Tout le monde s’accorde à dire que l’Afrique bouge. Si les chiffres concernant l’activité économique nous donnent de l’espoir, le constat sur le terrain procure parfois des inquiétudes sur la situation en Afrique. Le continent suscite aujourd’hui l’engouement d’investisseurs et de pays étrangers notamment les émergents du fait de son potentiel tant décrié, qui est entrain de se mettre en valeur. Certes, les changements ne se font systématiquement, cependant ils génèrent des opportunités qui intéressent ses partenaires. Mais cette prospérité économique contraste avec une situation politique et sécuritaire instable et des institutions à améliorer. Cet article se propose de revenir sur certains défis auxquels doit faire face le continent africain.
Un continent en pleine mutation…
L’Afrique a entamé sa transformation. Le dernier rapport en date de Décembre 2013 rédigé par Hubert Védrine concernant un partenariat pour l’avenir entre la France et l’Afrique en dit long sur l’état actuel du continent africain. L’activité économique continue d’y être soutenue. Déjà en 2013, le taux de croissance de l’économie devrait se situer à 5% et le FMI prévoit pour 2014, une croissance de 6%. Cette croissance est tirée par les exportations de pétrole, de gaz naturel et des ressources minières dont les prix ont augmenté sur les dernières années. La croissance provient aussi des activités agricoles et des activités commerciales et de transformation qu’elles génèrent. A cela, il faut également ajouter l’accroissement des investissements qui ont contribué à la croissance réelle à hauteur de 2,2% en 2013[1] et devraient se poursuivre en 2014, notamment dans les infrastructures publiques qui contribuent au développement du secteur du BTP. Dans le même temps, une classe moyenne est entrain d’émerger en Afrique[2]. Elle contribue à soutenir la demande intérieure entrainant dans son sciage le secteur des services. Cependant, le tableau n’est pas totalement rose et beaucoup d’Etats Africains restent encore fragiles. Et si rien n’est fait, le continent risque de faire des pas en arrière.
…mais encore beaucoup de réformes à réaliser !
L’Afrique s’en est relativement bien sortie durant la crise mais quand on constate que les émergents commencent à s’essouffler, il est clair que la croissance ne durera pas indéfiniment et des périodes de dépression sont à anticiper. Il est donc impératif que les Etats Africains créent le cadre nécessaire pour soutenir et faire durer la croissance et développer les outils pour amortir les chocs qui pourraient toucher leurs économies dans les années à venir. L’assainissement des finances publiques et l’efficacité des régies financières sont indispensables pour dégager plus de ressources internes. Les pays d’Afrique Subsaharienne aujourd’hui, mobilisent moins de 17% de leur PIB en revenus fiscaux d’après l’OCDE[3]. La faute en partie à un secteur informel important difficile à cerner et aussi à une mauvaise collecte des impôts. L’Afrique du Sud par exemple a vu son déficit se réduire sur la période 1994-2002 grâce en partie à une amélioration de la collecte des impôts. Les pays africains tirent pour la plupart leurs ressources des exportations énergétiques ou minières. Certes le Nigéria et l’Angola ont créé en 2012 des fonds souverains pour faire profiter les autres secteurs de la manne pétrolière afin qu’ils puissent garder leurs compétitivités mais ce n’est pas le cas dans les autres pays.
En plus de la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance, des réformes déjà en cours comme celle de la fonction publique en vue la rendre plus efficiente, de la justice pour rassurer leurs citoyens ainsi que les investisseurs étrangers, il faut penser aussi à protéger les plus fragiles avec des systèmes de sécurité sociale adaptés aux réalités africaines. L’amélioration de l’offre de santé et d’éducation doit continuer afin de garantir l’accumulation du capital humain nécessaire au développement du continent.
Les chiffres, qui rendent comptent de l’évolution du continent et qui sont à la base de la planification et des décisions prises par les gouvernants se doivent d’être fiables pour entrainer des actions efficaces en vue d’améliorer le bien-être des populations. Ce qui ramène à un plaidoyer en faveur des Instituts Nationaux de Statistique (INS) qui sont encore marginalisés dans le monde en développement et notamment en Afrique alors qu’ils ont un rôle primordial à jouer dans la lutte contre la pauvreté et l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement. L’intégration régionale fait son chemin mais on est encore loin du fédéralisme souhaité.
Une meilleure redistribution pour vaincre les instabilités politiques et les tensions sociales ?
« Dans le monde en développement en général, chaque point de croissance entraîne une réduction de 2 % de la pauvreté. En Afrique, ce chiffre tombe à 0,7 % » disait Francisco Ferreira, directeur du pôle recherche économique pour l’Afrique subsaharienne de la Banque Mondiale dans un entretien accordé à Jeune Afrique Economie. En clair, la pauvreté a augmenté en Afrique. Ce qui pose encore et toujours l’éternel problème de la redistribution des fruits de la croissance. Le Magazine Hebdomadaire britannique The Economist dans une publication datant du 23 Décembre 2013 et titré « Social unrest in 2014 » faisait la liste des pays susceptibles de risques des tensions sociales en 2014 avec des degrés de risque différents. Et on pouvait y trouver 17 pays africains menacés de hauts risques de tensions sociales dont le Nigéria et l’Afrique du Sud bien qu’étant de grandes puissances économiques du continent.
Ces tensions tirent leurs origines le plus souvent de la hausse des prix des produits de première nécessité, la perte du pouvoir d’achat des ménages et surtout de la hausse du chômage. Le chômage structurel est toujours d’actualité en Afrique et touche de plus en plus les jeunes (60% des chômeurs africains sont des jeunes selon la Banque Mondiale), qui se sentent délaisser par les pouvoirs publics. En plus de tensions sociales, les conflits armés sont encore récurrents dans les pays du continent sous fond de frustration de certaines régions ou groupes ethniques du fait qu’ils ne bénéficient pas ou presque des richesses de leurs pays. Des conflits qui retardent l’avancée des pays, freinent l’intégration régionale et fragilisent l’activité économique sur le continent. La situation sécuritaire est, en effet, toujours au cœur des préoccupations et demande un effort important de la part des pays africains mais également des institutions panafricaines qui peinent à réagir efficacement en cas de crises. Preuve en est la déclaration de François Hollande, Président de la République Française au dernier sommet France-Afrique de Décembre 2013 à Paris : «L’Afrique doit maîtriser pleinement son destin et pour y parvenir assurer pleinement par elle-même sa sécurité» au moment où la France est encore une fois à l’œuvre pour ramener la sécurité sur le continent notamment au Mali et en République Centrafricaine.
L’Afrique a un bel avenir devant elle car malgré tous les problèmes qu’elle connait, elle arrive tout de même à réaliser de belles performances macroéconomiques. Ce qui fait penser que si elle arrive à faire face à tous ces challenges évoqués ci-dessus, l’activité serait encore plus dynamique pour le plus grand bonheur des populations africaines.
Koffi ZOUGBEDE
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