L’Afrique et les réseaux sociaux virtuels

Dans le domaine des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, les réseaux sociaux sont venus apporter une nouvelle dynamique et de nouvelles pratiques d'utilisateurs, débouchant sur de nouveaux modes de vie en communauté. S'il existe plus de 700 sites de réseaux sociaux présents dans le monde, Facebook et Twitter restent les plus utilisés et une référence dans ce domaine. Un petit dernier commence à faire toutefois parler de lui, il s'agit de Pinterest qui propose une approche intéressante avec l'utilisation de tableau sur lequel les utilisateurs vont afficher des images, des articles qu'ils ont trouvés intéressants et souhaitent faire partager.

Le continent africain n'est pas rester à la marge de la vague des réseaux sociaux virtuels. Concernant Facebook, l'Egypte reste le 1er pays du continent Africain à utiliser ce site avec un peu plus de 11 Million d'abonnés à fin août. Loin derrière, en 2eme position se trouve l'Afrique du Sud avec un peu plus de 5 Million d'abonné. Voici le Top 10 sur le nombre de comptes Facebook en Afrique (situation à fin août 2012) :

 

Position

Pays

utilisateurs

1

Egypte

11 447 040

2

Afrique du sud

5 352 900

3

Nigeria

5 138 580

4

Maroc

4 746 580

5

Algérie

3 742 540

6

Tunisie

3 151 920

7

Kenya

1 596 040

8

Ghana

1 412 660

9

Congo

766 600

10

Ethiopie

661 520

 

Avoir un compte sur un réseau social c'est bien, mais l'utiliser et mettre à jour régulièrement des informations c'est mieux. Si on regarde les pays africains dont les utilisateurs ont mis le plus souvent à jour leurs informations personnelles, la palme revient encore à l'Egypte.

Du côté de Twitter, la situation est la suivante : 

 

Pays

Nombre de comptes 

Ghana

201.111

Kenya

125.000

Egypt

114.134

South Africa

85.322

Nigeria

83.205

Morocco

76.187

Tunisia

41.077

Algeria

37.828

Senegal

24.407

 

On remarque ainsi que les pays d'Afrique du nord sont les plus présents sur Facebook mais que sur Twitter ce sont les pays Anglophone (Ghana, Kenya…) qui prennent la tête. Pour le Kenya, cela s'explique notamment par l'impact d'Ushahidi (site qui est né en 2008 et a permis aux Kényans de s'exprimer suite aux violents affrontements lors des élections).

La croyance populaire veut que les hommes soient plus fréquents utilisateurs que les femmes pour tout ce qui touche les nouvelles technologies. Qu'en est-il réellement en Afrique ? Sur le top 10 des pays les plus représentés en Afrique sur Facebook, la moyenne est de 40% de femme utilisatrices. 51% des utilisateurs de facebook en Afrique du Sud sont pourtant des femmes. Dans ce même pays, c'est également une femme qui détient le record du plus grand nombre de tweets postés… 

Les réseaux sociaux africains

Ushaidi : C'est grâce à Ory Okolloh (voir article précédent) que ce site existe. Il a permis aux Kenya de communiquer sur les malversations lors des élections de 2008. Ce site permet aussi de créer sont propre blog, d'avoir une boite mail et un service d'envoi/réception de SMS 

Afrigator est un agrégateur de contenu, outil de création de blog.

Zoopy : il s'agit d'un site sud-africain de partage de vidéos construit un peu sur le modèle de YouTube. 

Star 53 : qui a pour phrase d'accroche : "le meilleur réseau social d'Afrique". Rien de moins !

Il existe aussi des réseaux sociaux spécialisé dans un domaine, par exemple http://jokkolabs.net/ qui est un réseau social spécifique sur la création et l’innovation. Il a été crée à Dakar au Sénégal. C’est un laboratoire d’idée tourné vers l’action. Une belle idée créée par Karim Sy.

Les réseaux sociaux en Afrique ont su s'adapter à la multitude de langues sur le continent. Facebook en tient compte qui propose une version en swahili, haoussa et zoulou. Google propose aussi depuis octobre 2010, un service appelé Baraza (qui signifie «lieu de rencontre» en swahili). Il est destiné à plusieurs régions du continent et est censé permettre aux internautes de dialoguer en posant et répondant à des questions d’intérêt local ou régional. Pour accroître la communication et le dialogue intra-continental, la création de réseaux sociaux « continental » ou « régional » est à privilégier car fait par les Africains, pour les Africains. Encore faut-il que ceux-ci soient connus et reconnus par les internautes sur le contient. Au-delà de l'aspect communication, les réseaux sociaux sont aussi une formidable manne commerciale avec le développement du commerce électronique (on parle de plus en plus de f-commerce par exemple : Facebook Commerce). Or, pour la mise en relation du commerce mondial, on peut penser qu'il vaille mieux utiliser les poids lourds du domaine au lieu de se battre à mettre de nouveaux réseaux en place. Ne serait-ce que pour avoir sous la main les millions d'utilisateurs déjà référencés !

Quoi qu'il en soit, l'Afrique n’a pas manqué le rendez vous des réseaux sociaux, bien au contraire. Au regard du réseau de connexion internet, elle fait même de très bons résultats à l'heure actuelle. A l'avenir, la surprise pourrait venir de l'outil d'accès en tant que tel. En effet, il va être plus facile et moins coûteux d'avoir un téléphone mobile connecté qu'un PC connecté. Pour avoir un bon réseau (social), il faut être constamment présent, régulièrement connecté, proposer du contenu pertinent, faire entendre sa voix. Or, des millions d'Africains n'attendent que l'outil qui leur permettra de porter haut et fort leur voix, et de se tisser de nouveaux réseaux sociaux. 

Philippe Jean

Y aura-t-il un Facebook africain ?

Le continent africain est souvent cité en exemple pour illustrer la fracture numérique à l’échelle globale, comme l’ont mentionné Jacques Leroueil et Philippe Jean dans la série d’articles  Internet en Afrique : état des lieux. Pourtant, sur les 119 millions d’internautes africains recensés, 32 millions d’entre eux ont un compte Facebook (source : Socialbakers.com). Plus d’un quart des Africains utilisant Internet régulièrement sont donc connectés au réseau social le plus populaire au monde, qui compte plus de 725 millions d’utilisateurs à l’échelle de la planète.

Au-delà des chiffres, divers facteurs expliquent cette success story de Facebook sur le continent africain. Le faible taux de pénétration d’Internet conjugué à l’essor de la téléphonie mobile a sensiblement contribué à l’utilisation des téléphones portables pour se connecter aux réseaux sociaux à un coût raisonnable. Il est également aisé de garder contact avec les amis partis étudier ou travailler à l’étranger, une observation empirique permettant de constater que la plupart des utilisateurs africains affichent plusieurs centaines de contacts sur Facebook, dépassant ainsi de loin les 120 amis de l’utilisateur moyen de ce réseau. Facebook a lui-même su s’adapter à l’utilisateur africain en proposant une navigation en plusieurs langues locales, parmi lesquelles l’arabe, l’afrikaans et le swahili.  Avec 8 millions d’utilisateurs, l’Egypte est le pays qui recense le plus d’adeptes sur le continent, suivi par l’Afrique du Sud, le Maroc et le Nigéria. Le taux de croissance des utilisateurs demeure élevé, allant jusqu’à 120% par mois en République démocratique du Congo.

On peut alors s’interroger sur l’absence de l’équivalent africain de Facebook, alors que la plupart des pays émergents ont le leur, comme Orkut au Brésil ou Renren en Chine. L’internaute africain refuserait-il de se cloîtrer dans un réseau local ostracisant, ou est-il encore à la recherche du réseau social africain qui lui ressemble ?

Il existe pourtant déjà plusieurs réseaux sociaux africains, qui connaissent un franc succès. Les plus connus sont Afrigator, Zoopy et Ushahidi. Les deux premiers réseaux cités sont sud-africains, et ont été lancés en 2007. Leur positionnement diffère cependant. Afrigator est à la fois un réseau social et un agrégateur de blogs,tandis que Zoopy propose essentiellement des vidéos courtes d’actualité, que les utilisateurs peuvent commenter et partager. Ushahidi est quant à lui sur un segment bien différent : créé après les élections au Kenya en 2008, il permet aux utilisateurs de signaler les incidents violents qui ont lieu à travers le pays par le biais de leur téléphone portable, réalisant ainsi un mapping de la crise politique qui sévit dans le pays. Ce concept de cartographie sociale s’est par la suite exporté dans d’autres pays africains, tel que le Zimbabwe, la Côte d’Ivoire (Wonzomai) ou encore l’Egypte (Zabatak).

Ces trois réseaux sociaux se caractérisent donc par des modalités d’utilisation différentes, et fragmentent ainsi le modèle du réseau social en une multitude de circuits parallèles, à l’inverse même du facteur clé de succès de Facebook, à savoir rendre l’utilisateur captif et dépendant du réseau, que ce soit pour s’informer, suivre les faits et gestes de ses amis, et activer ses contacts professionnels. C’est donc l’absence d’un réseau social multi-fonctions à l’échelle du continent qui a poussé deux étudiants africains à lancer en février dernier Farafyn, réseau social se revendiquant « purement africain » et disponible dans les langues locales les plus courantes. Même s’il est encore tôt pour se prononcer sur le réussite à long terme de ce concept, le site connaît pour l’instant un succès relatif, avec tout au plus quelques centaines d’utilisateurs, la plupart sénégalais et ivoiriens.

La croissance exponentielle de Facebook en Afrique semble donc traduire une forte volonté d’adhésion à un réseau globalisant, loin des revendications d’appartenance à des réseaux locaux. Les dirigeants africains ont d’ailleurs rapidement compris le poids de Facebook dans les débats politiques locaux : rares sont les chefs d’Etat à ne pas posséder au moins une fan page officielle.

Leïla Morghad