Je découvre le Grand Parquet. Un théâtre assez singulier. Dans un de ces quartiers populaires du nord de la capitale française, Il pourrait faire penser au Lavoir Moderne Parisien où je suis déjà passé voir deux pièces. Sensation particulière, parce que l’on est sous une tente. Une sorte de yourte mongole. ET on entend le fond sonore du quartier qui vit pendant le début de la représentation, puis on oublie. La lumière s’éteint. Je n’ose pas maintenir mon ordinateur portable allumé pour ma prise de note.
Je suis dans le RER qui me ramène à la maison. Je commence la rédaction de mes impressions à chaud… La pièce a été assez courte avec un public assez restreint. J’ai apprécié Ala te sunogo – Dieu ne dort pas. D’abord sur le plan d’une thématique qui je l’espère ne sonne pas comme le chant du Cygne pour l’aventure du Blonba. Pour comprendre mon propos, il est important de lire l’interview que m’a accordé l’an dernier, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, co-animateur du Blonba, une des rares structures de production culturelle africaine indépendante. Des ennuis fonciers, le coup d’état du capitaine Sanogo et la tentative de prise de Bamako par les islamistes d’Ansar-dine et Mujao sont passés par-là.
Le thème :
Un jeune opérateur culturel bamakois trouve dans ses locaux, un inspecteur fiscal véreux extrêmement motivé pour lui extorquer des fonds. L’homme ne prend même pas le temps de faire un véritable état des lieux du bar culturel que tient Cheikhna. Il est fonctionnaire privatisé qui compte se payer sur la bête et pour qui les nouvelles lois fiscales n’ont aucun effet, si elles ne vont pas dans le sens de sa prédation. Cheikhna incarne dès le départ la figure angélique du résistant au système qui refuse de se soumettre au diktat du fonctionnaire de petite semaine. Mais sa résistance ressemble à une vanité tellement l'appareil d'état est corrompu. Il rejette en bloc toutes les approches coercitives mais également coutumières comme la gérontocratie dont use le fonctionnaire…
Dans un autre côté, il y a Solo, un jeune homme qui dort dans la rue. Il fait la rencontre de Goundo, une jeune femme altruiste que la posture de ce sans abri des tropiques ne rebute. L’échange avec prend une forme singulière, sourd muet, notre bonhomme ne s’exprime que par la danse, la danse contemporaine avec grâce, virilité et originalité. Goundo prend fait et cause pour Solo qu’elle veut extraire de sa condition.
J’aimerai d’abord souligner que j’ai passé un très bon moment. Le BlonBa m’a de nouveau surpris par l’originalité d’une pièce qui parle sans fard des maux qui rongent la société malienne : la corruption, le m’en-foutisme. Comme Vérité de Soldat, le BlonBa met le doigt là où cela fait mal avec des acteurs qui habitent réellement leur rôle, avec colère ou beaucoup d’humour. La pièce analyse aussi sur le plan culturel, une forme d’herméticité de la société malienne, comme la tentative de greffe d’un concept aussi exotique que la danse contemporaine dans les habitudes du pays, même pour un opérateur à l'avant-garde.
BlonBa et quotidiens maliens :
Cette pièce a été écrite avec les tripes. Qui connait l’histoire de ce concept culturel indépendant initié par Alioune Ifra N’Diaye qui connaissait quelques difficultés avant le coup d’état du capitaine Sanogo, peut se poser la question si cette pièce ne prend pas d'un signal douloureux. Nous ne l'espérons pas. La rage du rappeur Ramses qui joue un rôle fera penser forcément à Ifra N’Diaye et elle traduit la frustration d'un homme face à un système qui semble toujours avoir vu d’un mauvais œil son initiative. Les redressements fiscaux qui tombent sur Cheikhna, l’opérateur culturel, sont dans ce scénario le simple fait d’un fonctionnaire auto-entrepreneur et entreprenant sur les ressources d’autrui. Hum!
Cependant, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, metteur en scène et coanimateur du Blonba ne s’apitoie sur lui-même en portant le regard sur un autre itinéraire de vie, celui de ce jeune danseur « contemporain » qui cherche sa place dans la société.
Difficile de terminer cette chronique sans évoquer Bougougniéré. Super-Bougou. Un sujet à part entière qui mériterait un article. Une pièce que je recommande, à voir au Grand Parquet, pas très loin de la Gare du Nord (Paris – France).
Ala te Sunogo – Dieu ne dort pas
Compagnie BlonBa
Mise en scène Jean-Louis Sagot-Duvauroux
Prochaines représentations
Trois représentations vont être donnée dans cette agglomération
Le 22 mai 20h30 à Saint-Michel-sur-Orge (91) – 01 69 04 98 33 Espace Marcel-Carné
Le 29 mai 15h et le 31 mai 20h30 à Morsang-sur-Orge (91) – 01 69 25 49 15 L'Arlequin
Et encore 4 dates à Paris au Grand Parquet, Paris 18e
jeudi 23, vendredi 24, samedi 25 à 20h et dimanche 26 à 15h – 01 40 05 01 50 Le Grand Parque
Première parution et Illustrations – Chez Gangoueus, 6 Mai 2013
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