Les pays de l’UEMOA profitent-ils de leur monnaie commune ?

uemoaL'optimalité d'une zone monétaire fait référence au champ géographique le plus favorable sous laquelle une monnaie peut être utilisée. Les théories traitant de l'optimalité d'une zone monétaire aboutissent à une analyse en terme de coûts/bénéfices. Ils conduisent ainsi à l'arbitrage entre l'outil qu'est l'ajustement macroéconomique se réalisant par la variation des taux de change et les bénéfices qui peuvent être tirés d'un état de régime de change fixe de fait entre les Etats membres d'une union monétaire. Une telle analyse appliquée à l'UEMOA permet-elle de conclure que L'UEMOA est une " Zone Monétaire Optimale " ?

D’après la théorie économique, plusieurs facteurs peuvent conduire à l'adoption d’une monnaie commune entre des pays partenaires. Ils vont de la mobilité des facteurs de production entre les pays (mobilité des travailleurs et du capital) et/ou de l’existence d’une politique budgétaire commune à ces pays (Mundel, 1963 [1]), à la diversification de leurs économies (Kenen, 1969 [3]) en passant par leur ouverture commerciale (McKinnon, 1963 [3]).

La mobilité des facteurs de production entre les pays voulant prendre part à une union monétaire permet à ces pays de s’ajuster aux variations de taux de change lors de chocs [4]. Aussi, si la part de la production des biens destinés à l’exportation est forte par rapport à l’ensemble de la production d’un pays, les variations du taux de change influent fortement sur le niveau général des prix dudit pays. La quête de stabilité peut alors passer par l’adhésion à un ensemble monétaire plus vaste. Par ailleurs, la diversification d’une économie lui permet de mieux résister aux chocs. L’intensité du choc est en quelque sorte diluée dans l’ensemble du tissu économique. En complément, il convient de préciser que la perte de souveraineté nationale sur la politique monétaire est dommageable à partir du moment où le choc subi est asymétrique [4]. Dans le cas contraire, une réponse de politique monétaire communautaire aux chocs est souhaitable.  Ainsi, des pays homogènes dans leur structure économique politique, auront donc un coût d'adhésion à l'union monétaire plus faible que des pays structurellement hétérogènes du fait de la moindre existence entre eux de chocs asymétriques.

Dans son processus d’intégration, la réglementation en vigueur au sein de l’UEMOA garantit la mobilité des biens et des personnes. En pratique, cette mobilité n’est pas encore effective dans la mesure où des contraintes tarifaires et non tarifaires existent encore (coût du transport, tracasserie douanière, etc.)[1]. Jusqu'à une date récente, la Côte d’Ivoire réclamait aux ressortissants de l’UEMOA la détention d’un permis de séjour. Autre exemple, au Sénégal que l'on soit ressortissant de l’UEMOA ou pas, la détention d’une carte consulaire a plus de valeur qu’un passeport ou une carte d’identité pour circuler librement. Concernant la mobilité du travail, les préférences pour des compétences nationales au détriment des compétences régionales (sauf dans les emplois des institutions dotées d'attributions régionales) sont autant de facteurs qui entravent la libre circulation des personnes dans l’UEMOA. Si dans les textes, la BCEAO garantit également le libre transfert des capitaux à l'intérieur de l'UEMOA, la mobilité des capitaux entre les Etats membres de l’UEMOA reste encore assez limitée. Très peu de sociétés osent s’implanter dans d’autres pays de la sous-région en raison d’un secteur bancaire qui offre peu de crédits aux entreprises pour financer l’investissement durable. Les quelques mouvements de capitaux observés concernent notamment les souscriptions aux émissions de titres publics ou les prises de participation dans des entreprises à travers la BRVM. 

Les transferts budgétaires sont également un élément de réponse aux chocs au service de l'efficacité d'une zone monétaire. Depuis 1996, le Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) est la première source du budget communautaire de L'UEMOA.  Il a par exemple financé des transferts compensatoires en faveur des pays impactés négativement suite à l'entrée en vigueur du TEC (Tarif Extérieur Commun) UEMOA en 2000 ou encore financé la lutte contre la chèreté de la vie dans l'UEMOA. Mais ces transferts sont loin d'équivaloir en proportion de PIB communautaire, les transferts budgétaires observés en Zone Euro relatifs à la Politique Agricole Commune ou aux fonds de cohésion.

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Source : Calculs et graphique realise a partir des donnees WDI de la Banque Mondiale.

Concernant l'ouverture commerciale des pays de l'UEMOA, on observe une grande diversité de situations qui évolue peu entre 1994 et 2011. Certains pays comme le Togo et la Côte d'Ivoire sont ouverts, tandis que d'autres comme le Burkina Faso le sont deux à trois fois moins.

Par ailleurs, les économies de l'UEMOA présentent des différences structurelles. Au delà des différences de tailles des économies et des niveaux de vie au sein de la zone (le PIB de la Côte d'Ivoire représente à lui seul plus de 30% du PIB de l'Union et le PIB par tête en Côte d'Ivoire est trois fois celui du Niger ou de la Guinée-Bissau). On observe une hétérogénéité structurelle au moyen de la composition des PIB par secteur. Ainsi, le secteur primaire pèse presque deux fois plus dans l'économie ivoirienne que dans l'économie sénégalaise alors que le secteur secondaire est deux fois plus important dans l'économie malienne que dans l'économie béninoise. Le secteur tertiaire est, en proportion du PIB, deux fois moins développé en Guinée Bissau qu'au Burkina Faso. La survenance de chocs asymétriques est donc un risque que l'on ne peut écarter dans cette union.

L'analyse de l'UEMOA à travers les critères de Mundell, Mc Kinon et Kenen apporte une réponse sans appel concernant l'optimalité de la zone monétaire en UEMOA. D'un point de vue économique, les pays de cette union semblent ne pas avoir intérêt à partager une même monnaie. Il n'est d'une part pas possible d'affirmer l'effectivité de la mobilité des facteurs au sein de l'UEMOA. D'autre part, la diversification du tissu économique est faible et la constitution de l'union n'a pas apporté de réponses à la vulnérabilité de la zone aux chocs qui toucheraient certaines productions. Toutefois, il faut rappeler que la constitution de cette union monétaire assez particulière et propre à son histoire ne s’est pas appuyée sur des fondements économiques, auquel il faudrait que les pays de cette union reviennent afin de profiter pleinement des bénéfices d’un état de régime fixe. Les pays ont d’ailleurs du mal à respecter les critères de convergence définis dans ce sens, renforçant la position selon laquelle ces pays n’ont pas le profil économique requis pour s’intégrer dans une même zone monétaire. Si seule l’ouverture croissante depuis deux décennies des économies de l'UEMOA plaide en faveur de l'optimalité de la zone monétaire, il faudrait accentuer les efforts de diversification du tissu économique des pays de l'UEMOA, assurer l'application effective des textes sur la mobilité des facteurs, le tout financé par la constitution d'un budget commun plus conséquent.

Franck VIROLEAU

Sources : 

[1] Mundell, Robert A. (1963). Capital mobility and stabilization policy under fixed and flexible exchange rates. Canadian Journal of Economic and Political Science 29 (4): 475–485.

[2] McKinnon, Ronald I. (1963) , Optimum Currency Areas, The American Economic Review.

[3] Kenen P. (1969). The theory of optimum currency areas: an ecletic view , dans R. Mundell, A. Swoboda, Monetary Problems of the international economy, Chigaco University Press.

[4]. Ces chocs asymétriques ou idiosyncratiques se définissent comme les événements qui affectent différemment les pays membres de la zone monétaire. Une illustration parlante est donnée dans la note [1] de l'article de Georges Vivien (http://terangaweb.com/union-monetaire-vers-des-criteres-de-convergence-economique-et-sociale/).


Peut-on parler de convergence au sein de l’UEMOA au cours des dernières décennies ?

Dans une union monétaire, il est très important que les pays membres tendent à avoir des performances économiques similaires ; on parle alors de convergence. Autrement, il y a risque d’implosion de l’union. Des études économiques réalisées dans le cadre de l’union monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) montrent qu’il n’est pas possible de parler de convergence au sein de l’UEMOA. Ces résultats ont des implications pour la conception des prochaines unions monétaires en Afrique. Notez que le contenu de cet article requiert des connaissances théoriques préalables sur la convergence économique.

tournoi-uemoa-civ-togo-0007Les pays de l'actuelle UEMOA connaissent à la création de l'union des situations hétérogènes quant à leur croissance par habitant. La théorie du rattrapage de Solow voudrait que ces disparités tendent à s'estomper. Y a-t-il une validation empirique de cette théorie en UEMOA au cours de ces dernières décennies qui plaiderait concomitamment et implicitement en faveur du design actuel du pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité ? La théorie économique[1] stipule  que dans les conditions réunies par l’UEMOA (union économique et monétaire), les pays les plus en retard en terme de PIB par tête devraient connaître une croissance plus élevée que les pays les " plus avancés " (loi des productivités marginales décroissantes des facteurs), ce qui permettrait de tendre vers une homogénéisation des niveaux de vie. Or, sur la dernière décennie, à l’exception de la Côte d’Ivoire, dont les performances économiques ont été altérées par une crise socio-politique, les pays semblent se stabiliser sur une croissance lente et visiblement peu différenciée quand bien même ils présentent des niveaux de PIB par tête très hétérogènes. Cette situation invite à s'interroger sur l’existence même d’un processus de convergence des économies de l’UEMOA.

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Source :Calcul de l’auteur a partir des donnees du WDI (BM)

Généralement, la théorie définit trois types de convergence (Galor, 1996[2]) :

  – la convergence absolue selon laquelle, à long terme, les PIB par tête convergent vers le PIB le plus performant de la zone économique et cela indépendamment des conditions d'origine des pays

  – la convergence conditionnelle selon laquelle, à long terme, les pays qui présentent des similarités structurelles voient leur PIB par tête converger vers le PIB par tête le plus performant de la zone économique et cela indépendamment des conditions d'origine des pays. En d'autres termes, dans cette acception de la convergence, la convergence structurelle est un préalable à la convergence réelle

  – la convergence de club selon laquelle les pays qui présentent des similarités structurelles voient leur PIB par tête converger vers le PIB par tête le plus performant de la zone économique à condition que ces pays aient initialement des conditions suffisamment identiques pour se situer dans la même perspective d'état stationnaire.

Des études menées sur le sujet ont permis d’identifier et de caractériser la convergence au sein de l’UEMOA. La volatilité du PIB par tête est étudiée dans le but de déterminer si la différence entre les  indicateurs économiques des pays de la zone économique étudiée se dissipe. Il s'agit donc, dans un premier temps, d'étudier à quel point la croissance des pays s'éloigne d'une croissance moyenne au sein de l'UEMOA.

Abdoul Aziz Wane (2004)[3] qui étudie la croissance dans l'UEMOA entre 1965 et 2002 ne trouve pas d'évidence de convergence du revenu par tête au sein de l'UEMOA sur la période étudiée.

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Si l'on recentre le propos sur une période d'intérêt plus réduite allant de 1994 à 2002, il est possible de relever une timide amélioration de la convergence puisque sur cette sous-période, les écarts entre les PIB par tête des pays de l’UEMOA sont moins prononcés. Pour l'auteur qui se concentre sur l'évolution entre 1965 et 2002, le degré de convergence en 37 ans ne fait que de remonter à son niveau initial de 1965.

Abdoul Aziz Wane construit et utilise ensuite plusieurs modèles économétriques pour arriver aux résultats clefs qu'en UEMOA, il y a eu à la fois une convergence absolue et conditionnelle sur le long terme, à un rythme lent sur la période 1965-2002 Ces résultats font également ressortir le rôle prédominant du capital humain à court terme et surtout à long terme dans la croissance du PIB. L'investissement est ensuite le deuxième critère le plus influent sur la croissance du PIB par tête, devant la croissance de la force de travail  et cela, autant sur le court que sur le long terme.

En 2012, Nacisse Palissy Chassem[4] teste également la convergence dans l'UEMOA en distinguant entre 1970 et 2005 des sous-périodes de convergence et de non convergence. Il définit également une convergence réelle mesurée par la convergence des PIB réels de l'Union et une convergence structurelle mesurée par la convergence de la Productivité Globale des Facteurs (PGF) côté offre et la Formation Brute de Capital (FBC) par tête du côté de la demande.

L'objectif de sa recherche est non seulement de conclure sur la présence ou l'absence de convergence mais également de déterminer si la convergence structurelle est une condition suffisante à la convergence réelle.

Le chercheur aboutit aux résultats suivants pour la convergence structurelle :

  – de 1976 à 1993, on observe par le côté de la demande (FBC) une convergence structurelle ; 

  – de 1970 à 1975 et de 1994 à 2005, on observe une divergence ; 

  – par le côté de l'offre (PGF), on observe une convergence structurelle de 1976 à 1991 ; 

  – de 1970 à 1975 et de 1992 à 2005, on observe une divergence.

En sortant la côte d'Ivoire de l'étude du fait de la crise socio-politique qui perturbe les tendances économiques, Nacisse Palissy Chassem démontre une convergence réelle entre 1970 et 1991 et une divergence réelle entre 1992 et 2005 et prouvent que la convergence structurelle a été une condition nécessaire à la convergence réelle entre 1975 et 1991 et qu'elle a été une condition suffisante de 1992 à 2005.

Au regard des études de Abdoul Aziz Wane et de Nacisse Palissy Chassem, on retient qu'il n'y a pas de rattrapage systématique des pays les " plus avancés " de l’Union par les moins avancés entre 1965 et 2005. Néanmoins, il faut noter une légère amélioration des performances économiques relatives de ces derniers, mais cette amélioration est si faible que la démonstration de son existence est très sensible à la méthode utilisée. Les éventuels bénéfices apportés en terme de convergence par la création de l'UMOA en 1962 et de l'UEMOA en 1994 sont donc insuffisants pour permettre aux pays les plus défavorisés de rattraper les pays les plus riches de l'Union. Or cette convergence est à rechercher puisqu'elle permet l'intégration économique par un renforcement de la cohérence économique et par la réduction du nombre et de la profondeur des chocs asymétriques. Les études mentionnées montrent que les facteurs positifs pour la convergence dans l'espace UEMOA seraient  le capital humain, l'investissement, la force de travail et la convergence dans l'Union de la productivité globale des facteurs. La convergence réelle étant conditionnée (de manière nécessaire ou suffisante) par la convergence structurelle, il apparait comme souhaitable d'opérer un re-design des critères de convergence nominal du pacte de convergence qui soit en faveur du développement du capital humain et de  l’investissement.

Franck Viroleau


[1] L'idée qui suit a été développée par le néokeynésien et prix Nobel Solow dans son célèbre modèle aux fondements indéniablement néoclassiques. Cf. Solow, Robert (1956). "A Contribution to the Theory of Economic Growth", Quarterly Journal of Economics, 70, 65-94.

 

 

 

[2] Galor, O. D. (1996). Convergence? Inferences from theoretical models. Economic Journal, 106, 1056-1069.

 

 

 

[3] Wane, Abdoul Aziz (2004). Growth and convergence in WAEMU countries, IMF, working paper WP/04/198.

 

 

 

[4] Palissy Chassem, Nacisse (2012). S'intégrer pour s'enrichir: Y a-t-il convergence réelle et structurelle des pays de L’UEMOA ? , pp 73-94, Ottawa: Springer.

 

 

 

Le respect du pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité de l’UEMOA

uemoaLe 8 décembre 1999, les Etats membres de l'UEMOA adoptent un pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l'Union. La volonté de l'Union de poser des règles d'une utilité certaine, avec des objectifs nominaux précis trouve-t-elle un écho dans le comportement des Etats membres au cours de ces dernières années ?

Rôle du pacte

La création d'une union économique est une entreprise délicate et la fixation de règles s'impose pour tenter d'atteindre un optimum communautaire. L'enjeu est double. D'une part, la fixation de règles permet d'éviter les comportements de resquilleurs[1]. Si l'on considère la monnaie unique comme un bien commun, on pourrait qualifier de passager clandestin celui ou ceux des Etats membres qui profite(nt) des bénéfices apportés par la monnaie sans se soucier du coût de la viabilité de la zone monétaire à savoir principalement la maîtrise budgétaire. Ainsi un Etat-membre pourrait laisser filler son déficit et bénéficier par exemple de taux de financement intéressants qui tiennent compte de son appartenance à l'Union. D'autre part, ces critères à respecter poussent à uniformiser les stratégies de politiques économiques, et jouent ainsi un rôle dans l'homogénéisation des comportements politiques qui favorise la convergence. Ainsi, l'harmonisation des politiques économiques passe par le respect de critères de convergence nominaux du cadre institutionnel.

La surveillance multilatérale du respect des critères du pacte garantit alors la pérennité de l'UEMOA et sa crédibilité régionale et internationale.

Le contenu du pacte

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 La surveillance multilatérale est exercée sur deux groupes de critères : les critères de premier rang et les critères de second rang.

Le non-respect d'un critère de premier rang par un Etat entraîne la formulation de recommandations du Conseil des ministres de l'UEMOA en direction de cet Etat et l'obligation pour cet Etat de préparer en concertation avec la commission de l'UEMOA un plan de rectification dans un délai de trente jours. Pour le cas précis du critère budgétaire qui autorise seulement l'équilibre ou le surplus, des sanctions peuvent être appliquées à l'encontre de l'Etat membre transgressant la règle. Une dérogation est prévue en cas de circonstances exceptionnelles se traduisant par une chute du PIB réel de 3% ou par une baisse des recettes budgétaires de 10% par rapport à la moyenne des 3 dernières années. Le ratio d'endettement sur PIB nominal à ne pas dépasser (70%) s'entend de la somme de la dette extérieure et de la dette intérieure rapportée au PIB. Le taux d'inflation à ne pas dépasser au seuil de 3% est issu d'un compromis entre la sauvegarde de la solidité de la monnaie et le financement de l'économie. Le critère de non accumulation d'arriérés permet d'accroître la fluidité de la circulation de la monnaie et de restaurer la confiance dans les transactions commerciales.

Le non-respect des critères de second rang n'entraine pas de sanction ni même de formulation de recommandation par les organes de direction de l'UEMOA. Cependant, leur respect joue un rôle important dans la stabilité macroéconomique de l'Union.

Nous remarquons l'importance donnée dans ce pacte à la surveillance de la politique budgétaire des Etats-membres dans ce contexte de politique monétaire commune. En effet, sur huit critères, sept concernent les finances publiques dont le critère-clef est le solde budgétaire. A défaut de l'avoir sous contrôle, l'Union garde le Policy-mix de politique monétaire/budgétaire sous surveillance.

Nous avons expliqué ci-avant en quoi la fixation de critères de convergence nominaux était utile à l'Union. Toutefois, il ne suffit pas de fixer des critères et de surveiller leur respect. Encore faut-il que les pays membres les respectent dans les faits.

Le respect des critères du pacte

Ces critères ont-ils été respectés au cours de ces dernières années ?

Afin de répondre à cette question nous nous intéressons aux tableaux de "Position indicative des Etats par rapport aux critères de surveillance multilatérale" répertoriés dans les rapports de la zone franc de la Banque de France sur plusieurs années. Ils se focalisent sur le respect des critères de premier rang par les différents pays membres.

uemoa_viroleauL'analyse de ces documents nous permet d'affirmer que entre 2004 et 2011 (ci-contre les cas de 2010 et 2011), on perçoit un effort des Etats à respecter les critères du pacte (aucun pays n'est dans le non respect de tous les critères sur plusieurs années) mais quand bien même nous focalisons l'attention sur les critères de premier rang, c'est-à-dire ceux qui ont été reconnus comme revêtant le plus d'importance, un respect total et durable des critères par les Etats membres n'est pas observé.

Un retour historique est ici approprié et nous permet de préciser qu'en 1999, à la signature du pacte, un délai d'adaptation des Etats membres aux critères de convergence nominaux alors édictés avait été prévu. Ce délai courrait initialement jusqu'au 31 décembre 2002. Les Etats membres n'étant pas parvenus à respecter les critères en 2002, le délai d'adaptation a été repoussé au 31 décembre 2005. En 2005, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'échéance fût repoussée au 31 décembre 2008 puis, de nouveau pour les mêmes raisons, au 31 décembre 2013.

En 2006, les critères ont été assouplis en ce sens qu'il est admis que le respect du pacte s'entendait par le respect des critères de premier rang par une masse critique d'Etats membres. Cette notion de masse critique n'est précisée qu'en 2007 par le règlement N°10/2007/CM/UEMOA comme étant à comprendre par un ensemble d'Etats membres au nombre minimum de quatre et dont la somme des PIB est au moins égale à 65% du PIB de l'UEMOA.

Les critères du pacte ont été conçus dans le but de créer un environnement de convergence. L'examen du respect de ces critères nous amène à qualifier de très modéré le respect du pacte par l'ensemble des Etats membres.

L'objectif de cet article était de faire un simple état des lieux du respect du pacte par les pays membres de l'UEMOA. Ces constats peuvent servir de point de départ à une étude plus large qui consisterait à déterminer le coût macroéconomique pour la sous-région de ce non-respect des critères du pacte. Ceci afin de prendre conscience du poids des décisions économiques affectant ces critères et d'influencer dans l'idéal les décideurs politiques.

Franck VIROLEAU


[1]  Sur la notion de resquilleur, cf. Olson, M. (1971). The logic of collective action: public goods and the theory of groups. Rev. ed. New York: Schocken Books.

 

 

 

 

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