Le premier « Festival de Cinéma Africain de Ouagadougou » vit le jour en 1969 grâce à la volonté et à l’engagement d’amoureux du 7ème art, parmi lesquels Alimata Salembéré, François Bassolet, Claude Prieux et un certain nombre d'illustres anonymes. Rebaptisé FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou) en 1972, le FESPACO s'est très vite hissé au rang du plus grand rendez-vous du cinéma d'Afrique francophone. Trois objectifs sous-tendent cette manifestation : 1/ Favoriser la diffusion de toutes les œuvres du cinéma africain ; 2/ Permettre les contacts et les échanges entre professionnels du cinéma et de l'audiovisuel ; 3/ Contribuer à l'essor, au développement et à la sauvegarde du cinéma africain, en tant que moyen d'expression, d'éducation et de conscientisation. En vingt-trois éditions réalisées en 44 ans, le FESPACO n’a cessé de grandir et de gravir les échelons avec au moins une innovation à chaque nouvelle édition. Il a grandi en quantité avec l’augmentation du nombre de films dans les compétitions officielles et du nombre de festivaliers ; il a grandi aussi en qualité avec l’émergence d’une génération « caméra» faisant de cet art une véritable vitrine d’exposition de tout le savoir-être et le savoir-faire africain.
Cette 23ème édition s’est inscrite dans la dynamique des précédentes bien que marquée par une crispation sécuritaire et l’hésitation de certains festivaliers, du fait du conflit voisin au Nord Mali. Tenu sous le thème de « Cinéma africain et politiques publiques en Afrique » le FESPACO à attribué 6200 accréditations et a présenté 101 films provenant de 35 pays d’Afrique et de sa diaspora dans la compétition officielle et 68 films hors compétition. Dans la catégorie « fiction-long métrage », où est décerné l’Etalon d’or de yennenga, la plus haute distinction, 20 films étaient en compétition.
Samedi 23 février 2013, dans un stade du 04 août loin de ses grands jours, le public a assisté à une cérémonie d’ouverture très sobre. La soirée avait pris pour thème « Wakatt (le temps) ». A travers une représentation chorégraphique bien enlevé, les spectateurs ont pu voyager dans le temps à la découverte du patrimoine culturelle antique et contemporain de l’Afrique. Les artistes musiciens n’étaient pas en reste. Flavour du Nigéria a le plus égaillé le public avec son « ashao». Il a pu faire bouger les premières dames Chantal Compaoré du Burkina et Sylvia Bongo du Gabon (pays invité d’honneur à cette édition) présentes dans les tribunes. Des artistes nationaux tels que Grèg et Sana Bob on également apporté leur touche à la soirée.
Le MICA (Marché International du Cinéma et de la Télévision Africains)
Le MICA est sans doute l’espace le plus stratégique et le plus intéressant pour les spécialistes du 7ème art. Il s'agit d'un espace professionnel de vente et d’achat des œuvres cinématographiques et vidéographique. Mais c'est avant tout un cadre de rencontres, de promotions et d’échanges ouvert aux aux professionnel du cinéma du monde entier. Installé à l’hôtel Azalai, ce marché a permis à des centaines de réalisateurs, de comédiens, de techniciens de la télévisions, de producteurs, de promoteurs et d’administrateurs du cinéma…de se rencontrer, de se parler, de partager leurs expériences et de faire de bonnes affaires.
Les espaces de rencontre
Initier pour la première fois à l’édition de 1973, les espaces de rencontres du FESPACO sont une véritable tribune d’expression pour les professionnels du cinéma. Organisés sous forme de colloque, ils permettent de mener des réflexions approfondies sur le thème du festival et sur d’autres thèmes parallèles. Pour cette année, c’est le Comptoir Burkinabè des Chargeurs (CBC), qui a accueilli les 26 et 27 février derniers les spécialistes du cinéma africains autours du thème central « cinéma africain et politique publique ». Quatre table-rondes ont détaillé cette thématique : « état des lieux des politiques publiques d’aide aux productions cinématographiques et audiovisuelles dans les pays africains » ; « Du constat à l’action : la contribution au niveau communautaire et des institutions » ; « Du constat à l’action : les solutions au niveau des Etats» ; « Du constat à l’action : la contribution des institutions financières/l’axe juridique ». Ces table-rondes ont été l'occasion de scruter à la loupe les maux qui minent le cinéma africain. Le constat phare qui en est ressorti est que les Etats Africains ne s’impliquent pas assez dans l’émergence et le développement du 7ème art. Pour plus de visibilité et de compétitivité sur le marché mondial, l’industrie du cinéma doit donc être renforcée en qualité et en quantité, à l’image de ce qui se fait en Afrique du sud et au Nigéria, pays qui ont un train d'avance en Afrique sur ce sujet. Comme à chaque clôture des colloques du FESPACO, des doléances ont été formulées pour qu’en ambassadeur du cinéma, chaque participant en soit le relais dans son pays.
De la première édition à la présente, les pays africains se sont succédés sur la plus haute marche du podium à la conquête de l’étalon d’or de Yennenga, la plus prestigieuse des récompenses. Crée en 1972, ce prix reste la convoitise de tous les cinéastes. Le premier trophée fut remporté par le célèbre réalisateur Nigérien Oumarou Ganda avec son film « Le Wazzou polygame ». « PEGASE » du réalisateur Marocain Mohamed MOUFTAKIR avait suscité en son temps bien des frissons et conquit le cœur du jury à la 22ème édition. Pour cette année l’Etalon en galopant a pris la direction du pays de la Téranga. Alain Gomis vient d’inscrire son nom au panthéon des plus grands cinéastes d’Afrique avec son film « Tey » (aujourd'hui) sacré Etalon d’or de Yennenga. Il empoche la coquette somme de dix millions de franc CFA plus le trophée remis des mains du président Blaise Compaoré. Pour sa première, le Sénégal rentre dans le palmarès de l’Etalon de Yennenga avec la manière puisque « La pirogue » de Moussa Touré a remporté l’Etalon de bronze. Le FESPACO 2013 aurait donc été très fructueux pour le Sénégal. Quant à l’Etalon d’argent, il a pris le chemin de l’Algérie avec le film « Yema » de Djamila Sahraoui.
Les défis à relever
La maturité du FESPACO dans le circuit des plus grands festivals de films africains est avérée. Mais des défis énormes restent à surmonter. Ainsi par exemple de la question épineuse du site siège de l'évènement, dont les travaux peinent à s’achever. Le 15 janvier dernier un incendie dévastateur a réduit en cendre la cinémathèque en construction. Des décisions concrètes et définitives doivent être prises pour que cette infrastructure soit livrée dans sa totalité avant l’édition prochaine. Il en va de la crédibilité de la manifestation. Aussi les Etats africains manquent de politique réelle de cinéma laissant les réalisateurs et tous ceux exerçants dans ce domaine face à eux même et obligés de se battre doublement pour faire valoir leurs idées. Des orientations dans ce sens sont donc très attendues par tous. C’est ce que semble comprendre les responsables culturels africains, d’où le thème de la présente édition «Cinéma africain et politiques publiques ». La Cote d’Ivoire, fortement représentée à Ouagadougou, a décrété 2013 comme année du cinéma et le Gabon invité d’honneur a annoncé une panoplie de mesures pour le cinéma Gabonais. Il faut espérer que ces initiatives aideront à répondre à la première des préoccupations des réalisateurs et des producteurs, le financement. Le FESPACO doit enfin constituer un tremplin, une couverture pour tous les acteurs du cinéma. Il est panafricain, comme son nom l’indique, mais la dénomination doit être à la hauteur des ambitions. Soutenir, former, motiver…tous les acteurs du cinéma africains doit devenir le leitmotiv central de la manifestation. Bon vent au FESPACO et vive le cinéma africain.
Ismaël Compaoré
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