Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne a été récemment chargé par Macky Sall de conduire une réflexion sur la réforme de l’enseignement supérieur avec la mise sur pied d’un Comité de pilotage de la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNAES). Une de ses conclusions est que la difficulté de maitrise de la langue française constitue une sérieuse anomalie pour l’école sénégalaise. Cela repose la question de l’introduction des langues locales dans l’enseignement au pays de Senghor.
Invité, sur un plateau de télévision, à s’exprimer sur les conclusions de cette réflexion Souleymane Bachir Diagne a expliqué que la baisse du niveau d’enseignement au Sénégal était liée à la non maitrise par les élèves et étudiants de la langue de travail qu’est le français.
Dans l’établissement des causes de cet état de fait, il a avancé que le français n’étant parlé qu’à l’école – les jeunes sénégalais préférant parler les langues locales (le wolof notamment) en dehors- il se posait même, du fait de cette utilisation partielle, un problème d’identification et de maîtrise des connecteurs logiques et donc d’argumentation tant à l’écrit qu’à l’oral.
Deux parmi ses disciples de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Khadim Ndiaye et Thierno Gueye ont tenu à lui « répondre », dans un texte très démonstratif que « logique pour logique » si « l’élève ne performe pas en français. » et que « Le fait que l’élève ne parle que wolof (hors de la classe) » implique que« l’élève ne performe pas dans sa langue de travail (au point que les connecteurs logiques dans cette langue ne peuvent se mettre en place). » donc « Il faudrait que l’élève parle wolof au sein de la classe. »Autrement dit, il faudrait arrêter de n’insister que sur le français au sein de la classe ou l’élève ne réussira jamais assez bien ni dans sa langue maternelle, ni dans sa langue de travail.
Ils en arrivèrent à la conclusion que : « c’est peut-être en procédant au renversement que nous rechignons à opérer que nous réglerons la question du problème des connecteurs logiques de l’argumentation ainsi que celle de la baisse de niveau, tant en français que dans les autres langues étrangères éventuellement (à moins, bien entendu, de considérer que ces connecteurs n’existent pas dans les langues locales sénégalaises).»
Ndiaye et Gueye pouvaient d’autant plus apporter de l’eau à leur moulin qu’au mois de mars dernier, à liberté 6, un quartier de Dakar, une expérience pilote mêlant apprentissage en wolof et français, dans une classe de Cours d’Initiation a vu les enfants de cette classe avoir les meilleurs notes en français dans toute la circonscription, dépassant les autres élèves qui ne prenaient leurs cours qu'en français.
Au début des années 80 déjà, au Sénégal, une expérience similaire, à plus grande échelle, avait donné les mêmes résultats. Cependant les autorités de l’époque avaient préféré ne pas donner suite.
Contribuant à ce débat, la linguiste Arame Fall Diop est d’avis qu’on ne pourra parler de renaissance africaine que lorsque les langues indigènes seront promues. « A son accession à l’indépendance le Sénégal était au même niveau de développement que la Corée du Sud. L’un des facteurs explicatifs, bien entendu pas le seul, de l’écart que nous constatons entre les deux pays aujourd’hui, affirme-t-elle, est que la Corée, contrairement au Sénégal, a réalisé un travail de promotion de la langue coréenne pour en faire le moteur de son développement ».
L’économiste et philosophe El Hadj Ibrahima Sall préfère quant à lui mettre en garde contre ce qu’il appelle un « populisme à rebours ». Oui à l’introduction des langues nationales à l’école, dit-il, ne serait-ce que pour mieux communiquer entre Africains d’un même pays ou à l’échelle continentale mais non à l’idée d’aller, à l’état actuel des choses, jusqu’à enseigner des disciplines telles que les mathématiques dans les langues africaines. Pour lui, il y a tout un travail à faire dans la codification, la recherche, avant de nourrir de telles prétentions. Il évoque l'exemple de la Mauritanie, pays qui, du jour au lendemain, a abandonné l’enseignement du français à l’école pour lui substituer l’arabe contribuant ainsi à faire s’affaisser des pans entiers de son système éducatif.
Cette position de Sall caractérise ainsi une voix de la prudence donc contrairement à Arame Fall Diop qui souhaite voir les décideurs politiques tenter l’aventure car pensant que l’on a que trop attendu. Elle rappelle qu’en son temps, Cheikh Anta Diop avait déjà fait un travail de codification et sorti plusieurs publications (dans les revues de l’IFAN notamment) dans le sens de l’utilisation des langues africaines dans le domaine de la science ; travail qui, selon elle, n’a pas été exploité.
Elle assure que d’autres études réalisées par des structures comme l’Académie Africaine des Langues (ACALAN), sont aussi disponibles et prône leur application quitte à rectifier et améliorer certains aspects au fur et à mesure qu’avancerait l’expérience.
L’ACALAN, créé en 2001 et placé sous l’autorité de l’Union Africaine, a des objectifs qui vont du « renforcement de la coopération entre les États africains en matière de langues africaines » à « la promotion d’une culture scientifique et démocratique fondée sur l’usage des langues africaines » en passant par « le développement économique, social et culturel harmonieux des États membres basé sur les langues africaines et en relation avec les langues partenaires».
Des intellectuels africains ont déjà commencé, à leur niveau, à prendre des initiatives recoupant certaines de ces préoccupations. Le projet de l’écrivain Boubacar Boris Diop consistant en la publication d’ouvrages (tels son Doomi golo*) en langues nationales en est une illustration.
Terangaweb a été déjà montré l’engagement de certaines élites africaines à porter ce combat présenté de plus en plus comme un impératif de développement du continent. Il existe tout de même un vrai courant de scepticisme de la part de ceux qui craignent que l’écriture en langue locale devienne une méthode de repli identitaire notamment ethnique au détriment de l’usage des langues communes africaines comme le Swahili pour construire des ponts entre différents individus.
C’est peut-être pour tenter de pallier ce risque de communautarisme et d’enfermement relevé que l’homme politique et ancien diplomate sénégalais Ibrahima Fall propose de faire de l’enseignement des langues africaines, un outil d’intégration avec des sortes des cercles concentriques linguistiques. Avec cette méthode, le pulaar serait, par exemple, la langue enseignée dans toute l’Afrique de l’Ouest et le Swahili en Afrique de l’Est car étant les langues les plus parlées dans ces aires géographiques.
A défaut d’entamer une « révolution linguistique » par le bas, certains établissements d’enseignement supérieur proposent des programmes en langues nationales à leurs étudiants. C’est le cas de l’université Gaston Berger de Saint Louis où vient de s’ouvrir un département de « Langues et Cultures africaines ».
*Les petits de la guenon
Racine Demba
Sur le même sujet :
http://terangaweb.com/lecole-en-afrique-francophone-integration-ou-exclusion/
http://terangaweb.com/le-francais-est-un-frein-a-lalphabetisation-en-afrique-francophone/
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J'adhère et suis entièrement conscient de de l'importance de ce projet. Mais, je parle en terme d'outils et de moyens pédagogiques efficaces afin, de réaliser cette noble et utile mission… Qui, du reste est un besoin Vital dans le cadre de la réaprolpriation de notre culture et de nos valeurs Fondamentales. C'est un débat riche et intelligent qui demande un engagement intellectuel de Qualité.
I Rudy Sam
Les analyses posées et les ébauches de solutions ne sont pas mal. Une chose fondamentale a été soulignée c'est que l'école des autres est basée sur la culture de la passivité et de l'écoute. Attention toutefois à ne pas tomber dans le piège des raisonnements simplistes. Le problème n'est pas les connecteurs logiques de la langue des autres mais c'est l'aliénation et son lot de conséquences j'ajouterai que le plus gros problème est la déficience de l'enseignement en philosophie hors la philosophie est la mère de tous les savoirs. La vraie mutation consiste à abandonner les langues de travail imposées par les colons pour reprendre nos langues mais mieux encore bâtir notre paradigme intellectuel ainsi qu'écrire nos théories. Sans quoi nous passerons à côté du sujet et prendrons un mauvais virage en voulant bien faire.
La problématique des langues nationales est tout d'abord assujettie à une volonté politique. Arrêtons de trop théoriser dans le néant. L'émacipation de nos langues locales dépend exclusivement d'une révolution culturelle, permettant d'aboutir à un système socio-éducatif, susceptible d'alphabétiser et les populations à une plus large échelle, et aussi de scolariser à bon escient les "apprenants". Ce n'est pas à moi de vous apprendre ce qu'il faut faire! (Les spécialistes en la matière se sont maintes fois prononcés sur la question.)
Mais allez savoir, dans une système d'enseignement où il n' y a pas assez d'outils, de chaires, voire d'académie, pour structurer nos langues nationales, on prêche alors souvent dans le désert…
Bref! Ce qui m'intéresse véritablement sur cette question, est aux antipodes d'une simple tendance à instaurer un système d'alpahabétisation, voire d'initiation pré-scolaire et scolaire.
Mon traumathisme, si j'ose dire-(n'en déplaise ceux qui chantonnent que "le moi est haïssable")- c'est de voir des "têtes brûlées" jeter l'anathème sur la langue française un peu trop méchamment, souvent sans aucun argument digne de foi, pour la simple raison que le FRANCAIS leur rappelle le colonialisme.
Je ne vais pas répéter Senghor ou paraphraser certains intellectuels qui ont eu leurs mots à dire sur la question. En tout cas moi, en tant qu'auteur ayant découvert le goût-voire la démence- de l'écriture en langue française, j'ai du mal à m'en séparer, sous prétexte que nos populations autochtones sont illettrées ou analphabètes. L'écrivain, en tant qu'artiste-pour ne pas dire créateur- a d'autres préoccupations émotionnelles, psychologioques si vous voulez, par rapport à l'usage d'une langue académique, qui lui a fourni tous les modules d'apprentissage et de sa quête effrénée du SAVOIR.
Chaque auteur est libre par la suite d'aller en quête d'un nouveau souffle et écrire dans n'importe quelle langue de son choix! Mais de grâce, qu'on arrête de jeter l'anathème sur la langue d'HONORE DE BALZAC, sous prétexte que nos poulations et nos étudiants sont ignares et réfréctaires à cette langue!
Je suis convaincu que la problématique des langues locales dépend exclusivement d'une volonté politique. Que le Ministère de L'Education Nationale eT LE Ministère de L'Enseignement supérieure, secondées par celui de La CULTURE, initient des programmes de sensibilisation et assoient les bases d'un véritable système d'érudtion en la matière, avec les outils didactiques de recherche et d'initiation adéquats, et l'on verra que le processus de régularisation , de vulgarisation et d'application des méthodes de connaissance en la matière, se règlera tout seul…
Je crois que vous n’etes pas serieux d’ecrire un tel article .Soyons clair,si l’Afrique etait independante ,les etats coloniaux n’existeraient plus,nous aurions des etats ethnolinguistiques et les langues africaines seraient les langues officielles de travail ,les langues europeennes seraient à leur vraie place,des langues vehiculaires!.et là on pourrait parler de develoippement!en Afrique coloniale le but n’est pas le developpement ! Relisez vous,ce test a ete fait partout en Afrique ,il donne les memes resultats,mais bizarrement nulle part on ne passe à l’action, étrange non pour un continent qui soit disant veut le developpement?Bref arretez les “elites” “africaines” de nous prendre pour des cons, c’est vous qui passez pour des cons en faisant ça.
Maouhamadou Lamine Sonko, tu as vu tous tes fautes? Et avec ça tu te dit poète-écrivain, écoutez, soyons sérieux quand même, le français n’est pas notre langue, et puis c’est tout. Gueum leen seen bopp waay
Merci pour l'Article . Je sui en phase avec Mme Arame Fall pour dire que Cheikh anta diop avait écrit en wolof la therorie de la relativité d'Eisntein , des notions de physique quantique , mahématiques … Donc il n'y a pas de problème de codification mais de la frilosité des poliques …Les pays d'Asie ont réglé ce problème. N'ayez pas peur il suffit d'apprendre l'anglais comme langue à utiliser à l'international