La bataille des beaux-fils en pays Kabyè

 

Beau-filsCurieuse manière que de transformer des funérailles en compétition. Ça vous étonne ? Moi aussi j’ai été surprise de découvrir qu’en pays Kabyè, les funérailles de la belle-mère sont une occasion de compétitions entre les beaux-fils.Le manège semble anodin. Regroupé autour de joueurs d’instruments locaux, un groupe de personnes courent vers la maison mortuaire, chantent, dansent et surtout arborent fièrement des présents. A la tête un homme, ou plutôt un beau-fils saupoudré de talc. Il vient ainsi, accompagné des membres de son clan, rendre un dernier hommage à sa belle-mère. Quoi de plus normal, diriez-vous. Mais le spectacle devient intéressant quand la défunte a plusieurs beaux-fils. Alors la maison mortuaire se transforme en un champ de bataille où a lieu une compétition de So, une danse traditionnelle Kabyè.  

 

Les funérailles en pays Kabyè sont une occasion idéale pour rendre hommage à la belle-mère. Pendant ces festivités, qui ont souvent lieu en février, les beaux-fils et belles filles viennent rendre un dernier témoignage à leur belle-mère. Ce, à travers chants et danses. Si les hommes viennent danser dans la belle famille accompagnés de présents, les belles filles quand à elles se livrent à un jeu bien curieux : Imiter la défunte à travers des mimiques. Et c’est souvent la belle-fille préférée (souvent proche de la défunte) qui gagne ce pari.  

 

 

Une fierté populaire 

Ces jeux, quoique insignifiants (pourquoi  insignifiants ?) et relevant du folklore, sont devenus une tradition dans la culture kabyè. Pour les beaux-fils et belles-filles, qui se prêtent au jeu avec fierté, c’est un véritable honneur de se retrouver associés aux funérailles de leur belle-mère. Ainsi, à chaque fois que l’occasion leur est donnée, ils s’y adonnent à cœur joie, chacun mettant du sien pour épater la garnison. Une institution au point où une fille dont le mari n’honore pas la belle-mère est implicitement déshonorée et n’est plus respectée par sa famille.  

 

Rappelons que février est le mois de funérailles en pays Kabyè. C’est la période où activités champêtres et moissons sont finies. Alors, si vous avez épousé ou si vous envisagez épouser une fille Kabyè, préparez-vous. La belle-mère est sera au centre de votre univers…   

* Peuple situé dans la région de la Kara à près de 400 km de la capitale togolaise   –   

Le phénomène Gbozo à Lomé

Un millier de personnes sont agglutinés et bloquent la route sur le boulevard du Mono. Il est vingt trois heures. On entend parfois des applaudissements, parfois des cris de stupeur. Venus de Lomé ou des contrées environnantes, ils viennent assister à des acrobaties d’engins motorisés, communément appelé “Gbozo”.

“Gbozo”, ça vous dit quelque chose ? Sinon, c’est le nouveau phénomène urbain à Lomé, apparu fin 2011 mais qui a pris de l’ampleur en 2012. “Gbozo”, littéralement traduit en Mina "expression de puissance ou de feu", parce que souvent les véhicules utilisés laissent des traînées d’étincelles. Il s’apparente au Street racing, qui est une forme illégale de course à motos ou voitures ayant lieu sans autorisation sur la voie publique. Un peu partout à Lomé, des démonstrations s’improvisent, au nez et à la barbe des forces de l’ordre. Ici sur le boulevard du Mono, c’est chaque jeudi soir à partir de vingt trois heures qu’ils font monter l’adrénaline. Des amateurs de sensations fortes se livrent à des figures impressionnantes de Street racing, avec des véhicules motorisés ou non. Autrefois réservée aux grosses cylindrées, la pratique s’est étendue à tous les véhicules : deux, trois ou quatre roues, y compris les vélos : voitures de sport, quad, motos importées de Chine, scooter…

Gbozo, une posture, une attitude

Les démonstrations de “Gbozo” sont souvent spectaculaires, interdites aux âmes sensibles. Souvent sans combinaison, ces amoureux de l’adrénaline et de sensations fortes se livrent à des acrobaties toutes aussi spectaculaires les unes que les autres. Tout dans leur attitude laisse transparaître le gout du risque : parfois pas de casque ni de genouillères, seulement des gants en cuirs pour se protéger les mains. Ils défient la mort, dans une insolence totale, mais avec un sourire aux lèvres. Très peu protégés, les participants se livrent à des exhibitions de testostérone, chacun essayant à tout prix de dépasser ses propres limites et celles des autres. Les maîtres mots sont : agilité, maîtrise et savoir faire.

On se croirait dans un volet de Fast and Furious. Des moteurs retouchés aussi bien techniquement qu’en apparence pour frôler l’extravagance, des filles légèrement vêtues à la limite de la vulgarité que ces accros de vitesse d’un soir exposent comme des trophées. Un public complice qui occupe la route et permet aux pratiquants de donner libre court à leur créativité.
Le sentiment d’être un être supérieur et différent, c’est ce qui a poussé Didier Scooter, un jeune mécanicien de 27 ans à se lancer dans le phénomène. Il se livre à cette pratique dangereuse depuis 2002, avant même la vulgarisation du phénomène. Devenu accro et malgré plusieurs accidents, il ne s’imagine pas prêt d’arrêter. « J’ai la moto dans le sang», affirme-t-il avec fierté.

gbozoGbozo, un style

Au delà de la posture, “Gbozo” est aussi un style vestimentaire. La tenue idéale du “Gbozo” : un débardeur ou un t-shirt moulant laissant paraître les muscles de bras exhibant des tatouages, un pantalon court au dessus des genoux, un gant en cuir, souvent à une seule main. A cette tenue, s’ajoute souvent une veste en cuir.

Le street racing serait apparu aux Etats Unis dans les années 30. Il est dû à la prohibition de l’alcool dans certains Etats et met en avant la posture sociale qui fait l’apologie de la vitesse et du bling-bling. Mais au Togo, les autorités ont tenté à maintes reprises d’étouffer le mouvement à cause de sa dangerosité. Parviendront-elles un jour à faire inverser la tendance ? Si oui, quelle serait la prochaine destination de ces jeunes dont le leitmotiv est de trouver une autre forme de loisirs pour meubler leur temps libre ?

Marthe Fare