Une mère portant au dos son enfant et qui sourit, un paysage d’une beauté brute et sauvage, une danse initiatique dans un village bantou – on entendrait presque l’écho des tambours- voici donc l’Afrique du soleil, l’Afrique des cartes postales, celle que l’on prône parfois pour se rassurer. Nul n’est besoin de rappeler que l’Afrique n’est pas cette image d’Epinal. Elle est toujours ce continent où les peuples se soulèvent, tiraillés par la faim. Elle est toujours cette terre que l’on quitte à contrecœur pour s’éduquer ou travailler. Sont-ce là des perspectives sombres ou d’obscures perceptions ? Le fait est que la situation des pays africains est tout sauf radieuse. Les causes de ces maux sont multiples ; l’une de celles que l’on évoque le plus souvent reste le franc CFA. Certains vont jusqu’à considérer qu’il est le principal responsable du marasme prolongé que connaît le continent. Toutefois, il est de se demander si l’on ne fait pas en cela du franc CFA un bouc émissaire ou si, au contraire, ce dernier est véritablement un instrument de domination freinant toute velléité de sortie de la léthargie dans laquelle l’Afrique s’est enlisée1.
Le débat sur le franc CFA prend trop souvent un tour immatériel, tant d’un point de vue économique que symbolique. Pourtant, la réalité du franc CFA est d’abord matérielle et palpable. En tant que monnaie, il est un ciment des relations interhumaines ; l’usage que chacun en fait dépend des habitudes de l’ensemble de la communauté. Ce n’est que parce qu’un grand nombre d’Africains utilisent le franc CFA que ce dernier est reconnu et accepté par chacun. Il est à la fois un bien réseau et un bien collectif. Vecteur de cohésion sociale, sa disponibilité, sa circulation et la préservation de sa valeur sont indispensables à la bonne pratique des échanges.
Le franc CFA est cependant avant tout un bien privé ; une unité monétaire appartient toujours exclusivement à une personne ou un groupe de personnes. En cela, il est une interface entre l’Africain et sa société. Ceci explique que chacun se sente intimement concerné par les questions le concernant. Le franc CFA est enfin un bien politique comme toute monnaie. L’histoire monétaire nous enseigne que tous les souverains et toutes les républiques ont marqué la monnaie de leur sceau, symbole de leur puissance. Bien social, privé et politique, nous percevons désormais mieux les raisons pour lesquelles le franc CFA déchaîne controverses et passions.
La quasi-totalité des débats autour du franc CFA porte néanmoins sur la dimension économique de ce dernier. Pour saisir les enjeux de ces discussions, il faut ici adopter une approche méthodique. Nous devons en premier lieu cerner cet objet économique mal identifié qu’est le franc CFA. Comme toute monnaie, il est un intermédiaire dans l’échange. En tant que nous ne vivons pas dans des sociétés de troc tout échange de marchandises se décompose en deux étapes : la vente (marchandise contre monnaie) et l’achat (monnaie contre marchandise). Le franc CFA ne fait à cet égard que faciliter l’échange, il n’a aucun impact sur la quantité de biens produits par exemple. Cela permet de distinguer deux champs économiques différents : la sphère réelle affectant les échanges, la production, le chômage et la sphère monétaire qui, elle, est neutre vis-à-vis de l’économie réelle.
En tant que simple intermédiaire des échanges, le franc CFA n’a ainsi aucun impact réel sur les économies africaines. C’est une autre de ses fonctions qui en fait un sujet de débat si récurrent, celle de réserve de valeur. Comme J-M. Keynes l’expliquait, la monnaie, en tant qu’elle conserve sa valeur n’est pas toujours détenue en vue de réaliser des achats programmés. Les individus détiennent ainsi des encaisses monétaires oisives. Ce sont précisément ces encaisses qui ont un impact sur les taux d’intérêt, les taux de change et donc sur la production et le chômage. Quelle que soit la complexité des débats, ces derniers renvoient toujours à la fonction de réserve de valeur du franc CFA.
Si le franc CFA est un bien particulier en tant que monnaie, il est également une monnaie spécifique. Cette spécificité lui est conférée par un cadre institutionnel issu d’une convention de 1973. Les règles édictées par cette convention font l’objet de quantité de critiques ; elles sont au cœur de toutes les controverses. Elles permettent aux pays de la zone de bénéficier de la convertibilité illimitée des francs CFA en euros à un taux fixe. En contrepartie, les pays de la zone doivent effectuer un dépôt de franc CFA sur un compte d’opération du Trésor public français. Les commentateurs, selon leur position dans le débat, exacerbent soit les bénéfices de la convertibilité soit les inconvénients des dépôts.
La convertibilité illimitée confère aux pays de la zone une crédibilité internationale, rendant leur monnaie plus forte, et leur permet de se procurer des devises afin d’alimenter leurs réserves de change, indispensables pour commercer avec l’extérieur. Quant aux dépôts, ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas là d’une extorsion car les pays africains restent propriétaires de ces fonds qui sont d’ailleurs rémunérés. Ces dépôts permettent aux pays de la zone CFA de constituer des réserves communes et donc de mutualiser les risques encourus en termes de balance des paiements. Toutefois certains économistes rappellent que l’apparente stabilité de ce système est menacée car tandis que les pays débiteurs sont systématiquement les mêmes, les pays structurellement créditeurs, comme le Cameroun et le Gabon, pourraient souhaiter quitter la zone dans un futur proche.
Une représentation caricaturale, et néanmoins assez répandue, consiste à penser que le Trésor français contrôle la politique économique des pays de la zone franc. Ceci est clairement erroné car la politique économique qui agit sur l’ensemble de l’économie ne se cantonne pas à la politique monétaire dont l’impact direct se limite à la sphère monétaire. Or les accords passés avec le Trésor français ont un caractère purement monétaire. Ce à quoi il faut ajouter que le mécanisme du compte d’opération (convertibilité et dépôts) est organisé autour de règles fixée. Son organisation n’est pas laissée à la discrétion du Trésor.
En réalité, les deux institutions cardinales sont les deux banques centrales que sont la BCEAO et la BEAC. Chacune, dans sa zone respective, conserve une marge de manœuvre compte tenu des règles édifiées. En effet, les dépôts obligatoires sur le compte d’opération ne représentent qu’une partie de la base monétaire. Les deux banques centrales sont donc en capacité d’ajuster la liquidité sur les marchés par la création monétaire dont elles ont le monopole. Elles peuvent, par exemple, mener une politique visant à accroître les encaisses monétaires des agents (individus, sociétés financières), ce qui augmentera l’offre de fonds sur les marchés financiers et résultera dans une baisse des taux d’intérêt.
La BCEAO et la BEAC peuvent ainsi mener des politiques de bas taux d’intérêt pour stimuler l’investissement et relancer l’activité. En période de forte inflation, elles augmenteront, à l’inverse, les taux pour freiner la demande. Elles jouent en outre un rôle très important dans le contrôle des banques de second rang et les instituts de crédit. Il n’est de ce fait pas exact d’affirmer que « la France gère la politique monétaire de l’Afrique ».
On met souvent en avant la présence de représentants français dans les Comités de politique monétaires des deux banques centrales. Ceux-ci détiennent effectivement un droit de véto concernant les décisions importantes. Ce droit est très peu utilisé en pratique, ceci permet tout de même de nuancer l’idée d’une autonomie sans entrave de la politique monétaire de la zone franc.
Le dernier point clé du débat est la fixité du taux de change. Empiriquement, on observe que les banques centrales de la zone CFA ont systématiquement cherché à limiter l’inflation au détriment de politiques accommodantes en vue de stimuler l’activité. Ici apparaît la principale critique que l’on pourra faire au système actuel. Ce dernier contraint la zone CFA à conserver des taux d’inflation proches de ceux de la zone euro dont la cible est fixée à un niveau très faible (2%) par les statuts de la BCE. Si le taux d’inflation de la zone CFA venait à excéder durablement celui de la zone euro, nous assisterions à un élargissement des bandes de fluctuations, à des dévaluations répétées et enfin à une disparition de la parité entre le franc CFA et l’euro. Ainsi la BCEAO et la BEAC mènent-elles des politiques monétaristes malgré elles en s’interdisant d’encourager la croissance économique de la zone. Malheureusement, les Etats ne peuvent se substituer à elles étant donné l’état de leurs finances publiques.
Nous avons, à travers la présente étude, tenté d’établir que s’il faut bien sûr faire sa part à la critique, il est vain d’accuser le franc CFA de tous les maux. A en croire certains, il serait responsable et des carences en matière d’éducation et du manque d’écrans plasma dans les foyers. Il n’est pas vrai non plus que le franc CFA est un instrument de domination économique. En permanence on entend l’écho des voix de ceux qui réclament : « L’autonomie monétaire ! L’autonomie monétaire ! » Mais cette autonomie, n’est-elle pas une illusion ? Il n’est de banque centrale, qu’il s’agisse de la BCE, de la BOJ ou même de la Fed, qui ne soit soumise à des règles et aux contraintes du marché. A vrai dire, le franc CFA est bien un instrument de domination, mais cette domination est symbolique et culturelle. C’est pourquoi la création d’une monnaie unique africaine est cruciale. Cependant, ceci ne doit pas être réalisé sous le coup de l’émotion et de la précipitation car, bien souvent, les visées utopistes s’accommodent mal des réalités concrètes.
Tidiane Ly
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J'ai quelques points de divergence avec toi sur ce sujet, Tidiane. Je me considère comme un partisan d'une réforme du CFA. Je te concède qu'il est hors de propos de faire du CFA le bouc émissaire de tous les échecs économiques depuis 1960. Toutefois, un certain nombre de points méritent d'être précisés.
Tu dis: "En tant que simple intermédiaire des échanges, le franc CFA n’a ainsi aucun impact réel sur les économies africaines". C'est là la vision néoclassique de la neutralité de la monnaie, vision réfutée par la théorie keynésienne et donc sujette à caution. Pour ma part, je vois un gros impact réel sur les économies du FCFA. Le fait que sa convertibilité soit adossée et figée à l'euro, monnaie forte, est un frein pour les économies africaines de la zone CFA. La première technique pour une économie émergente qui veut favoriser ses exportations, c'est de sous-évaluer sa monnaie pour améliorer sa compétitivité par rapport aux autres. C'est ce que fait la Chine par exemple. C'est ce que ne peuvent pas faire les économies de l'Afrique francophone. C'est donc là un très gros frein à leur développement. Alors bien sûr, c'est un instrument dangereux qu'il faut bien savoir manier, mais pourquoi n'en serions nous pas capable aujourd'hui.
Rien à redire sur tes arguments concernant les réserves gardées à la Banque de France. Mais encore une fois, il faudra bien qu'on se considère suffisamment mûr pour être crédible tout seul et ne pas avoir besoin de la caution de la banque de France.
Enfin, tu l'as dit toi-même, le CFA est aussi un objet politique. Une indépendance totale du CFA impliquerait des mécanismes de coordination des politiques économiques, budgétaire et monétaires des différents pays membres. Ce serait un formidable outil de relance de l'agenda des ensembles économiques sous-régionaux (uemoa, cemac), et un grand pas en avant dans la perspective panafricaniste. Cela rationaliserait les pratiques des différents Etats membres, en mettant une contrainte non pas occidentale, mais celle des paires africains. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il faut sérieusement penser à poser un calendrier précis, méthodique et contraignant vers une indépendance progressive mais rapide des deux zones CFA. Resterait à trancher aussi la question de la coordination des politiques entre la zone Afrique de l'Ouest et Afrique centrale.
Suite à vos remarques, je constate qu’il me faut resituer l’article dans la posture qui est la sienne. Il ne s’agit pas là de dire que le système CFA tel qu’il est le plus bénéfique qui soit pour les pays africains de la zone. Ma conclusion exprime à cet égard le souhait de l’édification d’une monnaie africaine plus autonome et sous le seul contrôle d’autorités africaines.
L’objectif ici était d’examiner le franc CFA et lui rendre sa complexité là où trop souvent on en fait un objet simpliste, évident. Si l’on tape « franc CFA » sur internet, on retrouve toujours les mêmes arguments (plus ou moins bien développés), toujours les mêmes positions, toujours la même passion. On reprend quelques bribes des raisonnements de Nicolas Agbohou dans son fameux ouvrage Le franc CFA et l’euro contre l’Afrique, puis on se met à tirer à tout va.
La problématique sous-jacente de l’article est : « le FCFA est-il un objet social, politique et économique, oui ou non ? » Si l’on admet que c’est le cas, alors il faut comprendre ses déterminants et les forces agissantes qui permettent de comprendre sa longévité. En économie, plus particulièrement, si un système perdure, c’est que toutes les forces à l’œuvre se compensent. J’ai donc tenté d’illustrer ces forces.
Merci Lirashe pour tes observations pointues et pertinentes. Elles me permettent de préciser certains points.
Neutralité de la monnaie
Si j’ai présenté la conception néoclassique de la monnaie, ce n’est pas que je la partage. Au contraire, dans la suite de l’article, je précise que le FCFA n’est pas seulement un intermédiaire des échanges mais qu’il est aussi une réserve de valeur. Or c’est précisément cet argument que les économistes d’inspiration keynésienne ont utilisé pour établir la non neutralité de la monnaie [Rapidement pour les non-économistes : plus une monnaie sera demandée et plus les taux d’intérêt et le taux de change seront élevés]. J’ai souhaité, en ce début d’article, montrer qu’il fallait cibler précisément les lieux du débat.
Coordination des politiques budgétaires
Concernant la coordination des politiques budgétaires, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’attendre l’autonomie du FCFA. En fait, depuis 1999 un dispositif institutionnel permettant sa mise en œuvre existe. Ce dispositif s’appuie sur le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité (PCSCS). Sans lui la zone CFA n’aurait pas tenu car comme chacun sait, celle-ci est loin d’être une zone monétaire optimale. Je partage ton attachement au panafricanisme ; je pense seulement qu’il est souvent plus proche qu’on ne le pense.
"Sous-évaluer le franc CFA"
J’aimerais enfin rebondir sur la très pertinente remarque que tu as faite concernant l’impossibilité de « sous-évaluer » le FCFA. Cette question est majeure et pourrait occuper tout un article. Je vais tenter d’exposer brièvement ma position à ce sujet.
D’une part le système monétaire international étant bipolaire, toutes les monnaies sont plus ou moins ancrée soit sur l’euro soit sur le dollar. C’est le cas Yuan dont la valeur est fixe par rapport à un panier de monnaies où le dollar occupe une place prépondérante. Donc dans les faits, aucun pays ne peut se permettre d’opérer des dévaluations compétitives, quand bien même leur parité n’est pas strictement fixée. On ne peut ainsi pas attendre d’un FCFA autonome de telles politiques de dévaluation.
Ensuite, la thèse de la surévaluation du FCFA repose sur le fait que l’euro est fort. Or, l’euro est tantôt fort tantôt faible. De plus, un euro fort fait perdre de la compétitivité aux pays de la zone CFA par rapport aux pays hors de la zone CFA et hors zone euro ; autant dire une infime partie des échanges des pays de la zone CFA.
En fait, cette thèse de la « surévaluation » du FCFA ne n’aura de poids que lorsque les échanges avec l’Asie se seront fortement développés. Mais on n’y est pas encore.
Messieurs je rebondis sur votre discussion, fort intéressante, tout en cherchant également quelques éclaircissements.
Je suis tout à fait d’accord avec toi Lirashe lorsque tu avances les effets du Franc CFA sur l’économie réel. Cela me permet d’introduire une courte réflexion légèrement en contradiction avec l’article.
Tout comme toi Tidiane, je pense qu’il ne faut pas cristalliser tous les maux de l’Afrique sur le Franc CFA, ni voir ce dernier comme un nouvel instrument de domination occidentale. Néanmoins je constate –comme tu l’as parfaitement expliqué dans l’article et comme l’a développé Lirashe- que les critères institués dans les banques centrales de la zone CFA laissent à penser que c’est bien une politique monétaire « de rigueur » qui est appliquée. (recherche d’une inflation faible, taux d’intérêt élevés etc.). Ces critères sont, à quelques éléments près, les mêmes que ceux institués par la BCE pour les pays appartenant à la zone Euro. Or, la situation économique des pays de l’UE est-elle la même que celle des pays de la zone CFA ? Par la création de monnaie et la baisse des taux d’intérêt, on pourrait, éventuellement, observer une croissance par la consommation dans des pays où l’économie est en berne. Je ne peux m’empêcher de penser que ces critères calqués sur ceux de l’Europe sont un frein à la croissance, bien que tu aies établi les risques d’une politique inverse.
Cela dit je suis en accord avec ta conclusion qui cherche à nuancer les bienfaits de l’autonomie financière. On oublie trop souvent que d’un point de vue purement technique c’est une chose très difficile à obtenir; aujourd’hui plus qu’hier encore. Le Triangle d’Incompatibilité de Mundell montre bien que l’on ne peut mener de front les combats pour la stabilité du taux de change, le libre mouvement des capitaux et l’autonomie des politiques monétaires. Il semblerait utopique et inutile de penser revenir sur le principe de libre mouvement des capitaux quant à la stabilité du taux de change –tu l’as montré dans l’article- elle est un élément crucial. C’est l’autonomie des politiques monétaires qui est sacrifié aujourd’hui et pas uniquement en zone CFA.
Néanmoins une question, peut-être bête, me taraude : Que la France gagne-t-elle à assurer la convertibilité illimitée du FCFA en Euro à taux fixe ? Dans ton explication, tu nous dis que cela est très bénéfique pour les pays de la zone CFA et que même les dépôts sur le compte d’opération du Trésor Public français n’entraînent en rien un contrôle même partiel de la France sur la zone CFA. Quel est donc l’intérêt pour la France de permettre cela ? En évacuant les raisons altruistes qui caractérisent les relations de la France avec le Continent Noir…
Le contrôle de l'inflation, un critère de fait
Je partage complètement ta position Giovanni, la politique monétaire peu accommodante que l’on est contraint de mener en zone CFA est un véritable problème. C’est l’un des motifs économiques premiers qui me fait dire qu’il faut une monnaie unique africaine ayant une parité dont la fixité ne soit pas irrévocable. Par contre, je pense qu’il est important de préciser que la politique monétaire de limitation de l’inflation en zone CFA n’est pas inscrite dans les statuts de la BCEAO ou de la BEAC.
En fait, c’est assez subtil. Si jamais le différentiel des niveaux des prix dans la zone CFA et dans la zone euro venait à ne plus refléter le différentiel des valeurs du FCFA et de l’euro, alors il faudrait réajuster le taux de change entre les deux monnaies. Ainsi, c’est une contrainte économique et non politique qui oblige les banques centrales d’Afrique francophone à mener cette politique de restriction monétaire continue.
Qu’y gagne la France ?
A mon sens (mais on complètera si j’oublie des éléments), les intérêts de la France à maintenir le système CFA en place sont de trois ordres :
1) Géopolitique. En tant que bien social, une monnaie est un objet culturel. Ainsi, si la France à un pouvoir sur le FCFA, elle bénéficie d’un Soft power plus important. De plus, l’émission de monnaie étant un des pouvoirs régaliens, la France s’approprie des parcelles de souveraineté hors de son territoire.
2) Commercial. La parité fixe pousse les pays de la zone CFA à commercer prioritairement avec les pays de la zone euro (et plus particulièrement, la France) qui représentent plus de 50% de leur commerce extérieur. Cela malgré le dynamisme des pays asiatiques, des pays de la zone dollar ou des capitalistes russes.
3) Monétaire. Dans le système monétaire international bipolaire actuel, l’euro continue de jouer le rôle de numéro 2. Il est une monnaie d’ajustement par rapport au dollar. Si ce dernier doit monter, les agents vendent leurs euros (respectivement, une baisse du dollar suscite un achat d’euro). Ceci résulte essentiellement du fait que l’euro est moins utilisé dans le monde pour les transactions et moins conservé en termes de réserves de change. Il faut donc étendre son influence le plus possible pour pallier ce problème.
Merci Tidiane pour cet article dépassionné, technique et très instructif!
Tu y évoques à un moment l'éventualité de la sortie de pays tels que la Gabon et le Cameroun de la zone franc CFA car ils sont créditeurs là où d'autres pays sont plutôt débiteurs structurels. S'agit-il d'une hypothèse d'école ou peut-on réellement envisager la sortie de ces pays de la zone CFA?
Simel, il n'est malheureusement pas impossible que ces pays décident de quitter la zone CFA, en tout cas au moins pour ce qui est du Gabon. En effet, les pays les plus à même d'avoir leur propre monnaie sont ceux qui disposent d'importants flux (entrée, sortie) de devises locales et étrangères. C'est le cas du Nigéria (Pétrole) et du Ghana (Or et Pétrole, récemment). Le Gabon, grâce au pétrole peut être classé dans la même catégorie que ces pays là.
C'est un article très édifiant Tidiane. La question que je me pose est la suivant : mêmes si ces pays connaissent d'importants flux, quels avantages auraient-ils à créer leur propre monnaies et ce, en tenant compte du fait qu'il risqueraient de s'enfermer sur eux mêmes?
En outre, on a vu que la monnaie commune était un excellent outil de développement régional et qu'il est quasi impossible de prétendre se développer tout seul. Pourrais-tu m'éclairer la-dessus?
j'aime bien ta facon tres decontractée de presenter un sujet aussi rebarbatif que la monnaie….. tu as bien raison d'enoncer que "la BCEAO et la BCEAC peuvent mener des politiques…." mais la verite est qu'elles n'en font rien. si les reserves par rapport au tresor Francais, depuis l'avenement de l'euro, sont institutionnelles, il n'en reste pas moins qu'elle ne les sont quâ un certain niveau..et rien donc ne les interdit d'utiliser le surplus pour financer leurs economies et celles d'autres pays africains….
Peur Ou Mains Liees ? c'est en tout cas de la lâcheté que de devoir toujours compter l'étranger pour financer l'économie nationale…même les microfinancements qui font fureur proviennent de fonds américains le plus souvent.
s'ils n'osent pas tant utiliser leur prérogative de politique monétaire, on n'a qu'a embaucher un directeur exécutif sur appel d'offres international… le ridicule de cette demarche ne tue plus, quand meme !
je me rappelle que vers les annees 1985, un des assistants de la faculte des sciences économiques de dakar, SEMEDO, preparait une these de doctorat sur un systeme de changes fluctuants au sein de la zone franc… je n'en ai plus aucune idee.
cordialement….
bonsoir, je trouve votre discussion très intérressante, mais il y a plusoeurs de divergences que j'aimerai partager. Tout d'abord, je ne suis d'accord avec le fait que pour que les pays membres de la zone franc CFA connaissent un véritable developpement, il suffit juste de sous-évaluer notre monnaie afin de la rendre plus compétitive pour prendre l'exemple de la chine… Je ne dirai pas non plus que le franc CFA est la cause de tout nos maux en Afrique depuis l'avenement de nos indépendances respectives, mais nous savons tous que pour construire une économie durable et compétitive, tout pays dit indépendant doit jouir de sa souvéraineté monnétaire afin de permettre de mieux financer les projets socio-économiques de sa nation….. Or, ce n'est pas le cas avec le franc CFA, car en donnant notre souvérainété monnétaire à la France, nous nous assujetissons de leurs lois et par conséquent, ils peuvent décider de soutenir ou d'écarter des projets cruciaux pour le développement économique de notre zone.
Quel pays au monde est-il devenu émergent en confiant plus de 50% de sa valelur monnétaire à une puissance extérieur(pour notre cas, on dira ex-colonisateur)? Quel pays au monde est devenu émergent en confiant sa souvéraineté monnétaire à une puissance extérieur? Faut il rappeler que les pays du magrheb (Tunisie,Maroc, Mauritanie, et Algérie) étaient membres de cette zone et l'on quitter de peur de subir des dévaluatrions monnétaires arbitraires qui n'ont jamais rien montrer de compétitives mais plutôt de soumission et aujourd'hui sont 3 fois plus développer que nous… Et la France collabore plus et mieux avec exu que nous (pays membres de la zone franc CFA)