La santé est un des enjeux majeurs du développement de l'Afrique, qu'il s'agisse d'améliorer l'état de santé actuel des Africains ou de permettre l'éclosion d'une force de travail en bonne santé, capable de contribuer à la croissance du continent. Comprendre l'organisation actuelle des systèmes de santé est de fait, une première étape importante dans la formalisation de politiques publiques de santé à même de répondre aux défis sanitaires de l'Afrique.
La santé constitue l’un des défis relativement négligé dans les politiques de développement en Afrique. Alors que la santé va devenir davantage un enjeu stratégique de développement au cours des prochaines années, il nous semble important d’examiner l’organisation des systèmes de santé en Afrique. Cet examen permettra de mettre en évidence les défaillances du système de santé et de proposer des pistes de solutions pour améliorer son organisation.
Mise en place du système de santé en Afrique
L’organisation des systèmes de santé en Afrique demeure calquée sur celle héritée de l’époque coloniale. Cependant, elles présentaient une originalité, qui devrait renforcer la qualité de l’offre de soins médicaux à toutes les couches de la population. Il s’agissait d’accorder à la médecine traditionnelle une place au sein dusystème, en marge de la médecine moderne[1]: on voulait apprendre aux femmes, et aux traditherapeuthes à cultiver les bonnes plantes médicinales et d’enfaire les extractions afin d’en optimiser l’utilisation.
Pour rappel, dans l’organisation des structuresde santé, il faut distinguer 5 grands niveaux: les structures de premier niveau (dispensaire, case de santé…), l’hôpital général, les structures spécialisées (dédiées à un handicap ou une maladie), les structures dites hôpitaux de districts et les centres hospitalo-universitaires qui sont les structures de références et souvent situées dans les grandes villes. Les CHU sont souvent divisés en pôles (réanimation, pharmacie, pneumologie, cardiologie, orthopédie…).Malgré cette organisation qui laisse présager une bonne prise en charge des malades, ces pôles ne sont pas très fonctionnels. Cette situation s’explique en partie par le manque de professionnels et/ou des moyens pour gérer de façon optimale les ressources mises à disposition. Selon Atlas of African Health Statistics 2012 de l’OMS, l’Afriquedispose de 1 médecin pour 5 000 habitants (alors que la moyenne mondiale est de 14) et d’un pharmacien pour 10 000 habitants (alors que la moyenne mondiale est de 4). Il est important de souligner que les soins dits de santé primaire constituent le fondement de cette organisation, car ils sont le plus proche des populations.
C’est dans l’optique d’améliorer l’accès à ces soins primaire qu’a eu lieu l’initiative de Bamako. En1987, 15 pays de l’Afrique de l’ouest se sont rassemblés au Mali afin d’améliorer le système de santé dans la région : c’est « l’Initiative de Bamako ». Elle a permis de mettre sur pied un mécanisme qui devrait renforcer le l’organisation et le financementdes systèmes de santé. Techniquement, l’initiative de Bamako peut se traduire par le processus suivant : un stock de médicaments essentiels génériques est offert gratuitement par les bailleurs de fonds à un comité de gestion (issu de la population) du dispensaire. Ces médicaments sont ensuite vendus aux usagers avec une marge bénéficiaire. Cette marge, ajoutée aux paiements effectués par les usagers pour les consultations, permet de racheter le stock initial de médicaments et d’améliorer l’accès aux soins et la qualité des services (primes au personnel, réfections des bâtiments…). Ce système existait dans d’autres pays comme le Bénin ; mais l’initiative de Bamako a voulu l’étendre à tous les autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Les recommandations de cette rencontre seront adoptés ensuite par d’autres pays africains.
Apres l’Initiative de Bamako
Une étude conduit par Valérie KIDDE et son équipe, 15ans après, a évalué à l’aide de certains indicateurs l’efficacité et l’équité du système mis en place. Concernant l’équité, le résultat est sans appel : il s’agit d’un véritable échec. Quant à l’efficacité, elle a été mesuré avec les indicateurs suivants : la vaccination, la consultation prénatale, le recouvrement des coûts, l’utilisation des services curatifs, l’accès aux médicaments essentiels, participation de la population. Le résultat reste mitigé et varie selon les indicateurs et suivant les pays. Le taux de vaccination a augmenté dans tous les pays (de 30% en Mauritanie, 40% au Benin, voire même de 58% en Guinée). Au Bénin, le recouvrement des coûts a augmenté ; ce qui n’est pas le cas en Guinée. Le pourcentage des consultations prénatales, de l’utilisation des services curatifs s’est aussi accru. Seul le Bénin a enregistré une augmentation de l’accès au médicament. Quand bien même la gestion des centres de santé était l’un des points essentiels de l’initiative de Bamako, son évaluation a été compliquée car c’est une notion très mal définie.[2]Toutefois, il ressort que cette expérience fut un véritable échec, quant à la gestion, dû au manque de compétences des préposés à la gestion des systèmes de santé.
L’état actuel du système de santé
L’utilisation de la technologie au profit de la médecine devient de plus en plus considérable, permettant d’optimiser la prise en charge du patient : cas du Cyberknife, appareil de radio-chirurgie tumorale de précision, utilisé dans les centres de cancérologie. Du fait du manque d’investissements considérables dans le domaine de la santé, les institutions sanitaires en Afriques restent généralement pourvues d’équipements vétustes (voir figure ci-contre). Cependant, avec l’intensification de la coopération avec la Chine, certains pays disposent de certains équipements de pointe offerts par la Chine : on peut prendre l’exemple de l'Hôpital de district de Mbalmayo qui est le reflet de la coopération sino-camerounaise. En effet, depuis 1975 les chinois ont construit et réhabilité des hôpitaux. Près de 400 chinois du secteur médical et paramédical ont été dépêché sur le territoire camerounais.[3]
Si les CHU restent les structures ultimes dans l’organisation des structures de santé, leurs états dans certains pays africains restent actuellement déplorables : hygiène douteuse, personnel mal formé, manque de matériels et de personnel qualifié, manque d’organisation. Tout ceci n’est pas sans répercussion sur la santé de la population. Un exemple très parlant est celui du taux de la mortalité maternelle au cours de l’accouchement et aussi quelques semaines après l’accouchement : en 2010, on dénombrait 5 décès sur 1000 naissances. Par ailleurs, le coût sanitaire ne permet pas aux populations de tirer profit de ce système. Le matériel chirurgical utilisé lors de certainesinterventions est prescrit sous forme d’ordonnance et le patient est tenu de s’en acquitter avant sa prise en charge.
Quelques suggestions pour améliorer les systèmes de santé en Afrique
Pour perfectionner le système de santé, il serait primordial pour les Etats de consentir des investissements pour le développement d’infrastructures modernes de santé avec une gestion décentralisée, par exemple à travers le partenariat public-privé. Le privé, en relation avec le public, pourrait investir dans la construction et l’équipement des hôpitaux. Pour assurer le bon fonctionnement de ces derniers et une gestion optimale, les gouvernements pourraient confier la gestion au secteur privé et adopter avec ce dernier des contrats de performance, comme c’est le cas dans le secteur de l’éducation (Le Sénégal a adopté une telle approche pour rendre ses universités plus efficientes). Les subventions accordées aux hôpitaux pourront mêmedépendre des objectifs atteints fixés au préalable par l’état.
Par ailleurs, il faudra aussi mettre un accent particulier sur la formation du personnel et à la recherche. D’une part, il est nécessaire de former les agents de santé à la base (notamment deshygiénistes pour assurer la propriété des locaux) et de promouvoir la formation des cadres supérieurs de la santé et mettre en place un système de rémunérations permettant à ces derniers d’exercer sur le continent. D’autre part, la promotion de la recherche en médecine devrait permettre à la médecine classique de tirer profit de la médecine locale, dont les connaissances immenses en matière sanitaire sont mal documentées. Ces pratiques traditionnelles constituent un atout pour le continent qu’il serait temps de valoriser. Ceci pourrait permettre certainement d’amoindrir les coûts et d’inciter les populations rurales à adhérer plus facilement au système de santé.
En outre, il serait aussi avant-gardiste de mettre en place dessystèmes publics d’assurance maladie, de mutuelle, voire d’une couverture gratuite pour les plus démunies pour garantir aux populations l’accès aux soins.Le Togo a d’ailleurs déjà mis en place pour les fonctionnaires un système d’assurance qui permet de prendre en charge le coût des soins en moyenne de 80%.[4] Il en ressort une réelle satisfaction. Le gouvernement a d’ailleurs promis d’étendre le système à d’autres classes sociales.
Nelly Agbokou
Leave a comment
Your e-mail address will not be published. Required fields are marked with *
Intéressante analyse. Même s’il faut dire que les problèmes du système de santé en Afrique sont liés aussi au niveau d alphabétisation faible des populations ainsi que les conditions économiques. Les états n augmentent pas le budget des Chu ; personnel très mal payé ; matériel vétuste ; peu d engagement dans la formation des futurs agents de santé. Enfin la médecine traditionnelle qui devrait apporter un plus aux populations est devenue une arnaque générale (surtout en Afrique de l ouest).
Enfin l Afrique a un fort potentiel(comme toujours) pour améliorer son système de santé. Il manque juste une volonté politique.
Avec autant de problèmes, par où commencer? L'accès aux soins des usagers? Les salaires des personnels de santé? Le problème n'est pas à ce niveau, mais l'absence d'une rigueur dans l'organisation des ressources humaines par l'Etat. Le médecin ou autre personnel de santé sait qu'il sera mal payé en tant que médecin, mais pourquoi utilise-t-il l'Etat pour se former? Ce manque de rigueur de l'Etat est bienfaiteur pour tout le monde. Les médecins circulent de clinique en clinique pendant les heures de travail à la fonction publique. Finalement, combien un médecin ou un autre personnel de santé souhaite percevoir comme salaire mensuel pour accomplir sa vocation professionnelle? Combien de citoyens travaillent dans ces conditions? Travaillons et revendiquons ensuite!!!
Commentaire: le problème de la santé réflete exactement l'état de nos pays. Les capacités de planification, de gestion et et de mis en oeuvre des décisions sont très limités dans tous les secteurs y compris dans le domaine de la santé. L'état n'a pas une bonne connaissance des besoins du terrain et est incapable d'assurer une bonne planification et répartition des ressources aussi bien financière que humaine. Par ailleurs, les opportunités de coopération pour un renforcement des systèmes de santé ne sont pas traitées de manière méthodique ce qui fait que le résultat est très décevant. Il urge de repenser entièrement nos système de santé pas sur la base des modèles occidentaux, mais sur la base de nos réalités africaines. Les modèles européens et américains ont été pensé à partir de leurs réalités. Nous devons faire pareil chez nous et arretez de faire du copier coller sans regarder les options de collage.