Il est une conséquence de la crise sanitaro-économique (Covid-19) en Afrique qui n’échappe à personne : la hausse de la pauvreté. Les mesures de confinement, l’arrêt des chaînes de valeurs mondiales et la chute des cours de matières premières vont précipiter 40 à 60 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,90 dollar US par jour). C’est donc l’occasion de penser pour « panser » le fléau de la pauvreté dans les pays africains.
Depuis le milieu des années 90, de nombreux programmes de lutte contre la pauvreté émanant des Etats ou des organismes internationaux ont fait florès. L’entreprise de lutte contre la pauvreté a consisté essentiellement à transférer des ressources (monétaires ou matérielles) des endroits riches vers les endroits pauvres. Ainsi, semble-t-il, cela permettra d’éradiquer la pauvreté où elle se situe. Malgré le « pognon de dingue » engagé, les taux de pauvreté dans plusieurs pays africains demeurent à deux chiffres et sont les plus élevés du monde. Pire, le nombre de pauvres en Afrique est passé de 278 millions en 1990 à 413 millions en 2015 ; ce qui compromet grandement la réalisation de l’objectif de développement durable des Nations Unies d’éradication de la pauvreté d’ici 2030. On peut donc dire que, vraisemblablement, les politiques de lutte contre la pauvreté en Afrique n’ont pas eu une grande réussite.
La raison de cet échec réside dans l’approche du problème de la pauvreté. Le raisonnement qui soutient les campagnes de lutte contre la pauvreté est le suivant : en apportant de l’aide (souvent financière) au pauvre, l’on résoudra et tirera le pauvre de sa condition qui est, précisément, un manque de moyens. Cette « logique » est un raisonnement linéaire. Elle présente le pauvre avec l’attitude du personnage Oblomov de l’écrivain russe Ivan Gontcharov : l’aide (souvent financière) rendra le temps irrésistiblement splendide pour que Oblomov décide d’abandonner son lit bien-aimé. Ce raisonnement linéaire déconsidère la complexité de la question de la pauvreté et ses racines profondes.
Je veux ici dire qu’il n’y a, en réalité, pas de pauvres, il n’y a que des écosystèmes pauvres. La pauvreté, as such, n’est pas une situation de pénuries objectives mais plutôt une absence de conditions et de préalables spécifiques. La preuve est donnée par les jeunes africains qui traversent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Ces jeunes, considérés comme pauvres dans leur pays d’origine, réussissent à s’offrir une vie meilleure en Europe au point de réaliser des transferts d’argent vers leur pays de provenance. Donc, le principal sujet est d’élucider les raisons pour lesquelles ces jeunes n’ont pas exercé leur esprit entrepreneurial dans leur pays d’origine. Tous les pays qui ont renvoyé l’extrême pauvreté dans les lits de l’Histoire sont ceux où l’on répond par l’affirmative à la question suivante: Est-il facile, ici, de créer, gérer et fermer une entreprise?
La question ci-dessus concentre les principes sur lesquels reposent une société prospère qui éradique la pauvreté : la liberté individuelle, l’Etat de droit et la liberté économique. Sans respect des droits de propriétés, la prospérité économique, tant désirée dans les pays africains, n’aura pas lieu. Rappelons le cas du jeune tunisien Mohamed Bouazizi, marchand ambulant de fruits et légumes qui, étant incapable de verser des pots-de-vin à l’administration, s’est vu confisquer arbitrairement son outil de travail. Il s’est immolé par le feu juste après cette phrase interrogative et pleine de désespoir : “Comment voulez-vous que je gagne ma vie ?”
Certains ajustements structurels sont nécessaires pour favoriser l’éradication de la pauvreté. Il faut supprimer les barrières tarifaires et non-tarifaires à la création d’entreprise, permettre aux populations de disposer de titres de propriété et favoriser la concurrence dans tous les secteurs où cela est nécessaire. Les politiques publiques doivent avoir une seule ambition: celle de créer des incitations, un environnement où peut prospérer une grande diversité d’activités de production. A ce titre, l’indice Doing Business de la Banque Mondiale, bien qu’imparfait, peut servir de boussole pour renseigner sur l’amélioration des conditions favorables à l’esprit d’entreprise.
Ceux que nous appelons « pauvres » constituent, à bien des égards, une armée de réserve d’entrepreneurs. En supprimant les barrières à la liberté économique, l’Afrique pourra sortir les masses de leur condition de pauvreté.
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