVD. Enfin, l’utilisation optimale des ressources s’avère être également un facteur de réussite. La durée moyenne d’un tournage est de 12 jours pendant que le budget moyen qui est alloué à un long métrage est de 15 000 dollars. La post- production est rapide et peu coûteuse pour des retombées financières immédiates. Un bon film vendra en moyenne 50 000 copies tandis qu’un véritable succès se vendra à plus du double. Le lieu physique symbolisant le mieux cette réussite est sans aucun doute l’Idumtao Market. Ce quartier de Lagos entièrement transformé en centre géant du 7e art nigérian, où les stars aiment flâner afin de tester leur popularité, abrite plusieurs dizaines de magasins tous consacrés à la vente de DVD et de produits dérivés.
Malgré cette réussite il faut noter que Nollywood se trouve encore loin derrière ses deux ainées et qu’il existe certains facteurs freinant son développement.
La réussite de Nollywood reste toute relative. Bien qu’il serait mal venu de tenter de la mettre sur un pied d’égalité avec ses concurrentes il est intéressant de noter par la comparaison chiffrée l’écart, pour ne pas dire le gouffre, qui subsiste entre l’industrie du cinéma nigérian et ses deux principales rivales. Si, comme il a déjà été dit plus tôt, le cinéma nigérian génère 250 millions de dollars par an, le cinéma indien lui en génère 1,3 milliards et l’Américain… 51 milliards toutes productions confondues (films, séries etc.). Le film le plus cher de Nollywood a nécessité un budget de 89 000 dollars tandis que son pendant américain Avatar a mobilisé un budget de 460 millions de dollars. Enfin, l’exposition internationale n’est pas encore assurée puisqu’il n’existe pas, à ce jour, de cérémonie de récompenses semblable aux Filmfare Awards (Bollywood) ou aux mondialement connus Oscars (Hollywood).
Au-delà de ce retard, des facteurs endogènes viennent perturber le développement du cinéma au Nigéria.
Tout d’abord, le piratage, massivement répandu dans la capitale, met à mal la vente des DVD malgré les contrôles répétés des distributeurs. Si le piratage existe partout ailleurs, il fait des dégâts tout particulièrement à Nollywood où les recettes ne proviennent quasi-exclusivement que de la vente de DVD puisque les sorties en salles représentent un pourcentage infime des films. Il existe également un problème d’infrastructures puisque dans le quartier de Surelere, quartier qui abrite les bureaux de production, les salles de montage, il n’existe pas de studio de tournage où il serait possible d’installer des décors virtuels. Tous les tournages se font donc sous décors naturels ce qui entraîne une nouvelle complication : le racket. Bien souvent les réalisateurs doivent payer les chefs de bandes des différents quartiers de la ville, pour obtenir le droit de tourner sur leurs « territoires » ce qui peut parfois grever lourdement le budget du film. Enfin, le manque de professionnalisme de certains acteurs peut entraîner du retard dans les commandes. S’il existe de nombreux films, les mêmes acteurs se retrouvent sur beaucoup d’affiches. Ils acceptent souvent plusieurs tournages à la fois ce qui entraîne un absentéisme répété, donc du retard, donc une perte d’argent.
Si Nollywood est économiquement intéressant à étudier, son intérêt social n’est pas à négliger. Pourquoi ce cinéma nigérian est-il si populaire ? Ce sont les sujets qui y sont abordés qui le rendent attractif. On y parle de la prostitution, du sida, de la guerre, de la religion. Des thèmes auxquels la population est confrontée tous les jours. Cette attractivité s’opère aussi par la variation dans la manière d’aborder ces thèmes : tantôt par le drame, tantôt par la comédie, tantôt par la romance. La popularité des films de Lagos est telle qu’elle se diffuse petit à petit en dehors des frontières du pays pour toucher en premier lieu les pays anglophones d’Afrique comme le Ghana, le Libéria ou encore la Zambie. Cette passion commence également à toucher la diaspora noire des Etats-Unis et d’Europe où les jeunes notamment s’intéressent aux différentes productions.
Dix-huit ans après sa création Nollywood a convaincu le Nigéria et se lance, avec ses armes, à la conquête du monde. L’industrie du cinéma nigérian est devenue si populaire quelle est aujourd’hui un instrument stratégique crucial pour certaines institutions. La maison de production évangéliste Mount Zien Faith Ministries produit exclusivement des films dont le thème est la religion et dont les scénarii mettent en avant les évangélistes face aux autres obédiences religieuses. En réponse, quelques maisons de production musulmanes, avec de puissants mécènes, se sont créées à Lagos ces dernières années.
Giovanni C. DJOSSOU
Sources : Nollywood : le phénomène vidéo par Pierre Barrot Nollywood par Hugo Pieter www.thisisnollywood.com
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Je pense que le principal mérite de Nollywood est d’avoir adapter son système de production et de commercialisation à son public. C’est le problème avec le cinéma « intellectuel » africain, fais par de grands cinéastes qui visent plus les festivals internationaux que leur propre public. On a vu que lorsque le cinéma marocain par exemple à commencer à produire pour son propre public (Casanegra, en dialectal marocain) le public était au rendez-vous. De même pour le système de distribution : si les gens ne vont pas au cinéma, il faut s’adapter et proposer un modèle de commercialisation, comme Nollywood, qui réponde aux moyens du grand public. J’espère que Nollywood inspirera d’autres entrepreneurs du cinéma en Afrique, on en a un grand besoin.
Tu as vu juste Lirashe. C’est vraiment ce qu’il faut souligner. Nollywood fonctionne car elle a su s’adapter à son public. J’aime à dire que le cinéma de Nollywood est un cinéma « sans toile » mais ce n’est en aucun cas péjoratif bien au contraire. Les différents producteurs ont réussi à mettre en place un système peu courant mais qui s’avère être le plus efficace et le plus rentable dans ce contexte. Espérons, en effet, que d’autres pays d’Afrique en prennent de la graine.
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Je ne savais que le Nigeria était la troisième puissance cinématographique mondiale en terme de nombre de sortie de films. C’est intéressant de montrer d’autres aspects de l’Afrique autres que le SIDA, la pauvreté… et de voir le dynamisme de certaines industries.
J’ai beaucoup apprécié l’article. Comme Agathe, j’ai trouvé qu’il jetait une lumière plus claire sur l’Afrique que celle, obscure et terne, que l’on a l’habitude de voir.
A mon sens, le principal atout culturel que possèdent les productions nollywoodiennes est d’offrir un regard empreint d’une esthétique nouvelle sur les questions africaines. Des choses simples, comme le quotidien d’une famille nigériane, sont mises en scène sans empathie excessive ni louange forcée. Juste, la beauté du naturel.
Par ailleurs, je trouve que tu as très bien fait, Giovanni, de soulever la question du piratage. On ne peut pas envisager un développement plus rapide de l’industrie cinématographique nollywoodienne si la demande est anémiée par les copies pirates. Je pense que cela soulève une véritable question de choix politiques et de statut accordé à la propriété intellectuelle
Je rajouterai simplement que les productions de Nollywood s'exportent aussi dans l'Afrique de l'Ouest francophone et par exemple au Bénin, pays frontalier du Nigéria, où grâce au sous-titrage, les gens peuvent savourer des films qui portent sur des réalités relativement proches des leurs. Evidemment, le problème du piratage se pose là également et de façon potentiellement plus sévère car il est plus diificile pour les compagnies mères de faire des contrôles quand elles sont à l'étranger.
beau coup de courage il faut bien des choses pour faire un monde mais la pirateris nous font recule merci
moi ce kevine tchoumba, senariste et actrice amateur qui recherche 1e agence de production cinematographique ou tout simplement 1 agent. j'espere trouver mon bonheur grace a ce sms…. mon emeil est: christianekevinetchoumbatchapga@yahoo.fr. svp faites mw signe!!!!!
bravo!!!
bonjour, justement connaissez vous un annuaire des producteurs de NOLLYWOOD autre que http://www.NOLLYWOOD.TEL qui est pas encore a priori officialisé, pour pouvoir contacter des producteurs , realisateurs ou agents à Lagos ?
Merci de vos infos
A l'attention de NOLLYWOOD
Bonjour,
je suis réalisateur de film d'animation 2D.
J'ai le plaisir de vous informer de la fin de la réalisation de mon film d’animation sur les “trois patriarches”.
à cet effet, je suis à la recherche une maison de production.
Je vous saurais gré de vos prédispositions et suggestions afin de voir ce produit dans les salles.
Afin de regarder les séquences, je vous prie d'ouvrir le lien ci dessous
http://www.youtube.com/watch?v=WiaGSS69R9w (Aperçu)
Amicalement
Alexis Essama
Réalisateur & illustrateur
+(237) 77862215 (perso)
+(237) 99308673
Je suis écrivain, auteure de l'oeuvre poétique La Terre Nourricière disponible sur edilivre.com.
J'ai en ma passession plusieurs histoires tragiques, dramatiques et romantiques que je commercialise pour rédiger des films. Pour tout renseignement écrivez moi: djete.regina@gmail.com
Merci
salut
je trouve cite agréable.je voudrai avoir les contacts des producteurs nigerians des séries tv de comédie et de longs métrages de comédie et aventures afin de leur envoyer mes projet.
grand merci à celle ou celui qui me filera ce coup de main si jamais il possède ces adresses.
salut
pour celle ou celui qui possède des adresses des producteurs nigerians de série tv de comédie du genre "show américain" et des longs métrages de comédies et aventures,je vous prie de me les envoyer par mon mail manchou98@yahoo.fr
mon numéro de téléphone est (237)72910500