Le Fonds Monétaire Internationale (FMI) a publié en début de mois ses perspectives économiques mondiales (WEO). Le scénario indique un maintien des performances économiques pour l’Afrique sur le court terme, bien que pouvant être fortement altéré par les évolutions des prix mondiaux (mines et extractives). Ces performances ont particulièrement attiré l’attention sur la situation socio-économique de l’Afrique et les craintes qu’elles ne soient pas suffisantes pour réduire les inégalités. Une conférence des ministres africains de l’économie en marge de l’assemblée d’automne du FMI s’est penchée sur la question et estime que l’amélioration des infrastructures et une meilleure gestion des ressources naturelles permettraient certainement de promouvoir une croissance inclusive en Afrique.
Si, par rapport au WEO d’avril (mis à jour en juillet), le scénario mondial du Fonds est plutôt pessimiste pour 2013 (et dans le très court-terme), il estime que la situation devrait s’améliorer en Afrique. Il prévoit une croissance d’au moins 5% par an pour l’Afrique d’ici 2020, conformes à celles réalisées en juin par la Banque Africaine de Développement. Cependant cette performance pourrait être remise en cause par les évolutions des prix mondiaux des principaux produits exportés par l’Afrique. Cette crainte a soulevé la problématique de la diversification des économies africaines et la nécessité de rendre cette croissance inclusive. Cette question qui a constitué à TW-ADI un sujet de recherche, a été l’objet d’une conférence organisée, en marge l’assemblée annuelle du FMI/BM, par certains ministres africains en charge de l’économie et des finances (Angola, Côte d’Ivoire, Gabon, Libéria). Ils estiment que l’Afrique devra miser sur l’amélioration de leurs infrastructures et la gestion de leurs ressources naturelles pour promouvoir une croissance inclusive.
Des efforts contraints par l’environnement économique mondial
Pour améliorer la productivité tout en luttant contre la pauvreté, des efforts considérables ont été mis en œuvre ces dernières années au sein des pays africains pour renforcer le capital humain à travers l’enseignement et la formation. Les ministres estiment que si des mesures très efficaces ont été mises en œuvre dans les pays pour améliorer l’environnement des affaires et rendre leurs économies plus attrayantes, la richesse du continent ne devrait pas simplement se mesurer à l’importance de ses ressources humaines. La qualité des ressources humaines (capables d’effectuer des transformations) pour incorporer plus de richesses à ce qui est extrait, est tout aussi importante. Cependant, beaucoup reste encore à faire face à la défaillance des systèmes scolaires et l’inadéquation de certaines formations professionnelles.
Dans un tel contexte, les économies africaines risqueraient de subir de pleins fouets les tensions qui pèsent sur l’économie mondiale. Les possibilités de financement risquent de se faire rares et les flux commerciaux, déjà très limités de l’Afrique et principalement destinés à l’occident, pourraient se réduire. Le retrait des politiques monétaires non conventionnelles et les retombées des problèmes budgétaires aux États-Unis qui constituent un risque majeur pour l’économie mondiale, seraient moins enclins à épargner l’Afrique comme la crise de 2008. Il devient ainsi impératif pour l’Afrique de s’appuyer, comme la plupart des grandes économies sur son marché intérieur pour assurer son « émergence ».
Résorber le déficit d’infrastructures
Selon les ministres, en plus de l’amélioration de la qualité des ressources humaines, il s’avère plus qu’important de résorber le déficit d’infrastructures de l’Afrique. Ambitieux sont les projets d’infrastructures qui devraient faciliter la circulation des personnes et des biens sur le continent. Se déplacer d’une région à l’autre au sein d’un même pays, ou d’un pays à un autre, est très couteux sur le continent alors que cela est nécessaire pour assurer les échanges commerciaux et financiers, pour le développement des entreprises mais aussi pour le développement de la recherche.
Le secteur énergétique en Afrique est des moins performants et est une source de dépense pour les Etats. Il constitue une des principales causes du déficit budgétaire enregistré par les pays africains du fait des subventions déployées pour assurer l’approvisionnement. Les réserves pétrolières devraient être utilisées de façon à constituer des sources d’approvisionnement pour le continent. Alors que tous les efforts sont actuellement concentrés sur ce secteur, d’autres secteurs tout aussi importants devraient mériter un regard, notamment le secteur des transports (aérien, maritime, routier, …). Des réformes seraient nécessaires dans le domaine de la logistique pour permettre à ce secteur d’être plus performant.
Gestion des ressources naturelles
Les ministres ont insisté sur l’importance des ressources naturelles pour assurer la croissance à court terme de l’Afrique. Les exportations de pétrole ou de produits miniers ont aidé le continent africain à atteindre un taux de croissance de plus de 5% ces 10 dernières années. Ces ressources étant appelé à s’épuiser, il serait opportun d’entreprendre au niveau national et dans une moindre mesure, au niveau régional, la diversification des économies afin de réduire la dépendance aux ressources du sous-sol. Ainsi le renforcement du capital humain entrepris dans les pays devrait contribuer à améliorer la gestion de ces ressources mais aussi à assurer l’émergence progressive d’un tissu industriel en Afrique.
La situation économique mondiale (la récente crise de 2008), qui certes a épargné l’Afrique, constitue pour le continent une source d’enseignements qui devrait inciter les pays à définir des mécanismes permettant de les protéger des tensions sur les marchés mondiaux. Chaque pays tente aujourd’hui de mettre en place un fonds souverain ou d’investissement avec pour ambition de mettre à disposition des générations futures les moyens financiers nécessaires pour l’entreprenariat. Si l’efficacité de telles structures n’est pas encore prouvée, leur pérennisation est toutefois nécessaire pour assurer une dynamique économique non rentière.
L’ambitieux projet d’une Afrique émergente d’ici 2020, passera forcement par une croissance forte mais inclusive. Une étude menée par le Think-Tank TerangaWeb – L’Afrique des Idées a identifié quelques pistes de réflexions pouvant être favorable à rendre inclusive la croissance en Afrique[1]. Les autorités économiques africaines semblent au fait de cette situation et pensent d’ores et déjà aux mécanismes pouvant permettre de maintenir ou de renforcer les performances économiques actuelles de l’Afrique tout en la rendant favorable au développement social du continent. Selon les ministres africains de l’économie, cela passe par la résolution des questions relatives aux infrastructures et à l’amélioration de la gestion des ressources naturelles.
Aller plus loin :
Pour une croissance inclusive en Afrique
La croissance africaine est-elle condamnée à ne pas générer d’emplois ?
Les déterminants d’une croissance africaine à long terme
Foly Ananou
[1] Les résultats de cette étude ont fait l’objet de présentations à des conférences internationales. Leur approbation et publication est en cours …
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