S’il est une question lancinante dans le milieu de la recherche universitaire en Afrique c’est bien l’introduction, plutôt l’utilisation des langues nationales à l’école. Un colloque s’était récemment tenu à Dakar (Sénégal) sur le thème « Multilinguisme et Politique des langues en Afrique de l’Ouest Francophone et Anglophone ». Le but avéré était de mettre à profit ce multilinguisme comme défi pour la politique d’éducation. Le postulat de départ était que l’utilisation des langues nationales à l’école serait non seulement un vecteur de la valorisation des langues nationales, mais aussi un moyen de promouvoir la culture africaine. S’il convient de louer et d’encourager une telle finalité, force est de remarquer que cela peut poser des problèmes en pratique.
Les différents pays africains ont pour principale caractéristique ou richesse, serais-je même tenté de dire, d’être dotés d’un vivier linguistique non négligeable. A ce titre, toutes les langues ne peuvent pas être utilisées comme moyen d’enseignement et se posera en conséquence un problème de sélection. Cette sélection n’est toutefois pas souhaitable en ce qu’elle est d’une part source de conflit et d’autre part fait prévaloir une culture sur une autre. Une telle situation serait donc de nature à compromettre les finalités recherchées.
En outre, introduire les langues nationales dans le système éducatif revient à remettre en cause l’utilisation du français, du portugais ou de l’anglais, c’est selon, comme langue officielle. Pourtant ces langues, même si on peut y voir un impérialisme culturel, ont permis d’éliminer toutes les particularités linguistiques. Et en tant que vecteur d’unité, leur maintien s’avère nécessaire.
De plus, le contexte présent de la mondialisation n’est pas propice à l’utilisation des langues nationales, à titre principale, dans le système éducatif. En effet, l’introduction des langues nationales comme vecteur de l’enseignement, reviendrait à en faire les langues officielles. Le temps que nécessiterait une telle introduction n’est pas négligeable. Et dans un contexte de compétition accrue, cela peut paraitre contre productif d’encourager une voie nationale dans le seul but de promouvoir la culture africaine, les inconvénients qui en découlent paralysant l’objectif principal recherché.
Outre cette contrainte liée au temps, il y a aussi la question des avantages d’une telle promotion au niveau international. Les risques qui pèsent sur une telle opération justifient d’y renoncer. Certains esprits citeront l’exemple de la Chine pour justifier de la possibilité d’utiliser les langues nationales comme moyen de promotion des valeurs et de l’histoire africaine. Mais il faut souligner que la Chine n’est pas dans la même situation que l’Afrique. Elle a toujours promu le chinois ; sa résurrection économique présente facilite naturellement le développement de sa langue. L’Afrique ne se trouve pas dans la même situation. Les langues coloniales sont aujourd’hui rentrées dans son histoire mais aussi dans son patrimoine. Troquer la langue du colon pour les langues nationales aurait des conséquences difficiles à déterminer.
Pour autant il est louable et même nécessaire de promouvoir la culture africaine. Je partage amplement le postulat de départ. Ce sont les moyens que je réfute. La promotion de la culture africaine peut passer par d’autres procédés. La promotion du cinéma et des valeurs africains, le développement des programmes d’histoire sont, entre autres, d’autres moyens de promotion de notre riche culture.
Thierry Lucas DIOUF