On pointe souvent du doigt le règne de la finance, sans partage et sans merci. Qu’en est-il en Afrique, et plus précisément du point de vue de la réglementation bancaire ? Car si l’on peut se plaindre de l’obsolescence des nombreuses règles restées inchangées ou presque depuis leur mise en place lors de la décolonisation, voire avant, force est de constater que la réglementation bancaire est un droit vivant.
Qu’est-ce le droit bancaire ?
Le droit bancaire est celui qui régit essentiellement l’activité des établissements de crédit et les opérations de banque, et dont le but est d’assurer la stabilité monétaire de son territoire d’applicabilité.
Quels acteurs ?
La mise en œuvre de ce droit est assurée par des organes régulateurs, les banques centrales, qui existent à l’échelle nationale ou régionale depuis les indépendances des années 1960. On peut ainsi citer à titre d’exemples la Banque Centrale du Congo ou la Banque de Tanzanie (Bank of Tanzania), créées respectivement en 1961 et 1965. A plus grande échelle existe l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), descendante de l’UMOA elle–même créée en 1962, et qui réunit le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, et dont l’organe régulateur est la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Existe également la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), qui réunit le Tchad, la Centrafrique, le Cameroun, la Guinée-Equatoriale, le Gabon ainsi que le Congo et a pour organe régulateur la Commission bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC). Du côté de l’Afrique anglophone, a été annoncée, fin 2013, la création d’une union monétaire est-africaine réunissant le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda, projet qu’il reste à concrétiser.
Quelles sources ?
Les organismes de régulation bancaire sont généralement régis par une ou plusieurs lois qui elles-mêmes donnent autorité aux banques centrales pour édicter des textes réglementaires plus précis. Les banques centrales jouent donc un rôle primordial dans l’édiction du droit bancaire, et l’on observe un réel dynamisme de leur part dans ce domaine, avec la publication régulière d’instructions ou de communications.
Quelle communication ?
Un élément frappant qui doit être relevé à propos du droit bancaire en Afrique est son accessibilité. Tous les praticiens du droit vous parleront de la difficulté de trouver des sources de droit africain: les sites internet gouvernementaux sont souvent laissés à l’abandon et trouver un texte officiel peut relever du parcours du combattant. En revanche, les Banques Centrales nationales et régionales disposent quasiment toutes d’un site internet nourri de toute la réglementation bancaire existante et mis à jour régulièrement.
Quel rôle ?
Au-delà du pouvoir de création du droit évoqué plus haut, les banques centrales veillent à son application. Elles contrôlent donc de près l’installation et l’activité des banques de leur territoire de compétence. Ainsi, lorsqu’une banque souhaite s’implanter, l’organisme régulateur local vérifie que la forme juridique qu’elle compte emprunter est conforme à celle imposée par la loi bancaire. Il s’assure également que le capital social du futur établissement financier est au moins égal au capital social minimum fixé par la loi, qui impose également une proportion minimale de fonds propres.
Les banques centrales étudient minutieusement le plan d’affaires établi par les futurs actionnaires et la viabilité du projet. En outre, les actionnaires eux-mêmes doivent fournir un certain nombre de garanties démontrant leur sérieux, et des documents sociaux tels que leurs statuts ou leurs extraits de registre de commerce leur sont réclamés à cet effet. Ce n’est qu’après de longs mois que les candidats à l’implantation dans le paysage bancaire obtiendront leur agrément.
Du point de vue de la gouvernance, les administrateurs des institutions bancaires et parfois les membres des organes exécutifs doivent, outre leur irréprochabilité d’un point de vue pénal (ici les infractions financières sont particulièrement visées), répondre à des conditions de niveau académique et d’expérience. Leur sont ainsi toujours demandés au moins un extrait de casier judiciaire, une copie de leurs diplômes et un curriculum vitae. Ainsi, en cours de vie sociale, les membres des organes dirigeants ne peuvent être nommés sans avoir obtenu l’approbation préalable de la banque centrale. Ce processus prend parfois plusieurs mois, délai peu adapté au rythme des affaires.
Ces délais se révèlent encore plus contraignants s’agissant des transactions affectant significativement la situation financière des établissements de crédit: ainsi les augmentations ou diminutions de capital social, fusions ou scissions ou dissolutions anticipées sont soumises à l’autorisation préalable de l’organisme régulateur. Le contrôle s’effectue également au niveau comptable : les établissements financiers doivent en effet tenir à leur siège social une compatibilité établie selon des modèles fournis par les banques centrales, qui fixent également les dates de début et de fin de l’exercice comptable. Chaque année, les banques doivent leur communiquer les comptes annuels de leurs établissements.
Les banques centrales ont à ce titre un droit de regard sur les commissaires aux comptes choisis, qui soit figurent sur une liste de personnes agréées, soit font l’objet d’un agrément préalable au même titre que les organes dirigeants.
Quelles sanctions ?
Les banques centrales sont des organes régulateurs mais il arrive souvent qu’elles aient la possibilité, au-delà de leur pouvoir disciplinaire qui se traduit par des sanctions financières, d’édicter des sanctions pénales qui peuvent aller de simples amendes, plus ou moins lourdes, à des peines d’emprisonnement.
Quelle réception ?
Il est intéressant de noter que la plupart des banques qui s’implantent en Afrique sont les filiales de grandes banques occidentales, donc habituées aux contraintes réglementaires. Elles s’y plient donc sans difficulté, et posent régulièrement questions aux banques centrales ; ce faisant elles participent sans doute à la vivacité de la réglementation bancaire africaine.
Quelle efficacité ?
Le grand public africain recourt de plus en plus à des banques de particuliers pour déposer ses fonds. Il est donc nécessaire que cet argent soit en sécurité, que les banques où il dort ne soient pas menacées de faillite et que les particuliers puissent avoir confiance en ces banques, banques qui par ailleurs, en disposant des fonds du public, participent activement au dynamisme de l’économie.
Les banques centrales contribuent à la solidité des acteurs du marché bancaire et ainsi à son dynamisme. Cependant, la lourdeur des procédures mises en place par les banques centrales et les délais qu’elles impliquent peuvent se révéler très contraignantes dans un contexte où les affaires n’attendent pas.
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