L’accroissement des débats autour de l’énergie ainsi que l’engouement suscité par les thématiques associées témoignent de l’intérêt que porte notre génération à l’accès à l’énergie pour tous. Tel un slogan de campagne, cet accès à l’énergie se heurte toutefois à une dure réalité évoquée dans un précédent billet qui est le prix social de l’énergie : « Inaccessible pour tous, il doit être toutefois socialement disponible ». C’est donc pour apporter un complément de réponse que nous nous sommes inspirés des travaux de Jean Marie MARTIN-AMOUROUX, directeur de recherche au CNRS sur « Les prix et les coûts des énergies[i]».
Dans le cadre de la réalisation du 2nd Compact du Millenium Challenge Account[ii] qui est une structure du gouvernement des États Unis d’Amérique chargée de piloter des projets de développement dans les pays du Sud, une étude sur la question des infrastructures énergétiques a été réalisée auprès du gouvernement du Bénin ainsi que des principaux acteurs économiques. Outre le fait que l’accès à l’énergie est classé comme un des principaux freins à l’investissement, une classification a été faite sur les principales attentes des opérateurs économiques en matière d’énergie: la disponibilité – Le coût – La qualité. La disponibilité et le coût de l’énergie occupent donc les premières places de ce classement et peuvent même s’inverser selon que l’on soit en zone urbaine ou rurale du fait de la plus forte substitution dans les villes.
Étant donné que l’énergie électrique ne se stocke pas, l’évaluation d’un projet s’appuie sur les coûts moyens de réalisation et sur les coûts d’entretien et d’exploitation. En fonction de la structure de production, ces coûts peuvent présenter un très fort écart. En comparant une turbine à gaz à une éolienne par exemple, on remarque que la première a un cout de réalisation très faible avec une durée de réalisation très rapide, mais nécessité un approvisionnement récurrent en combustible alors que la seconde, à plus ou moins même échéance, présente un cout fixe très important, contre un cout de fonctionnement et d’entretien quasi nul. D’autre part, une estimation plus fine de l’ensemble des différentes technologies ne saurait se faire sans la prise en compte des différents facteurs ci après :
L’unité monétaire constante : pour la comparaison des projets, sans tenir compte de l’inflation ou des aléas monétaires.
La durée de vie normalisée : Théoriquement de 25 ans pour une structure photovoltaïque contre près de 100 ans pour un barrage.
Le facteur de charge : La disponibilité en heures de fonctionnement de la structure : 6-8h pour le photovoltaïque par jour, contre 3-4heures pour la centrale thermique si elle est fonctionnelle en pointe (les heures ou le pic de consommation est le plus élevé), ou 24h/24h pour une centrale nucléaire par exemple (avec une moyenne de 5600h dans l’année)
La production brute : La quantité d’énergie produite escomptée : Elle dépend de la puissance de l’installation, du lieu, du rendement et des conditions normales de température et de pression. 1KW solaire produit en Afrique de l’Ouest environ 4-6KWh d’électricité contre environ 2KWh en France par exemple.
Le taux de rentabilité du projet : La rentabilité espérée suite à la réalisation du projet. Souvent de 5% pour les installations publiques, elles peuvent atteindre 10-30% pour les projets privés ou en BOT (Built-Operate-Transfer) ce qui affecte relativement le cout de revient de l’énergie produite.
Outre ces paramètres standards, il existe un autre facteur qui est bien souvent non quantifiable d’un point de vue économique : Le coût d’externalité. Qu’elle soit négative ou positive, l’externalité désigne le niveau d’influence non monétaire d’un projet sur l’individu ou sur son habitat. Une centrale thermique présente comme principale externalité le niveau de fumée et de pollution générée qui nuit gravement à la santé des populations riveraines, de même que le risque d’explosion tout simplement. De façon plus générale, Jean Marie MARTIN-AMOUROUX a calculé en cts€/KWh différentes externalités selon la filière de production : 4 pour le thermique à charbon, 0,3 pour le nucléaire, 0,28 pour le photovoltaïque, 0,04 pour l’hydraulique. Pour plus d ‘explications, le cout lié au nucléaire est lié au risque de cancer pour les générations futures qui dépend aussi du niveau de la science et de la santé dans le pays concerné. Concernant le photovoltaïque, les externalités proviennent des pollutions au cours de la production des équipements ainsi que du transport vers le lieu de consommation. Étant donné que 80% des modules sont fabriqués en Chine[iii], il est plus facile d’évaluer la part du transport et du cout associé dans la production finale.
Somme toute, en l’état actuel des ressources exploitables et des techniques, les énergies fossiles bénéficient généralement des coûts internes les plus bas, quel que soient les usages : électricité, carburant. C’est pourquoi les différents scénarios énergétiques « business as usual » apportent encore plus de 80% de l’approvisionnement énergétique mondial à horizon 2050. Compte tenu du risque géopolitique et de la pression à la demande, la disponibilité et le coût de l’énergie seront de plus en plus au centre de toutes les attentions. Les autres ont trait aux conséquences environnementales de leur évolution, notamment en termes d’émissions de CO2, dont les coûts devraient être internalisés. « A plus long terme, enfin, l’épuisement de certaines ressources gagnerait à être anticipé. Prises en compte dans les coûts sociaux des diverses sources d’énergie, ces incertitudes renchériraient les sources fossiles au profit des sources renouvelables et de l’énergie nucléaire dont la croissance conditionne, par apprentissage, la diminution des coûts d’usage. » dixit Jean Marie M-A.
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