Un air de déjà vu, non ? Kidal. Le MNLA qui refuse de rendre les armes et de laisser les troupes maliennes entrer dans la ville. La demande expresse que la sécurité du scrutin soit assurée par les forces impartiales. La médiation par Blaise Compaoré ? Non, ça ne vous dit rien ?
Remontons un peu : une rébellion éclate dans le nord d’un pays, basée sur des griefs ouvertement sociaux et ethniques, en réalité politiques. La France demande que des « discussions » aient lieu – et légitime de fait la rébellion. Elle insiste même pour qu’un cessez-le-feu soit instauré, et que des forces africaines soient chargées de son respect. Elle prône l'Union Nationale et le dialogue [Préambule des accords de Marcousis – PDF] Bientôt ce pays est divisé en deux, les forces armées nationales sont en plein désarroi. L’ordre politique et constitutionnel est interrompu. Cahin caha la rébellion se renforce militairement et politiquement. De nombreux crimes sont commis, contre les populations, armées ou non, contre certains sous-groupes de la population, contre l’Etat, contre l’humanité. Il faut faire quelque chose. La France intervient. La récréation est terminée. Les soldats français ont restauré l’ordre en partie. Malgré tout, le statuquo ante n’en ressort que renforcé. Or des élections doivent être organisées, fissa. Il faut bien restaurer l’ordre constitutionnel. Bah, on les organisera alors, on verra ensuite. L’ONU supervisera le scrutin dans les zones contestées. Vous verrez ça ira bien. Oui, oui, fermez les yeux, penchez un peu la tête, comme ça, exactement ; respirez doucement, doucement. Vous êtes sur une mer calme, l’air apporte les parfums boisés de la côte. Respirez.
A une différence près – colossale, il est vrai – celle introduite par l’insurrection islamiste menée par Ansar Dine et le MUJAO, le scénario de la crise malienne ressemble étrangement à celui qui se déroula en Côte d’Ivoire, au lendemain de la rébellion de 2002. Il est impossible de savoir ce qu’aurait été la décision de François Hollande s’il avait été président de la république française en janvier 2012. Toujours est-il que – pour qui s’en souvient – le gouvernement français de l’époque avait entonné le vieil hymne de la négociation et de la « discussion », du compromis et de la CEDEAO. Le bienheureux Henri de Raincourt, ministre de la coopération sous Nicolas Sarkozy avait repris ce script, jusqu’à la caricature. Et s’il est clair que l’Opération Serval de 2013 n’a que très peu à voir avec les interventions françaises de novembre 2004 et avril 2011 en Côte d’Ivoire. Intervention française il y eut bien lieu. Le renforcement militaire et politique de la rébellion est le même. La médiation burkinabé aussi. Idem pour la demande d’une intervention étrangère pour la sécurisation du scrutin.
Nul ne sait exactement ce qu’il adviendra des demandes du MNLA. Ce qui en revanche est clair, c’est que l’expérience de la Côte d’Ivoire en 2010, d’un scrutin présidentiel organisé sans la restauration de l’intégrité territoriale, avec des bandes armées belligérantes contrôlant une partie du pays, une armée « républicaine » discréditée et incomplètement soumise au respect de la loi devrait servir de piqûre de rappel à tous.
Enfin, la question de la justice devra être posée. Quelle que soit l’issue du scrutin présidentiel prévu en juillet prochain au Mali, cette question hantera les Maliens pour les années à venir comme elle hante aujourd’hui les Ivoiriens. Les magistrats de la Cour Pénale Internationale viennent d’admettre qu’en l’état actuel du dossier monté par le Procureur, le procès contre Laurent Gbagbo ne peut avoir lieu. Et en toute logique… la Cour a décidé d’accorder davantage de temps au bureau du procureur. Cette annonce a provoqué d’abrutissants cris d’orfraie de la part de soi-disant comités « des victimes » (en Côte d’Ivoire, il y a de bonnes et de mauvaises victimes, les morts émérites et ceux qui l’ont mérité, "selon que vous serez", etc.) révulsés par cette même justice internationale portée aux nues jusqu’alors. Qui devra juger qui et quoi, quand et où, à l’issue de la crise malienne reste une question ouverte. Béante même. Dont la réponse dépend en grande partie des bons offices de Blaise Compaoré… Bonne chance!
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Merci pour cet article!!
Effectivement la similitude entre les 2 crises est très forte, cependant les revendications ne sont pas les mêmes dans les 2 cas. La rébellion en RCI visait avant tout une prise de pouvoir basée sur des motifs religieux et ethniques tandis que la rébellion malienne est plutot de nature sécessioniste. Mais les effets sont les mêmes avec des massacres arbitraires de populations…Nous en verrons bientot le dénouement, vivement que le scénario ivoirien ne se reproduise pas.