Point n'est besoin de rappeler l'importance de l’éducation d’un pays pour son économie et son développement. Elle ne joue pas seulement sur le capital humain nécessaire à l’activité économique, elle est aussi fondamentale pour une administration efficace et des institutions en bonne santé. Elle irrigue tous les ingrédients nécessaires à la bonne marche d’un pays. Avec une moyenne de 4,3 années d’étude relevée en 2005 contre 6,2 en Asie de l’Est (Source : AFD), l’Afrique subsaharienne a de nombreux défis à relever en matière d’éducation. Ils se posent en termes d’accès inégal et restreint (6% de la cohorte en âge d’aller dans l’enseignement supérieur y ont accès), de qualité et d’adaptation au marché du travail et à ses besoins spécifiques.
Au Bénin, pays de près de 9 millions d'habitants, un plan décennal de développement du secteur de l’éducation (PDDSE, 2006-2015) a été mis en place et est arrivé à la fin de sa première phase (2006-2011). Sous l’impulsion des autorités béninoises, la première phase du PDDSE a fait l’objet d’une évaluation commanditée et conduite par plusieurs organismes indépendants dont la Danida et l’Agence Française de Développement. Le bilan de l’évolution de chacun des 6 ordres d’enseignement de l’éducation béninoise a été décliné dans un rapport remis aux autorités compétentes.
L’enseignement maternel
Comme dans les autres pays d’Afrique, l’enseignement maternel n’attire pas les foules. Cependant, au Bénin, les effectifs du préscolaire n’ont cessé d’augmenter passant de 27 673 élèves en 2005 à 97333 en 2010. En cause la stratégie de gratuité de l’enseignement mise en place par le gouvernement en 2006 et des activités de sensibilisation ciblées. Si la parité filles/garçons est respectée, aucune réduction des disparités géographiques ni amélioration de la qualité de l’enseignement n’a été constatée.
L’enseignement primaire
Comme dans le préscolaire, la réforme de la gratuité de l’enseignement a fortement contribué à faire croître le Taux Brut d’Admission (TBA) qui est passé de 99% en 2005 à 132% en 2010 (le pourcentage est supérieur à 100% parce qu’il est rapporté à la population âgée de 6 ans dont ne font pas nécessairement partie tous les nouveaux entrants). Avec un indice de parité de 98% pour le TBA et de 94% pour le Taux Brut de Scolarisation (TBS), l’on se rapproche de la parité parfaite garçons/filles dans l’accès à l’enseignement primaire. Si les disparités géographiques restent très importantes, les progrès réalisés en terme d’accès et d’équité sont également à mettre à l’actif de stratégies de sensibilisation ciblées et de l’extension de cantines scolaires qui améliorent la rétention au cours du cycle.
Avec l’introduction des nouveaux programmes, près de la moitié des élèves ne maîtrise pas les compétences normalement requises à chaque niveau. Si un effort a été fait concernant la formation des instituteurs, le rapport nombre d’élèves-nombre d’instituteurs reste élevé et a tendance à croître. La disponibilité des manuels scolaires est quant à elle très variable.
L’enseignement secondaire général
En 5 ans, les effectifs ont augmenté de 69% dans le premier cycle (Classe de 6ème à 3ème ) et de 112% dans le second cycle (Seconde à Terminale). La qualité de l’offre en services éducatifs n’a pas suivi cette forte croissance en raison des ressources limitées. Des efforts ont été fait pour améliorer la parité filles/garçons mais ils ont connu un impact réduit. Un aspect important de la qualité des enseignements s’observe à travers le redoublement. Il est resté très élevé (21% en 2005 et 19% en 2009). L’un des problèmes majeurs qui expliquent cette situation est le manque cruel d’enseignants même s’il est en partie comblé par le recrutement d’enseignants dits communautaires par les populations locales elles-mêmes. Les établissements sont obligés pour y faire face de recruter un nombre important d’enseignants vacataires, à la qualification peu avérée et dont le statut est bien précaire. Les équipements (salles de classes, manuels, matériel pédagogique) laissent à désirer.
L’enseignement technique et professionnel
Une évolution positive de la formation professionnelle a été remarquée grâce à un apprentissage en alternance : travail dans un atelier ou une entreprise en même temps qu'a lieu la formation théorique. Ce dispositif s’est révélé particulièrement adapté à certains pans d’une économie largement informelle. Le nombre d’apprenants reste faible même s’il y a une réelle dynamique le concernant (1370 en 2006 et 5719 en 2010). Quant à l’enseignement technique classique, une dégradation continue a été observée et elle s’est vue à travers la baisse des effectifs (11 249 élèves en 2005 contre 8 266 en 2009). Alors que l’un atouts de cet ordre d’enseignement est la possibilité de le dispenser sous plusieurs formes et à différents niveaux le rendant plus susceptible d’atteindre des couches plus vulnérables et défavorisées, aucune stratégie de promotion d’un accès équitable n’a été mise en place.
L’enseignement supérieur
Au Bénin, le nombre d’étudiants est relativement élevé avec 790 étudiants pour 100 000 habitants contre 299 en moyenne pour l’Afrique subsaharienne en 2006. Dans un pays où les débouchés en termes d’emplois hautement qualifés sont peu nombreux, ces effectifs élevés posent un réel défi. A cela s’ajoute que près de 2/3 des étudiants sont inscrits dans des filières peu efficaces en matière de professionnalisation alors que les effectifs pour celles plus adaptées aux marché du travail ont chuté. Enfin, 80% des individus accédant à l’enseignement supérieur proviennent des 20% des ménages les plus nantis et les filles comptent pour seulement 23% des étudiants de l’enseignement supérieur. L’accès équitable à cet ordre d’enseignement reste donc un défi majeur.
Quant à la recherche scientifique, elle se décline en une mosaïque d’activités plutôt menées de façon individuelle et cloisonnée, ce qui limite son impact socio-économique. Elle reste également peu orientée vers les priorités de développement.
L’alphabétisation et l’éducation des adultes
Le taux d’analphabétisme dans la population adulte béninoise restait important en 2005 où il était estimé à 63%. La principale activité des services en charge du sous-secteur est l’organisation routinière des campagnes d’alphabétisation qui touche environ 30 000 hommes et femmes par an, un niveau insuffisant par rapport aux objectifs fixés (réduire le taux d’analphabétisme de 50% en 2015). Aucune stratégie de décentralisation des efforts mobilisant l’ensemble des opérateurs et des organisations de la société civile n’a vraiment été mise en place.
Cette analyse de la situation de l’éducation au Bénin nous indique des priorités d’action que nous détaillerons dans le deuxième article de cette série.
Tite Yokossi
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Super intéressant, merci !
Bonne radioscopie de l'éducation béninoise. Je voudrais par contre avoir vos sources (pour raison d'exploitation de votre texte dans des productions scientifiques); Merci
Ghislain,
les chiffres dans cet article proviennent de rapports sur l'éducation béninoise qui sont publics. Vous pouvez donc y accéder sans grande difficulté à partir de recherches sur Google par exemple.
ok. Merci, cher ami
est-ce que vous avez des études ou articles ou des sources d’articles en particulier sur données relatifs au redoublement au Bénin, je travaille ce sujet, merci
Bonjour Carolina,
sur ce sujet, je n’ai accès à rien que vous ne pouvez trouver sur les moteurs de recherche.
Bonne chance dans votre travail.
Tite
Bonjour,
L'éducation nationale reste, malheureusement, un vaste chantier au Bénin ; c'est l'un des "maillons indispensables" pour le Développement d'un pays. Il faudrait une vraie reflexion impliquant tous les acteurs de l'éducation ; de vraies propositions objectives qui ne seront pas rangées dans les tiroirs. Cela implique une conscience collective, un sursaut patriotique de toutes les Béninoises et Béninois, et une volonté politique très forte.
Dr. Justin AGLIN ANATOLE / Université Bretagne Occidentale – France
Il faut décourager à jamais l'enseigenement de plus en plus baclé dans les écoles privée en pleine prolifération sur le territoir béninois
Bien clair. Les renseignements sont bien fournis, je vous en remercie. Avez-vous une idée sur les structures du préscolaire au Bénin?