Entrepreneurs : Comment bénéficier de l’engouement des fonds d’investissement pour l’Afrique ?

Il y a depuis près d’une décennie un engouement sans précédent pour l’investissement dans le secteur privé en Afrique. Cette tendance est notamment impulsée par les fonds d’investissement, attirés par les retours sur investissements supérieurs à la moyenne mondiale. Ces derniers reçoivent chaque jour plusieurs dizaines de plan d’affaires (business plan) de la part d’entrepreneurs souhaitant lever des fonds. Pourtant, seuls quelques projets seront sélectionnés. Cet article est la synthèse d’une conférence organisée par le cabinet d’avocats Clifford Chance et Private Equity Africa Magazine le 12 février 2013 à Londres. Ci-dessous, nous revenons sur les éléments-clés d’une candidature réussie.

Se placer du point de vue de l’investisseur
Pour commencer, il faut s’assurer que le plan d’affaires de l’entreprise est bien construit, et qu’il ferait sens pour un investisseur d’y mettre son argent. Les investisseurs se posent trois questions avant d’engager leur argent dans une entreprise :
• Est-ce que cette entreprise est déjà rentable et a atteint une taille critique ?
• L’entreprise a-t-elle une structure qui lui permettra de croître et d’augmenter ses profits ?
• Sera-t-il possible de revendre l’entreprise à un prix avantageux après 5-10 ans ?
Si la réponse est oui à chacune de ces trois questions, alors il y a des chances que le projet soit examiné dans le détail par le fonds d’investissement. Quelles sont les implications de ces questions ?
Le premier élément pris en compte par l’investisseur est qu’il désire investir dans une entreprise qui a déjà prouvé qu’elle pouvait générer des profits réguliers et croissants. Il est aussi essentiel que l’entrepreneur qui souhaite lever des fonds soit prêt à réduire son contrôle sur l’entreprise pour la durée d’investissement par le fonds (5-10 ans). En effet, lors d’un tel investissement, le fonds rachète une part majoritaire des actions de l’entreprise, afin de subventionner et de guider son développement.
Par ailleurs, pour être une cible intéressante, l’entreprise doit évoluer dans un marché en croissance, et disposer d’une structure capable d’absorber le capital investi par la croissance et le transformer en flux nets de trésorerie. Pour cela, il faut que l’entreprise dispose d’une structure managériale qui ne repose pas uniquement sur la personne de l’entrepreneur (micro-gestion), et puisse être agrandie sans voir sa rentabilité diluée. L’entrepreneur a donc tout intérêt à mettre en place des processus de fonctionnement interne permettant d’assurer une gestion efficace et impersonnelle de son entreprise.
Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’abord de convaincre l’investisseur de risquer une somme d’argent importante dans un projet. Les sommes engagées sont énormes, ce qui justifie l’extrême sélectivité des fonds d’investissements en Afrique, qui rechignent encore à investir dans des start-ups (venture capital).
Pour rendre un dossier de candidature convaincant, il est essentiel de modéliser la valeur de l’entreprise sur la base d’hypothèses claires. Ces calculs doivent se faire sur la base d’études approfondies des évolutions du marché et des attentes des consommateurs, ainsi que de la maturité des produits/services proposés. Ces évaluations seront d’autant plus convaincantes qu’elles utiliseront les modèles financiers fondamentaux tels que le Comparable Companies Analysis, le Precedent Transactions Analysis ainsi que les mesures-clés de rentabilité et de retour sur investissement (ROE, ROIC, EBITDA…). Finalement, il est recommandé de proposer une stratégie dite « de sortie » pour l’investisseur, en fonction de l’industrie dans laquelle l’entreprise évolue et des moyens de l’entrepreneur. Celle-ci peut être le rachat des actions cédées au fonds d’investissement par l’entrepreneur lui-même, la revente de celles-ci à un concurrent plus gros, ou encore une introduction en bourse. En lui donnant une idée de la manière de rentabiliser son investissement, on le rassure sur la quantité de risque qu’il va prendre en investissant dans une entreprise donnée.

Bien choisir le fonds d’investissement
Pour les projets les mieux ficelés, vient alors le moment de choisir le fonds qui investira dans l’entreprise. Ici, les rôles s’inversent, et plusieurs critères sont à prendre en compte pour faire un choix.
L’entrepreneur doit évaluer l’adéquation du fonds d’investissement avec son entreprise. En effet, les sommes investies diffèrent énormément d’un fonds à l’autre, tout comme leur degré d’investissement dans la gestion de l’entreprise. Si l’entrepreneur compte garder un contrôle sur les opérations de son entreprise, il a tout intérêt à choisir un fonds d’investissement qui ne lui imposera pas trop de contraintes. D’autre part, certains fonds sont spécialisés sur une industrie ou une région, et sont souvent dirigés par des investisseurs ayant de l’expérience dans l’industrie/la région concernée. Ces derniers font bénéficier aux entreprises du portefeuille de leur réseau personnel et de leurs compétences techniques. Il est donc plus judicieux pour un entrepreneur dans le domaine des télécommunications de vendre son entreprise à un fonds d’investissement spécialisé dans ce secteur. Toutefois, il faut aussi s’assurer que le fonds d’investissement ne possède pas déjà une entreprise compétitrice.
Finalement, la compatibilité des personnalités et des cultures peut déterminer la réussite ou l’échec d’un investissement. En effet, dans une situation d’investissement par un fonds, la société sera cogérée par le fonds et l’entrepreneur. Il faut donc accorder la plus grande attention au facteur humain.

Due diligence et autres joyeusetés (ce qu’il ne faut pas faire)
Une fois le fonds d’investissement choisi, ce dernier va procéder à une due diligence, qui consiste à évaluer tous les aspects de l’entreprise (fonctionnement, finances, marché, produits, facteurs de risque…) afin de contrôler les informations soumises dans le dossier de candidature.
Depuis quelques années, les processus de due diligence sont de plus en plus poussés, et de ce fait augmentent la durée nécessaire entre l’examen du dossier de l’entreprise et l’investissement effectif. Cela est dû à plusieurs scandales, notamment au Maroc en 2007, où un fonds d’investissement a dû rembourser la dette d’une compagnie d’assurances qu’il avait achetée. En effet, la société avait masqué cette dette (de plusieurs millions de dollars), et celle-ci n’avait pas été détectée lors de la due diligence…
Il est donc conseillé par les investisseurs d’être aussi transparent que possible, car au final, un entrepreneur qui tricherait risquerait de ne plus jamais voir son dossier examiné pour investissement…
Ceci n’étant qu’une synthèse sur le sujet, n’hésitez pas à me contacter pour plus de détails en laissant un commentaire au bas de cette page !

Babacar-Pierre SECK

SIAL 2012, le rendez-vous manqué du commerce africain ?

Le Salon International de l’Agroalimentaire (SIAL) s’est tenu du 21 au 25 Octobre 2012 au Parc des Expositions de Villepinte, en banlieue parisienne. Avec près de 150 000 visiteurs/acheteurs professionnels, le SIAL est l’occasion idéale pour les pays Africains de mettre en avant leur culture culinaire, mais aussi de vendre leurs produits à l’international. Pourtant, le bilan des exposants africains reste très contrasté…

La présence africaine au SIAL 2012

Sur le plan des réussites, il faut noter qu’un grand nombre de stands liés à l’Afrique étaient présents, qu’ils soient loués par des états, des entreprises ou bien des organisations internationales. Le niveau d’organisation des pavillons donnait une image assez fidèle de la taille et du dynamisme de certains pays, notamment le Maroc, l’Egypte et l’Afrique du Sud. La présence d’acteurs économiques d’un nombre croissant de pays africains sur la scène internationale montre que des efforts importants ont été fournis par les gouvernements et les acteurs du secteur privé afin de dynamiser leurs exportations. En effet, en étant présents sur les marchés internationaux, les entrepreneurs africains peuvent se mettre à jour des nouvelles pratiques en termes d’emballage, de processus industriels ou encore de marketing. Ces salons, et notamment le SIAL, qui est le plus grand salon agroalimentaire au monde, sont aussi l’occasion de rencontrer des professionnels du commerce international afin de leur présenter un nouveau produit ou de mettre en place des partenariats.

En ce qui concerne les stands, seuls de grands pays africains possédaient des stands en propre. Pour les autres pays africains, les producteurs agroalimentaires sont généralement présents grâce à des associations ou organisations qui les aident à être présents sur les marchés internationaux. En l’occurrence, lors de cette édition 2012 du Salon International de l’Agroalimentaire étaient présentes l’Association AFrique agroEXport (AAFEX) et le West Africa Trade Hub (en français : plateforme de commerce ouest africain, WATH). L’AAFEX est une association qui existe depuis 2002 et qui est présente dans plus de 20 pays d’Afrique subsaharienne, principalement en Afrique de l’Ouest, mais aussi en Érythrée, Gabon, Kenya, Zimbabwe et à Madagascar. L’AAFEX aide les entreprises du secteur agroalimentaire à améliorer leur fonctionnement interne, mais aussi à se mettre aux normes internationales ainsi tout en les aidant à financer leurs exportations. 

De manière similaire, le WATH, en partenariat avec l’USAID (l’agence des États-Unis pour le développement) aide les entrepreneurs africains dans leur fonctionnement interne et leurs relations avec leurs clients en dehors de l’Afrique. Par exemple, pour le SIAL, le WATH a pris en charge un certain nombre de frais, notamment celui de la location de l’emplacement d’exposition, facilitant ainsi la venue d’entreprises ouest-africaines. D’autre part, le WATH aide les entreprises à formuler une stratégie de vente cohérente, et les accompagne après le salon en faisant un bilan personnalisé des réussites et des points d’amélioration. L’accompagnement se poursuit au-delà des expositions, car les entreprises les plus prometteuses peuvent bénéficier d’un financement, le plus souvent opéré en partenariat avec une institution financière partenaire (e.g. Grassroots Business Fund, Root Capital).

Pourtant, malgré tous ces efforts, les stands des pays africains font pâle figure à côté de ceux d'autres pays en développement comme le Costa Rica ou le Chili. Il s’agit tout d’abord d’un manque de moyens. En effet, la location des stands coûte environ 300 euros par mètre carré (environ 200,000 francs CFA), ce qui est relativement cher pour des commerçants qui tirent leurs revenus principalement des ventes dans leur pays d’origine, à des taux de change défavorables par rapport à l’euro. Il est primordial que les exportateurs africains puissent disposer d’un espace important dans ces foires, car la taille d’un stand est gage de sa visibilité dans un monde aussi compétitif que les foires internationales. Pour beaucoup de producteurs africains, ces investissements financiers peuvent représenter une barrière à l’entrée répulsive. La plupart du temps, c’est parce qu’ils ne sont pas au courant des bénéfices qu’ils peuvent tirer d’un tel investissement. Une discussion rapide avec une productrice de confitures présente au SIAL nous a apprit qu’elle y a signé pour 40 000 euros de ventes en l’espace de 4 jours, sans compter les cartes de visite distribuées, qui pourraient rapporter des clients supplémentaires !

La présence d’organisations comme l’AAFEX ou le WATH est utile en ce qu'elle permet à des producteurs africains d’accéder aux financements dont ils ont besoin. Néanmoins, ces organismes disposent de budgets limités. C’est le rôle des gouvernements et des banques de fournir des soutiens financiers et humains aux producteurs africains afin qu’ils puissent se développer à l’international ! Les opportunités sont là, il faut se donner la chance de les saisir ! En observant les stands africains, il est aisé de voir les points potentiels d’amélioration : il faut rationaliser les processus de présentation/dégustation des produits, mettre plus en avant les marques, améliorer les outils de communication, peut-être effectuer une étude marketing des clients intéressés… Les idées sont nombreuses, et souvent déjà formulées par les producteurs eux-mêmes et les experts du WATH ou de l’AAFEX, mais le manque de ressources humaines et financières limite les possibilités, et il n’y a que 24 heures dans une journée…

Le plus choquant dans tout cela, c’est tout de même le manque d’unité entre les producteurs des différents pays africains : en effet, sachant que le prix de location d’espace décroît plus la superficie louée augmente, il semblerait logique que les producteurs s’associent afin d’occuper une place plus importante afin de ne pas disparaître dans les halls gigantesques du Parc des Expositions de Villepinte. Et pourtant, ce ne fut pas le cas, et de ce qu’il se dit, c’est à chaque fois le même problème : chacun reste de son côté, tout le monde y perd et pourtant personne ne fait le premier pas. Non contents de ne pas s’associer, les africains affichent un désintérêt notoire pour les stands d’autres pays africains, à tel point que le responsable d’un stand regroupant plusieurs pays d’Afrique m’a annoncé qu’en 5 jours du Salon International de l’Agroalimentaire, pas un seul Africain ne s’était arrêté à son stand, si bien qu’il dût aller à leur rencontre afin de les inviter à visiter son stand. Les Africains s'aiment-ils donc si peu les uns les autres ?

Babacar Seck

L’environnement dans les relations Chine-Afrique

Alors que s’approche la date du 5ème Forum de Cooperation Chine Afrique, certaines questions essentielles des relations Chine-Afrique méritent d’être abordées, c’est le cas de l’environnement.

Développement et            environnement en Chine

Le développement fulgurant de la Chine depuis la fin des années 1970 est probablement le plus impressionnnant phénomène de rattrapage économique de l’histoire. De par beaucoup de caractéristiques, la Chine d’avant les années 1980 ressemble beaucoup à l’Afrique : une population très importante, et largement rurale, des économies locales très peu reliées entre elles et des climats allant de l’aride au tropical. Toutefois, tous ces éléments que beaucoup considéraient comme des contraintes n’ont pas empêché le pays de multiplier la taille de son économie par 10 en 25 ans et ainsi de tirer plusieurs centaines de millions de Chinois hors de la pauvreté. Il semblerait donc intuitif que les dirigeants africains puissent s’inspirer du modèle de développement chinois afin de sortir leurs propres populations de la pauvreté. D’ailleurs, la Chine invite diplomates et économistes de tout le continent pour des formations courtes et longues sur sa propre histoire.

Aujourd’hui, les investissements Chinois en Afrique tendent à reproduire et à inciter les mêmes trajectoires de développement que celles de la Chine. Ils accordent une place importante au développement des infrastructures et à l’industrie. Toutefois, cette méthode de développement, si elle possède des atouts indéniables, s’est aussi montrée très peu encline à prendre en compte les enjeux environnementaux qui surgissent à tout moment lors des projets. De fait, la Chine est aujourd’hui en proie à une tentative de rééquilibrage de ses politiques économiques et tente de ratttraper les erreurs du passé. La route sera longue : l’eau courante en Chine n’est pas potable, la plupart des rivières sont polluées aux métaux lourds et l’air est irrespirable dans la majorité des villes qui atteignent la taille moyenne. Les taux de cancer augmentent d’ailleurs très vite alors que l’espérance de vie diminue. Aussi, les populations se rebellent de plus en plus envers les gouvernements locaux et provinciaux qui dégradent l’environnement et donc la qualité de vie. On se souviendra de la construction du barrage des Trois-Gorges, pour lequel plusieurs millions d’habitants des provinces alentours furent déplacés. Les tensions sociales tendent à se cristalliser de plus en plus sur des sujets environnementaux.

Questions environnementales en Afrique     

L’Afrique, quant à elle, a beaucoup à perdre de la dégradation de son environnement. La diversité des espèces qui peuplent savanes et forêts, mais aussi les paysages sont en danger. Au-delà même de la valeur intrinsèque des paysages et de la biodiversité, la dégradation environnementale signifie aussi des pertes importantes au niveau du tourisme, qui représente souvent une part très (trop?) importante des budgets des pays africains. Aussi, la dégradation de l’environnement équivaut à une réduction de la qualité de vie des populations, et de leur santé, et à des pertes économiques très importantes. L'on estime que plus d’1% de croissance est perdu en Chine chaque année à cause de la pollution et de la dégradation environnementale…

Le discours que l’on entend bien souvent est que les questions environnementales appartiennnent aux pays riches. Pourtant, l’absence d’une politique environnementale de long terme à coûté très cher à de nombreux pays, qui souffrent désormais de leurs erreurs passées. Il s’agit donc pour les dirigeants africains de trouver un juste équilibre entre la promotion d’un développement économique accéléré et la préservation des écosystèmes.

Relations environnementales Chine-Afrique

Alors que la présence chinoise en Afrique se développe, les crises environnementales ont également suivi. Les entreprises chinoises ayant encore très peu d’expérience en dehors de la Chine, et une expérience acquise dans un contexte où la contestation sociale et environnementale était absente, ces dernières mettent du temps à appliquer les standards internationaux en matière de gouvernance environnementale. Toutefois, le gouvernement chinois, soucieux de son image au plan international, en a fait une priorité, et pousse les entreprises publiques et privées chinoises à instaurer des codes de conduite dans leurs opérations en Afrique. Ainsi EXIM Bank, une des banques chinoises investissant beaucoup en Afrique, a mis en place depuis 2007 une charte environnementale à respecter pour les entreprises y empruntant de l’argent pour les projets. On voit aussi apparaître des rapports de responsabilité sociale au sein des entreprises chinoises, incitées par le gouvernement chinois, les organisations internationales, les ONG et les gouvernements africains. Toutefois, il manque encore un suivi rigoureux des politiques environnementales et sociales des entreprises par une entité externe.

Un autre point de tension des relations environnementales Chine-Afrique se situe dans les comportements potentiellement dangereux de certains individus chinois en Afrique. On pense notamment aux réseaux de contrebande de corne de rhinocéros et autres espèces rares qui ont récemment été observés. Ces produits, difficiles à obtenir en Asie, sont très recherchés pour leurs vertus médicinales/magiques, et un laxisme à ce niveau pourrait avoir des conséquences très néfastes.

Au cours des dernières années, plus d’importance a été donnée à la coopération sur les questions environnementales entre l’Afrique et la Chine, notamment à travers le Forum pour la Coopération Chine Afrique (FOCCA), notamment après plusieurs crises médiatiques sur le plan environnemental. En 2009, la Chine s’est engagée à soutenir une centaine initiatives en rapport avec les énergies renouvelables. Néanmoins, la coopération reste encore limitée à des initiatives sectorielles, et le suivi des engagements pris par la Chine n’est pas très efficace, faute de coopération panafricaine. Alors que l’Afrique a beaucoup à apprendre de la Chine, le contraire est aussi vrai, notamment grâce à l’expérience en management des parcs naturels en Afrique, qui pourrait beaucoup bénéficier à la Chine, débutante sur ce plan. Il est donc dans l’intérêt de l’Afrique, pour protéger son environnement, et de la Chine, pour son image et pour apprendre de l’Afrique, de coopérer sur les questions environnementales.

Le prochain sommet du FOCCAC en juillet, ainsi que les conférences de Rio+20 et le dixième anniversaire du sommet de Johannesburg sur le développement durable sont autant d’opportunités de construire un partenariat solide. Espérons que les leaders africains et chinois sauront saisir la bonne occasion.

Babacar Seck

Source : African East Asian Affairs 71 : sustainability as a topic: preparing for FOCAC V

Les talibés du Sénégal, un problème de société

50 000, pas moins. Avec une population de 13 millions d’habitants, le Sénégal fait fort de compter un tel nombre d’enfants âgés de 3 à 14 ans qui vivent sans leur parents, et passent la plupart de leur temps à mendier dans les rues des villes du pays, exposés à tous les dangers dont celles-ci regorgent. Les talibés – ainsi que les appellent les Sénégalais – sont supposés étudier le Coran sous les auspices d’un maître, le « marabout », qui est censé les former à la dure pour réussir dans ce qu’ils entreprendront après leur sortie du daara, ou école coranique. Et pourtant, la réalité des choses ne pourrait être plus éloignée de cet idéal éducatif venu d’un autre temps. Pour mieux comprendre le fossé qui sépare l’imaginaire du daara de sa réalité, enfourchons notre machine à remonter le temps pour explorer les origines de ce fait social.

Naissance et évolution des daaras
Les populations sénégalaises se convertirent pour la plupart à l’Islam à partir du 19ème siècle. Face à la puissance colonisatrice française, les chefs locaux considérèrent qu’il était plus important que tout de sauvegarder leurs coutumes, fût-ce au prix d’une conversion religieuse. Ils trouvèrent en l’Islam soufi un substitutif dont les valeurs coincidaient avec les leurs, et dans les leaders de ce mouvement religieux un support solide dans la confrontation aux Français. L’Islam apportait aussi aux chefs locaux une éducation alternative à l’enseignement obligatoire que la France tentait de leur imposer. Dès le départ, l’instruction coranique s’était posée comme un signe de résistance à l’envahisseur et représentait une volonté de préserver des valeurs locales de l’influence des « écoles françaises », expression toujours utilisée pour désigner l’enseignement public sénégalais…Au départ, les daaras étaient uniquement situés dans le milieu rural. Les talibés travaillaient dans le champ du marabout en échange de quoi celui-ci leur fournissait une instruction musulmane, et prenait soin d’eux. La mendicité occupait alors une part minime du temps des enfants, son rôle était alors de leur apprendre la patience, l’humilité, et le partage, car ils devaient mettre en commun tout ce qu’ils récupéraient. Finalement, évoluant dans le village ou à sa proximité, ils restaient dans un environnement familier et peu dangereux. Période de passage à l’âge adulte, le séjour au daara formait des hommes prêts à s’intégrer dans la société.

La métamorphose des daaras se fit au courant des années 1980 et 1990. Elle a pour cause les crises économiques et agricoles qui secouèrent le Sénégal, non sans l’aide des plans d’ajustement structurel imposés par le F.M.I. de John Wolfhennsson, dont la dureté marque encore l’imaginaire sénégalais. A cause de la réduction des budgets dédiés à la santé, l’éducation, aux aides sociales et aux subventions agricoles, le tissu social traditionnel qui favorisait l’entraide perdit vite de sa substance. Au même moment, plusieurs sécheresses accablèrent l’intérieur du pays, réduisant la sécurité alimentaire et poussant un nombre croissant de parents à se défaire de leur nombreuse progéniture auprès des marabouts, plutôt que de l’école publique qui, bien que gratuite était accompagnée de nombreux coûts (transport, fournitures etc). Mais les marabouts étaient confrontés aux mêmes difficultés que les parents, et, très vite, ils délocalisèrent leur daara au sein des villes, où l’activité économique avait déjà repris.

Les nouveaux daaras
Face à ce nouvel environnement, les daaras changèrent beaucoup : ne pouvant plus fonctionner sur la récolte du champ du marabout comme c’était le cas à la campagne, il fallait que les talibés passent plus de temps dans la rue afin de récolter assez d’argent et de nourriture. En ville, les talibés sont exposés à toutes sortes de dangers : accidents de la circulation, trafic de personnes, brutalités… Loin de leurs familles et encore jeunes, ils ont peu de repères ou de moyens de se défendre en cas d’abus dans la rue ou de la part du marabout. Ce dernier, d’ailleurs, n’est plus confronté à la pression sociale qui dans le village le poussait à réellement enseigner quelque chose aux enfants et à prendre soin d’eux. La combinaison de la hausse des prix des denrées, du logement et de l’absence de supervision des daaras fait que le sort des enfants dépend entièrement du marabout qui l’encadre. Certains possèdent même plusieurs daaras et s’enrichissent sur le dos des enfants, tout en cachant la vérité aux parents. La vétusté des daaras est un fait connu, les maltraitances des talibés maintes fois médiatisées.

La vie après le daara
Au-delà même des questions de la vie au daara se pose la question de la vie après le daara : que faire dans la vie si l’on ne parle pas français (la langue officielle au Sénégal) et que l’on ne possède que peu de compétences professionnelles ? Les meilleurs deviennent marabouts à leur tour, où encore enseignants d’arabe, mais qu’en est-il du reste ? Durant toute leur enfance, âge où l’on apprend la vie en société, ils furent à l’écart de tous, à cause de leur odeur, de leurs vêtements et de la peur des parents des autres enfants. Il leur manque aussi les compétences nécessaires à la recherche d’un emploi, fût-il précaire ! La jeunesse d’aujourd’hui est la société de demain, dit-on. Quel genre de société construit-on ainsi ? Il ne faut pas se leurrer, une éducation musulmane se doit d'être complétée de compétences techniques ! La vérité, c’est que si une fois à l’âge adulte ces talibés se retrouvent sans compétences, ni emploi, ils seront perdus pour la société, et iront grossir le lot des hors-la-loi qui rendent les villes sénégalaises de plus en plus dangereuses.

Ainsi, d’une période d’apprentissage de la vie en société, le passage au daara est devenu un centre de fabrication à la chaîne de futurs exclus sociaux… Mais que font les Sénégalais, et l’Etat sénégalais ?

Talibés, la défaite de la société sénégalaise

A vrai dire, il semblerait que tout le monde profite du statu quo sur la question des talibés. Tandis que les parents des talibés se débarassent d’un fardeau jugé trop lourd, les marabouts s’enrichissent sans efforts. Même les « bons samaritains » qui donnent des offrandes aux talibés s’acquittent par la même occasion de leurs devoirs de musulman voire même, ô surprise, des offrandes recommandées par leur marabout afin de chasser les mauvais esprits. L’Etat, quand à lui, tente tant bien que mal de montrer sa bonne volonté en signant et ratifiant tous les textes proposés par les organisations internationales et les ONG, tout en se gardant bien de les appliquer, de peur de réveiller la fureur des confréries religieuses. En 2012, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade tenta tant bien que mal de rendre illégale la mendicité en ville. Mais la loi fut si mal accueillie par les autorités religieuses et la population que la législation fut retirée moins de trois mois après sa mise en application. Pour les Sénégalais, donner l’aumône fait partie de l’ordre des choses, que ferait-on s’il n’y avait plus de talibés ? Comment pourrait-t’on s’attirer la réussite et éviter d’être marabouté par des envieux ? Bien qu’elle s’offusque des traitements infligés aux talibés, la société sénégalaise ne semble pourtant pas si encline que cela à perdre la possibilité de donner l’aumôme… Bien entendu, il y a beaucoup de « faux » marabouts, mais dit-on « la plupart enseignent le Coran aux enfants », et puis, il ne faut pas critiquer ce qui se rapporte à la religion, « cela ne peut rien nous apporter de bon ». Alors on continue d’oublier la souffrance silencieuse de ces pauvres enfants, et l’on ferme les yeux sur des atrocités d’un autre âge.

Le rôle des religieux

Quand aux chefs religieux, ils se gardent bien de lutter contre ces daaras, qui constituent leur réseau de présence au niveau local, et leur permet par la suite d’enrôler ces jeunes sans avenir parmi les rangs de leurs fervents supporteurs. Ceux-ci suivront à la lettre le ndiguel, ou orientation politique proposée par le chef religieux. Les talibés seront aussi les premiers contributeurs aux projets lancés par les chefs religieux, en échange de quoi ces derniers leur fournissent les aides que l’Etat ne semble pas pouvoir apporter (logement, nourriture, vêtements, femme !) . Ainsi, les confréries religieuses gardent un rôle important tant en politique que dans la société (voir la partie 1 et la partie 2 d'un article de Nicolas Simel Ndiaye consacré à ce sujet).

Propositions

Il ne s’agit pas aujourd’hui de rompre cet équilibre social qui s’est créé. Plutôt, il faudrait une recherche de solutions préparées afin d’améliorer le quotidien et le futur des talibés. A cet effet, j’aimerais proposer deux mesures. La première serait la création d’un label de « bon daara » par les autorités religieuses et la confréries, en accord avec l’Etat et la société civile. Un tel label permettrait aux parents des talibés de remettre leurs enfants à un « bon marabout ». On pourrait ainsi cartographier les daaras et s’assurer que ceux possédant le label soient encouragés et que les enfants y bénéficient de meilleures conditions de vie et d’une formation professionnelle. D’autre part, il faudrait supporter les daaras ruraux, en les aidant à mettre en place des activités génératrices de revenus, afin de limiter l’exode rural des populations jeunes, qui sont censées constituer la force du secteur agricole très peu motorisé du Sénégal. Quelle société peut se dire moderne si elle ne prend même pas soin de ses enfants ?

 

Les relations Chine-Afrique (2) : La stratégie chinoise

On assiste depuis quelques années à une effervescence autour de la présence de plus en plus importante de la Chine en Afrique. Les accusations sont nombreuses, tout autant que les promesses. Du côté de l’Occident, les medias et le milieu politique s’alarment: la Chine, en offrant des prêts sans demander de contreparties en termes de démocratie ou de gouvernance, détruit des décennies de travail de la Banque Mondiale et des agences de développement. On accuse la Chine de tous les maux : voler de la terre aux pauvres paysans, commercer avec des régimes ‘’parias’’. En Chine, on se défend de toute mauvaise intention. Pendant ce temps, la voix des africains se fait peu entendre. Les coeurs balancent. D’un côté, l’approche dynamique de la Chine en Afrique est revigorante et change des processus lents et bureaucratisés des bailleurs de fonds traditionnels. De l’autre côté, les frictions économiques et sociales causées par l’arrivée en masse d’entreprises et de travailleurs chinois inquiètent les populations locales. Il est donc essentiel de décortiquer les dynamiques à l’oeuvre, afin de donner à nos lecteurs les outils nécessaires à une prise de décision éclairée. Il s’agit aussi de dissiper les malentendus sur la question afin d’avancer vers une meilleure compréhension mutuelle des différents acteurs. Dans cette perspective, cet article est le deuxième  d’une longue série portant sur les relations entre la Chine et l’Afrique, qui aborderont des questions tant économiques que politiques et sociales.

Chine-Afrique: La stratégie chinoise

Quelles sont les raisons de l’implication chinoise en Afrique? Quelle stratégie utilise-t-elle pour atteindre ses objectifs?

Les raisons derrière l’implication de la Chine en Afrique sont tout d’abord pragmatiques. Les deux tiers des exportations africaines en Chine sont des ressources naturelles. En effet, le développement phénoménal de la Chine et les tensions récurrentes dans le Moyen-Orient – qui poussent à la hausse les prix du pétrole – ont poussé les dirigeants chinois à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement. Ils se sont donc tournés vers l’Afrique et ses ressources largement inexploitées, faute d’infrastructures. Ainsi, la Chine se concentre sur la construction d’infrastructures afin de gagner les faveurs des gouvernements africains. Le but de cette démarche est de devenir un partenaire privilégié, notamment dans l’attribution des chantiers nationaux, ce qui est souvent une condition des investissements chinois.

Dans le même temps, le gouvernement chinois incite ses entreprises et entrepreneurs à s’installer en Afrique. Il s’agit de profiter de la bonne dynamique des relations Chine-Afrique pour s’insérer sur les marchés africains à fort potentiel de développement. En Europe et aux Etats-Unis, les entreprises chinoises ont du mal à s’implanter, à cause de la peur des gouvernements et des populations (le retour du « péril jaune »). A l’opposé les gouvernements africains accueillent à bras ouverts les investissements chinois qui créent des emplois et relancent souvent des économies oubliées par l’Occident. Cela permet aux entreprises chinoises de gagner l’expérience internationale qui leur manque pour être plus efficaces dans la compétition globale, mais aussi pour monter dans la chaîne de valeur. De fait, les entreprises chinoises s’attachent à délocaliser des filiales en Afrique et un certain nombre d’activités polluantes et ntensives en main d’oeuvre peu qualifiée. Cela n’est pas sans nous rappeler les délocalisations japonaises en Chine dans les années 1970…

 Finalement, le développement d’activités en Afrique permet aussi à la Chine de réduire sa dépendance économique avec l’Europe et les Etats-Unis, notamment en cette période de crise et de repli sur soi. Plus récemment , la crainte d’un protectionnisme rampant et des pressions politiques occidentales sur les questions de politique étrangère (telles que la Syrie), mais aussi le risque d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise en 2012 attisent le désir des dirigeants chinois de diversifier leurs « amis ».

Et c’est bien d’amitié qu’il s’agit quand on parle de l’Afrique en Chine. Il faut comprendre la stratégie africaine de la Chine comme intégrée à un tout, à savoir la stratégie de développement général de la Chine. Celle-ci inclut notamment le développement du soft power chinois, à savoir la capacité d’un pays à obtenir ce qu’il veut non par la coercition mais par son influence. Trois aspects se dessinent. Le plus important est celui de la construction d’un groupe d’amis qui supporte la Chine au plan des relations internationales. Les pays africains représentant plus du quart des membres de l’Assemblée Générale aux Nations-Unies, leurs votes combinés ont souvent permis de protéger la Chine de sanctions au sein de la Commision pour les Droits de l’Homme. Simultanément, la conquête progressive du support des pays africains a permis a la Chine de réduire le nombre total de pays reconnaissant l’autre Chine : Taiwan. Le nombre de pays africains reconnaissant Taiwan est passé de plus de 20 en 1990 à 5 en 2012. Cela permet à la Chine d’isoler Taiwan de plus en plus et de l’empêcher d’intégrer une quelconque institution internationale.

Cette stratégie est aussi un test pour la Chine qui tente de prouver au monde qu’elle peut se développer sans représenter une menace pour l’Occident. On comprend pourquoi la Chine fait tant d’efforts pour maintenir de bonnes relations avec les pays africains, premiers juges des actions chinoises. De plus, cette stratégie s’opère largement par la promotion de la culture chinoise en Afrique à travers la création de centres Confucius. Il y en a désormais 17 qui promeuvent la culture chinoise en Afrique. La Chine offre aussi un grand nombre de bourses très avantageuses aux étudiants africains pour aller y étudier. Ces bons étudiants qui seraient autrefois allé étudier en France, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. La Chine pèse ainsi sur les coeurs et les cervaux des futures générations africaines en les formant elle-même.

Finalement, il serait réducteur de limiter l’implication chinoise en Afrique à une somme d’intérêts égoistes. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de membres de la bureaucratie et du gouvernement et  chinois sont de l’ancienne école communiste et que le marxisme reste une matière obligatoire tout au long de la scolarité des élèves et des étudiants. Il n’est pas rare d’entendre un banquier, un économiste ou un membre du gouvernement citer la solidarité internationale pour justifier les investissements chinois en Afrique. Bien sûr, il ne faut pas être dupe, mais il faut aussi accorder de l’importance à la compréhension de son partenaire.

Il existe aussi des côtés négatifs à cette relation pour l’Afrique, et ils sont nombreux, à savoir : la délocalisation d’industries polluantes, les pratiques non régulées des entreprises chinoises, le risque de voir les marchés les plus prometteurs aller à des entreprises chinoises. Le plus gros problème de cette relation réside sûrement dans son caractère asymétrique : on parle de relations Chine-Afrique et jamais de relations Afrique-Chine. Les moyens de l’Afrique sont limités mais il est absolument nécessaire de prendre des actions décisives tant qu’il en est encore temps afin de s’assurer de la pérennité de cette relation, qui dépend beaucoup de son équilibre. Nous ne voudrions pas répéter les erreurs du passé.

 Babacar SECK

Crédit photo: http://www.diploweb.com/La-Chine-en-Afrique-une-realite-a.html

Les relations Chine-Afrique (1) : Le discours de Beijing

On assiste depuis quelques années à une effervescence autour de la présence de plus en plus importante de la Chine en Afrique. Les accusations sont nombreuses, tout autant que les promesses. Du côté de l’Occident : Europe et Etats-Unis, les medias et le milieu politique s’alarment: la Chine, en offrant des prêts sans demander de contreparties en termes de démocratie ou de gouvernance, détruit des décennies de travail de la Banque Mondiale et des agences de développement. On accuse la Chine de tous les maux : voler de la terre aux pauvres paysans, commercer avec des régimes ‘’parias’’ (Zimbabwe, Soudan…). En Chine, on se défend de toute mauvaise intention. Pendant ce temps, la voix des africains se fait peu entendre. Les coeurs balancent. D’un côté, l’approche dynamique de la Chine en Afrique est revigorante et change des processus lents et bureaucratisés des bailleurs de fonds traditionnels (France, Royaume-Uni, Etats-Unis). De l’autre côté, les frictions économiques et sociales causées par l’arrivée en masse d’entreprises et de travailleurs chinois inquiètent les populations locales. Il est donc essentiel de décortiquer les dynamiques à l’oeuvre, afin de donner à nos lecteurs les outils nécessaires à une prise de décision éclairée. Il s’agit aussi de dissiper les malentendus sur la question afin d’avancer vers une meilleure compréhension mutuelle des différents acteurs. Dans cette perspective, cet article est le premier d’une longue série portant sur les relations entre la Chine et l’Afrique, qui aborderont des questions tant économiques que politiques et sociales.

                Chine-Afrique: Le discours de  Beijing

Quelles sont les raisons qui expliquent l’intérêt accru de la Chine pour l’Afrique depuis quelques années?  Portrait général de la relation.

Le caractère indéniable de l’importance de l’Afrique pour la Chine est primordial afin de comprendre l’approche de l’Afrique qu'ont les dirigeants chinois. En effet,  ces derniers du plus haut niveau, de Zhou Enlai à Hu Jintao et maintenant Xi Jinping, ont tous effectué des voyages très réguliers dans un grand nombre de pays d’Afrique. De plus, ces visites ne se sont jamais limité aux pays riches en ressources naturelles. lI est important de le souligner, car au-delà des ressources naturelles, ce que cherche la Chine, c’est développer son image au plan international et tisser un réseau d’amis qui lui apportent du soutien dans ses confrontations avec l’Occident ou avec Taiwan. Ces visites sont d’autant plus représentatives de l’intérêt que la Chine porte à l’Afrique si l’on prend en compte l’importance de la symbolique dans la culture chinoise. Celle-ci indique que si quelqu’un vous rend visite, et non le contraire, c’est qu’il vous accorde beaucoup d’importance. Vu le nombre de visites de dirigeants chinois en Afrique, nous pouvons donc en déduire que la Chine considère l’Afrique comme un des enjeux essentiels de sa politique étrangère au 21e siècle.

Le discours officiel de la Chine met en avant le caractère ancien et continu de la présence chinoise en Afrique. Plus particulièrement, les diplomates chinois s’attachent à citer l’implication de la Chine en Afrique depuis les années 1950. En effet, dès la naissance de la République Populaire de Chine, les dirigeants de la Chine, inspirés par des idées socialistes et motivés par la recherche de reconnaissance pour leur nouvel Etat, se sont tournés vers l’Afrique. Les chercheurs chinois proches du pouvoir, tels que He Wenping, de l’Académie Chinoise des Sciences Sociales, et Li Anshan, de l’Université de Pékin, insistent sur l’ancienneté de cette relation. En effet, depuis la naissance de la République Populaire de Chine, la relation sino-africaine autant dans le domaine des infrastructures que dans celui de la santé et de l’éducation, a été continue bien qu’irrégulière (notamment pendant les périodes de tumultes internes en Chine).

D’autre part, la Chine insiste sur le caractère nouveau de son approche par rapport à celle des acteurs habituels du développement en Afrique. Tout d’abord, la Chine se positionne en tant que leader des pays en développement.  Elle est  le plus grand et le plus peuplé des pays en voie de développement. Depuis 1950, la taille de l’économie chinoise a été multipliée par 40, sortant plusieurs centaines de millions de chinois de la pauvreté extrême. Les dirigeants chinois qui vont en Afrique disent comprendre les défis que rencontrent les populations et les dirigeants africains. Toutefois, ils insistent sur le fait qu’ils ne se posent pas en donneurs de leçons, contrairement à l’Occident. Plutôt, ils mettent en avant le principe de non-ingérance dans les affaires internes des Etats africains. Ceci implique que les accords passés avec la Chine et les entreprises chinoises sont uniquement commerciaux et ne contiennent pas de contreparties politiques (bonne gouvernance, transparence…). Finalement, la Chine se présente comme offrant des partenariats gagnant-gagnant à ses partenaires africains, selon les principes confucéens prônés par Zhongnanhai (l’équivalent de l’Elysée) d’harmonie des civilisations et de développement pacifique de la Chine.

Ainsi se structure le discours de Beijing sur son implication en Afrique. Notre prochain article présentera les raisons qui expliquent cette implication, tout en décortiquant la stratégie mise en place par la Chine.

Babacar SECK

Crédit photo: come4news.com