J’ai plusieurs fois eu l’occasion d’entendre parler du mouvement littéraire qui anime la ville congolaise de Lubumbashi, capitale du Katanga, potentiellement une des régions les plus riches d’Afrique. L’une des premières rencontres où je pris conscience de ce terreau de la renaissance de la littérature congolaise, fut une table ronde au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris, où j’eus le plaisir entre autres d’écouter la voix fluette de Nasser Fiston Mwanza Mujila. Le thème de l’époque traitait de la circulation des idées et des écrits en RDC. Et le témoignage de ce jeune écrivain était plus que révélateur de la complexité de faire vivre des mots dans ce pays cinq fois plus grand que la France. Un des aspects marquants de ce moment fut cette opiniâtreté du jeune poète pour faire vivre et circuler ses vers et sa prose par moult moyens. En sortant de cette rencontre passionnante je réalisais combien il y avait d’autres moyens de concevoir l’édition mais surtout d'organiser la circulation des idées.
La toute récente occasion qui me fut faite d'entendre un écho de ces cercles littéraires a été le fameux sommet France-Afrique qui a fait tant couler d’encre en place parisienne sur la fameuse poignée de main entre Kabila et Hollande. Pour le littéraire que je suis, je remarquais que le sommet littéraire de la Francophonie se tenait loin des tumultes de la diplomatie à double vitesse. En hommage à tous ces écrivains que le Katanga laisse éclore loin de la capitale congolaise dont Nasser Mwanza fait partie.
L’universitaire Dominique Ranaivoson a sélectionné et présenté des nouvelles dans le recueil « Chroniques du Katanga » qui m’avait échappé. Ou plutôt, dont la géolocalisation katangaise avait atténué mon intérêt du fait de ma conception jacobiniste de ces états africains si fragiles. Katanga, un nom qui fait tilt dans l’esprit de beaucoup de congolais, de quelques rives du fleuve Congo qu’ils fussent, est synonyme de résistance, de sécession, de richesse, d'épuration et d’autarcie. Clichés certes, mais l’imaginaire se nourrit de cela.
Après mon introduction qui n’en est pas une, j’aimerai souligner d’abord ma surprise au sujet de la qualité littéraire de ces nouvelles venues de l’ancienne région du Shaba. Une qualité que je peux d’autant mieux apprécié que ces dernières années j’ai eu le plaisir ou la souffrance de lire des recueils de ce type avec des auteurs publiés en France. Je dois dire que les nouvelles proposées par ces auteurs tous basés au Katanga et n'ayant parfois publié que dans des maisons d’éditions congolais sont riches par la qualité de l'écriture, la diversité des sujets traités et la rigueur et une certaine fidélité à la langue française. C’est d’ailleurs le seul reproche que je ferai à ce recueil, le fait que l’esprit katangais ne se retrouve pas dans des clés de bras et des soumissions qui auraient pu être faite à la langue française. Comme si, ces auteurs avaient avant tout le souci de montrer leur maîtrise de la langue coloniale trop révérée à mon goût. Mais pour le reste.
Je ne tomberai pas dans le piège de comparer, d’extraire une nouvelle qui m’aurait plus marquée, parce qu’à la fermeture de cet ouvrage, j’ai plusieurs thématiques qui me restent à l’esprit tant par l’originalité de leurs traitements, la profondeur du discours et l'esthétique que j'ai déjà évoquée. Que ce soit la question du retour au pays natal, l’enfance dans la guerre, la condition des shégués (les enfants de rue), le désir d’exil, le désespoir, la lutte des classes dans le contexte minier, la nostalgie que génère la fin de la période faste de la GECAMINES, la création artistique ou la condition de la femme tout de même évoquée alors qu’on ne compte aucune femme parmi les 14 nouvellistes. La liste des sujets n’est pas exhaustive. Mais, ces chroniques plongeront le lecteur dans les villes de cette province, elles lui feront toucher combien cinquante ans après les indépendances, ce géant ne maîtrise absolument pas les rênes de sa destinée. Mais ces chroniques interpelleront par leur capacité à montrer la prise de conscience de ces intellectuels essentiellement formés dans cette région. A l’image du testament d’un vieillard katangais, une nouvelle juste et qui rappelle que cette région, ce pays, ce continent ne se lèvera que lorsqu'elle décidera d’abandonner les postures victimaires pour faire son examen de conscience comme ce vieux député à l’orée de sa vie proposant à son fils moins de cynisme et plus d’altruisme pour la génération qui vient.
Ces nouvelles venues du Katanga sont à découvrir, loin du tumulte des nganda et du roulement puissant du bassin des danseuses kinoises. Bonne lecture et donnez-nous vos impressions.
Lareus Gangoueus, billet initialement paru sur son blog
Editions Sepia, 1ère parution en 2007, 183 pages
Voir également l'article d'Hervé Ferrand sur Ballades et escales en littérature africaine
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Bonjour,
j'apprécie beaucoup l'initiative de ce blog, l'analyse est pertinente ou disons que la critique est pertinente, il existe un autre ouvrage qui vient de paraitre aux éditions sepia toujoeurs et on y retrouve la plupart des novelliste et poetes de chroniques du katanga, il s'agit de chroniques du congo publié à l'occasion du sommet de la francophonie de 2012