Au moment où les partenaires historiques de l’Afrique conduisent des études approfondies sur le devenir de notre continent pour développer de nouvelles stratégies d'approche dans leur coopération comme en témoigne cette étude menée par le Sénat français intitulée « l’Afrique est notre avenir », en Afrique, les gens s’attardent le plus souvent sur des imbroglios politiques, des privilèges personnels, des conflits armés sans se soucier du rôle stratégique et important que le continent est censé jouer sur l'échiquier international. Même si aujourd’hui, les dirigeants africains prennent de plus en plus conscience de cet état de fait et tentent de prendre des initiatives au niveau des instances telles que l’UA, la CEDEAO, l’UEMOA, il n’en demeure pas moins que beaucoup d’efforts restent à fournir pour donner au continent africain la place qu’il mérite au plan mondial.
Historiquement, il apparait bien qu'après les indépendances, les dirigeants africains aient raté le départ pour baliser le chemin du véritable développement de l'Afrique malgré qu’ils soient intellectuellement bien formés et que le continent regorge de ressources naturelles importantes. Au niveau continental, ils n'ont pas pu mettre en place des plans de relance économique basés sur des orientations claires et patriotiques comme le fut le plan Marshall qui a reconstruit l'Europe après la seconde guerre mondiale. Pourtant, ils avaient des arguments de taille pour réclamer cela après plusieurs années d'esclavage et de colonisation. Les quelques rares dirigeants qui ont tenté d'imprimer leur marque pour développer leur pays (Thomas Sankara du Burkina Faso, Julius Nyerere de la Tanzanie, Patrice Lumumba du Congo-Kinshasa, Anouar El Sadate de l’Egypte, entre autres) , ont été vite bloqués dans leur élan, voire éliminés avec la complicité de leurs compatriotes. Il est difficile de comprendre que l'Afrique reste à la traîne avec ses énormes réserves de ressources naturelles et la force de sa population jeune au moment où des pays comme la Chine, la Corée, le Japon et d'autres qui, il y a quelques années étaient derrière beaucoup de pays africains, se retrouvent aujourd'hui dans le cercle restreint des géants du monde.
Rejoindre l’Eldorado au prix de sa vie
Aujourd'hui, des milliers d'Africains tentent de quitter le continent souvent clandestinement pour rejoindre l'Europe, car ils n'ont peut-être pas espoir de vivre décemment dans leur pays. Prenant des chemins périlleux, ils meurent souvent dans des conditions désastreuses. Pourtant, ce continent qu'ils sont en train de délaisser, est l'avenir de ces pays qu'ils considèrent comme des eldorados. Cela peut être compris car ces Africains n'ont pas les outils nécessaires qui leur permettent d'anticiper sur le devenir du monde. Ils ne savent pas que l'Afrique peut constituer le continent de demain. Mais, sous un autre angle, c'est aussi la faute de certains dirigeants ou de personnes avides de pouvoir. Animés par leurs propres intérêts, ils entretiennent des conflits armés ou détournent pour leur propre compte le peu de richesse créée, ou d’aide venant de l’extérieur, empêchant les populations civiles de vivre dans les meilleures conditions dans leur pays. Au moment où des entités étatiques cherchent à s'unir pour être plus fortes dans un monde globalisé, des démons de la division au nom de l’ethnicisme, de la religion, de l’espace géographique, cherchent toujours à créer l’adversité entre des peuples frères semant le chaos et la mort. Au fond, ces conflits ont souvent d’autres soubassements, notamment la question de l’accaparement des ressources minières ou pétrolières.
Dans ce climat délétère, d’autres personnes peut-être plus « intelligents » en profitent pour davantage s’enrichir. Et la conséquence est que des populations tentent de fuir leur pays pour trouver ailleurs la paix et le bonheur. Justement, cet eldorado est l’Europe. Sur les chemins des migrations, ils sont pris entre deux feux : les conflits et la misère dans leur pays d’origine et les barrières frontalières de l’Europe. Il est urgent de résoudre ces erreurs du passé et du présent pour véritablement se projeter vers l’avenir. Les dirigeants africains doivent poser les jalons d’un véritable développement en se basant d’abord sur les atouts, les intelligences du continent avant tout appui extérieur. C’est le seul moyen de permettre à ces millions de populations africaines de rester dans leur pays et garder espoir de voir leurs conditions de vie changer positivement.
Des initiatives et des changements encourageants
Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) est une très bonne initiative. Même si ce sont des élites africaines qui l’ont initié et démarré, il n’en demeure pas moins qu’elle a besoin de l’accompagnement des bailleurs de fonds (Banque mondiale, FMI) et des pays développés, notamment ceux historiquement liés à l’Afrique. Ceux-ci doivent appuyer davantage ce programme quitte à en faire un plan Marshall pour l’Afrique. C’est un devoir de mémoire pour l’Europe dans sa grande majorité d’accompagner activement le développement de l’Afrique avec désintéressement. Il faut admettre que l’Afrique, compte tenu de tout ce qu’elle a subi dans le passé, est dans ses droits de solliciter l’aide internationale pour financer ses programmes de développement. Et, les conditions assujetties à cet appui ne devraient nullement être liées à des chantages économiques contraignants motivés par des intérêts crypto-étatiques, mais plutôt à des obligations de résultats, de respect de la bonne gouvernance, de la démocratie et de l’amélioration des conditions de vie des populations.
Depuis longtemps, il semble indiquer que certains pays développés, avec la complicité souvent inconsciente d’une classe d’élites africaines, cherchent à maintenir l’Afrique dans une situation de dépendance récurrente pour entretenir leurs privilèges sur le continent. Ils hésitent encore à faciliter un développement rapide du continent, et donc une émancipation socioéconomique, alors que les populations africaines y aspirent de plus en plus. D’ailleurs cette volonté de changement positif se ressent autant chez les citoyens africains que chez ceux du Nord. De plus en plus des citoyens du monde entier tissent des relations en dehors de toute incursion des pouvoirs publics. Ce rapprochement des peuples découle d’une volonté de briser les frontières habituelles pour développer un monde de communion, de partage et de solidarité. Les élites de tous bords doivent donc prendre cet exemple pour construire un développement homogène et une paix sociale.
Evidemment, il s’avère que devant l’ampleur des problèmes de l’émigration clandestine, la morosité économique, et la menace de la force économique des nouveaux pays émergents (Brésil, Inde, Chine), les partenaires historiques de l’Afrique sont contraints de revoir leurs programmes de coopération avec le continent. Il y va de leur intérêt d’accompagner un développement rapide de l’Afrique afin que des questions lancinantes, en particulier l’immigration clandestine puissent être résolue.
L’Afrique, à la croisée des chemins
Aujourd’hui, l’Afrique est à la croisée des chemins. Ses dirigeants doivent savoir saisir la balle au bond et corriger les erreurs du passé. Avec la mondialisation, nous avons besoin l’un de l’autre pour exister et maintenir un certain niveau de vie. C’est pour cela que les nouvelles relations de coopération sont bâties sur le gagnant-gagnant. Mais, tout se base sur les capacités intrinsèques de négociation à préserver ses intérêts dans le respect de l’autre.
Les visites fréquentes sur le continent de chefs d’Etat des pays développés et émergents durant ces dernières années témoigne encore de ce regain d’intérêt pour le continent Africain. L’Afrique est le continent de demain, c’est une réalité qui se dessine au fur et à mesure sur la marche du continent. En effet, de plus en plus de pays africains développent des capacités économiques dynamiques. D'après un rapport de l'étude Africa Attractiveness publiée par le cabinet de conseil Ernst & Young, la part mondiale des Investissements directs à l'étranger (IDE) à destination du continent africain est passée de 3,2% en 2007 à 5,6% en 2012. Selon les prévisions, la croissance africaine doit atteindre 4% en 2013 et 4,6% en 2014. Egalement, il est noté dans le rapport que l’investissement des marchés émergents en Afrique a encore augmenté en 2012, poursuivant la tendance des trois dernières années. Ainsi, les plus grands contributeurs des marchés émergents sont l’Inde (237 projets), l’Afrique du sud (235), les Emirats arabes unis (210), la Chine (152), le Kenya (113), le Nigéria (78), l’Arabie Saoudite (56) et la Corée du Sud (57). Ils sont tous classés parmi les 20 plus grands investisseurs sur cette période.
Cependant, les populations à la base disent souvent qu’elles ne voient pas encore les retombées de l’exploitation de ces ressources. Alors, il s’avère important que les dirigeants africains puissent assurer une redistribution plus équitable des ressources financières générées afin d’avoir un développement économique harmonieux et homogène. L’Afrique doit enfin faire valoir ses capacités et ses atouts pour s’inscrire sur une pente ascendante. Certes, il y a les prémisses d’un redressement économique, mais il existe toujours des fossoyeurs de la paix et du développement qui servent leurs propres intérêts, empêchant le continent d’aller de l’avant. Pour barrer la route à ces forces négatives, les élites et les populations, conscientes des enjeux de développement doivent unir leurs forces et prendre des mesures pouvant tordre la main à ceux-là. C’est le moment pour l’Afrique de baliser le chemin du véritable développement et sortir les populations de la misère.
Mamadou NDIAYE
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c'est tout simplement edifiant.