« Si nous ne devons pas réussir, vienne l’Apocalypse !»
L’aventure ambiguë, Cheikh Ahmidou Kane

Je défie quiconque de trouver la moindre trace d’altruisme, de sincérité ou d’idéalisme dans le parcours glacé, calculé – et au passage assez sanglant – de l’ancien Président de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire. Pour la rédaction de Jeune Afrique, ce n’est pas très important. Ce qui compte, c’est la finalité, les résultats. Il suffit pour cela de constater la méprisable extase de ces « journalistes » devant le succès du bonhomme ! Saint-Soro n’a pas pris de vacances en cinq ans (c’est lui qui le dit)! Quelle aventure : chef de rébellion à 29 ans, ministre d’état à 30, premier ministre à 34 ans, président de l’Assemblée nationale à 39. Si tout va bien et qu’Alassane Ouattara arrive au bout de ses deux mandats (rien que ça), Guillaume Soro n’aura que 48 ans en 2020.
Qu’il ait pris la tête d’une bande armée qui sema la mort dans la moitié de son pays, n’est que la preuve de sa détermination à « sauver » celui-ci. Qu’il ait abondamment trahi et comploté afin de s’assurer un pouvoir sans partage au sein de cette rébellion (au point où – et Jeune Afrique frétille d’excitation devant le scoop – c’est par son propre vouloir, unique et autoproclamé, que Guillaume Soro, au lendemain de la « bataille d’Abidjan » se refuse à prendre le pouvoir et le laisse à Alassane Ouattara) est signe de son sens politique et de son respect de l’ordre constitutionnel. Qu’il ait Blaise Compaoré comme mentor est le signe qu’il réussira. On croît rêver.
Jusqu'au cynisme implacable avec lequel, Guillaume Soro analyse les décisions de la CPI, tout émerveille la rédaction de Jeune Afrique : « La CPI va juger Jean-Pierre Bemba ; elle n'a pas, que je sache, mis en cause Joseph Kabila. » quelques lignes plus loin, le commis d’office qui signa le papier ajoute « Serein peut-être mais aussi préoccupé, l'ancien chef de guerre sait que, dans la pire des hypothèses, Alassane Ouattara ne le lâchera pas. On le sent pourtant désireux d'être au plus vite soulagé de ce qui apparaît comme une sourde menace, histoire qu'elle ne vienne pas s'immiscer en travers de son destin. » On sent la plume qui frétille quand le gratte-papier cède au lyrisme (au sujet des ambitions présidentielles du nouveau président de l’Assemblée Nationale) : « cette ambition, naturelle chez un homme aussi jeune, aussi brillant et avec un tel parcours, n'a rien d'illégitime » Et c’est écrit sans second degré. Sur son élection au perchoir (236 votes sur 249, vive le pluralisme), le « jeune homme brillant » conclut en toute modestie : « Quant aux treize députés qui se sont abstenus, je les remercie. L'unanimité aurait été embarrassante. » Je n’invente rien, tout est tiré des pages de Jeune Afrique. On est partagé entre le rire et la gêne.
Chacun peut penser ce qu’il veut de l’aventure personnelle de Guillaume Soro. Dans les rangs même de TerangaWeb (et c’est une vieille polémique), il en est qui considèrent que c’est le parcours d’une jeune homme ambitieux, courageux et tactique, qui comprit très vite que dans le contexte ivoirien de la fin des années 90, la voie radicale était la plus sûre, pour quiconque nourrissait une ambition politique. En cela, son évolution personnelle n’est pas si éloignée que ça, de celle d’un Blé Goudé, par exemple : « Forces Nouvelles » contre « Jeunes patriotes ». Au passage, tous deux sont issus des rangs de la Fesci. Soit. Mais de là à décrire ce parcours comme l’accomplissement d’un sacerdoce, comme une responsabilité imposée, presque par défaut, à un jeune homme désintéressé dépasse l’entendement. Mais cela ne m’étonne qu’à moitié du journal qui publie les très oubliables chroniques de Fouad Laroui.
Je sais par expérience, à quel point il est difficile de trouver un bon titre. C’est tout un art. En général, il faut un rédacteur en chef assez efficace pour faire comprendre au journaliste que « Je hais l’Islam, entre autres » est meilleur que « Quelques considérations sur la question musulmane dans la France contemporaine. » Référence, pour référence et sauf mon respect pour les très honorables scribouillards de la rue Hoche, « L’aventure ambigüe de Soro Guillaume » correspondrait mieux à la réalité que « le fabuleux destin de Soro Guillaume »
En attendant, qu’on me pardonne de ne pas me prosterner, ébaubi par la "destinée" fulgurante de Guillaume Soro . A 35 ans, il était ministre d’Etat ? A 35 ans, un de mes oncles fut abattu froidement par les membres des Forces Nouvelles de Guillaume Soro "Chef de Guerre", parce qu’il souhaitait protéger notre résidence ancestrale du pillage.
Joël Té-Léssia
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Bravo pour la maîtrise des références littéraires et cinématographiques ! Tout à fait d'accord sur ton titre, bien plus approprié que "le fabuleux destin…". On aurait également pu penser à "l'étrange destin de Wangrin", mais le destin du jeune Soro est toujours en cours, et on peut lui souhaiter une fin moins misérable que celle de Wangrin… Non décidement, c'est évident, l'aventure ambigue est le terme qui s'impose.
Sans vouloir paraître cynique, les chemins tortueux que se plaît à emprunter Soro mènent souvent vers une fin misérable à la Wangrin. :/
Très belle plume, mise au service d'un engagement noble, cela donne un article génial, un cocktail explosif… Loin de l'équilibrisme habituel auquel l'auteur nous avait habitué quand il s'agit de la CI (Lol), cet article est un véritable pavé jeté dans la mare d'une certaine intelligentsia qui veut nous imposer des fabuleux destins là où se trouvent des aventures ambiguës et surtout mortifères… Merci Joël!
Merci pour ce billet fort bien écrit et loin des déclarations pudiques de la presse au sujet de Guillaume Soro.
Cela dit je pousserais plus loin sur le terme "ambiguë"… parce qu'il n'y a pas véritablement d'ambiguité sur la personnalité, ni sur l'aventure très discutable de ce jeune homme. Les faits sont là, les preuves également.
Vous même avez égrainé son parcours et clairement dépeint ses forfaitures. Je considère de ce fait que le portrait de cet "hyper gouvernemental" est complet et ne souffre d'aucun doute aujourd'hui. Sa situation à l'assemblée nationale le sort un peu de la ligne de feu hypocrite de la communauté internationale, tout en lui garantissant un pouvoir et une main forte sur les affaires de l'état.
Au delà des crimes commis sous sa responsabilité, qui seront couverts encore longtemps, interrogeons nous sur la légitimité de sa situation actuelle. Une place de président d'institution qu'on lui a offert hors du respect de la constitution. Un monsieur qui n'a jamais été député! Sans doute qu'on y aurait réfléchi plus d'une fois si l'assemblée avait intégré également les composantes de l'opposition.
Très bien inspiré!!!
Bravo…
Merci de m'avoir ouvert les yeux sur le "niveau" (si tant est qu'on puisse utiliser le terme niveau enfin bref) éditorial du journal Jeune Afrique qui je le crois n'est un hebdomadaire que de nom.
Ceci étant dit je pense que ton article bien que très factuel reste très en deça des horreurs et forfaitures dont se rendent et se sont rendus coupables Soro Guillaume le prodige et sa clique d'analphabètes sanguinaires que je m'abstiendrai de nommer. Je m'en contente cependant au vu des louanges -dont la pertinence est inversément proportionnelle au lyrisme- que certains autres analphabètes (qui s'ignorent cette fois) se sont crus en droit d'adresser à notre cher Héros.
Bref tout ceci pour dire qu'au contraire de ce que Stéphane mentionnait un jeu d'équilibriste a quand meme été tenté notamment lors de la mention de Blé Goudé et de ses patriotes qui s'ils sont issus également de la FESCI n'atteignent pas encore les profondeurs abyssales de barbarie et d'ignorance de Soro G & Co.
Merci tout de meme pour cet article…
Je ne pense pas que l'on vous demande de vous ébahir devant la trajectoire fulgurante de G. Soro mais d'essayer d'être objectif et de nous dispenser des phrases du genre : "A 35 ans, il était ministre d’Etat ? A 35 ans, un de mes oncles fut abattu froidement par les membres des Forces Nouvelles de Guillaume Soro "Chef de Guerre", parce qu’il souhaitait protéger notre résidence ancestrale du pillage." qui de fait annule tout votre raisonnement qui dès le départ était d'ailleurs poussif.
Mon avis est que lorsque les historiens se pencheront sur ce que vous appelez la rébellion ivoirienne ils la requalifieront de résistance.
Je ne vois pas comment on peut vouloir la réconciliation de son pays et continuer à remuer ces douleurs : il y a eu des morts dans tous les camps.
Pourtant la culture devrait permettre la clairvoyance. Vous pensez en avoir alors faites un effort …
@ Anna, il ne suffit pas de surligner le mot "résistance" pour que la sauvagerie, la barbarie et le caractère illégal de cette rébellion soient frappés du sceau de la vertu..! Si pour vous attaquer les symboles de l'Etat peuvent trouver une justification dans un pays où le parti au pouvoir n'est pas majoritaire à l'Assemblée, le gouvernement regroupe tous les partis y compris ceux de "l'opposition", les conseils généraux ne sont pas l'exclusivité du parti au pouvoir, etc… alors vous faites, au mieux, preuve d'ignorance de ce qu'est une République ou au pire d'une mauvaise foi qui frise le ridicule. Quelque soit le camp auquel vous appartenez, sachez que vivre ensemble en République nécessite un minimum de respect des lois et toute atteinte à l'Autorité de l'Etat doit être dénoncée. Il y va de la survie de nos jeunes pays..!
Quand on parle des amis, il est difficile de dire autre chose que du bien. Jeune Afrique ne s'est jamais posé de questions quant aux différentes étapes qu'a connu le conflit ivoirien. Ce qu'il peut dire de Soro n'engage que lui. Le jour où ce journal daignera s'interroger sur les raisons du piétinement du pouvoir de Ouattara, il aura au moins dirigé son regard dans une autre direction.
Le bon côté de l'intervention de @Anna, est que grâce à elle, l'article est parvenu à Guillaume Soro via Twitter. Le "brillant jeune homme" a conclu que l'article était… "manichéen" ; @Anna Gueye, quant à elle considère que je devrais "la fermer" : plus royaliste que le roi… En attendant, ayant fait usage de mon patronyme pour cet article on verra bien ce qu’il en découle comme conséquences. C’en est presque « excitant »… Sort of..
@Anna, l'exercice de la démocratie n'est pas chose facile, pour certaines personnes en particulier il est carrément impossible ce qui est malheureusement ton cas.Tu pourrais cependant faire preuve d'une certaine tenue de langage qui pourrait atténuer l'étalage de ton étroitesse d'esprit caractérisée. A des expressions telles que "la fermer", préférer d'autres telles que "je n'approuve pas". Ce sera certes difficile au début mais tu t'y feras enfin j'ose croire que tu en as les capacités.
Accroche toi ça ira…
@Joel aussi "manichéen" que pourrait être cet article et je pèse mes mots il ne peut en rien "rivaliser" avec le "chef d'oeuvre" dont nous ont gratifié les Jeunes Griots d'Afrique…On ne peut que s'en réjouir…
Oui je considère que lorsque l'on n'est pas capable de mettre de côté son " animosité " on se la ferme … Et puis, il faut arrêter de se la jouer : Guillaume Soro n’est pas assez idiot pour s’attaquer à toi parce que tu as écrit un papier qu’il trouve manichéen … Mais bon encore faudrait être capable de se rendre compte qu’il n’est pas du même niveau que les LKGistes ! Sur ce je vous laisse entre-vous – J Bonne chance pour la reconciliation.
On peut ne pas être d'accord et pourtant rester courtois. Vulgarité, agressivité, quand je lis Anna, j'ai l'impression de lire Morano … C'est dommage.
eh oui la poissonnerie n'est pas fermée!!
@ anna: « Je ne pense pas que l’on vous demande de vous ébahir devant la trajectoire fulgurante de G. Soro… »
je pense que ce texte fait tout sauf s’ebahir sur la trajectoire de GS. Au contraire il en denonce un autre qui fait cela.
« mais d’essayer d’être objectif et de nous dispenser des phrases du genre : « A 35 ans, il était ministre d’Etat ? A 35 ans, un de mes oncles… »
si raconter un fait n’est pas objectif et factuel, je ne voie pas ce qui l’est.
Bref, je ne connais ni l’histoire de l’auteur de ce billet, ni celle de anna ou de leur histoire commune s’il y en à une, mais ce que je constate, c’est que le commentaire de anna n’est ni objectif ni ouvert au débat.
soro finira mal si c est lui qui a marabouté ado
Soro guillaume doit etre à lahaye avec gbagbo et ble goude. C est lui qui tuait les baoulés et les agnis.