"D’où viendra la croissance ?", se demandait le New York Times dans son éditorial du 10 août 2011. A cette question, le journal répond que les pays développés ne peuvent espérer leur croissance que des pays en développement. A cette même question pour les pays en développement, l’on serait tenté de répondre : la chance, une bonne gouvernance et de bonnes politiques publiques. Telle semble être la recette du succès économique du Botswana selon un récent rapport de la Banque Mondiale[1].
Vaste (581 726 km²) et peu peuplé (1 800 000 habitants), le Botswana fait partie des rares pays africains ayant eu un succès économique fulgurant depuis leur accession à l’indépendance. Avec un taux de croissance moyen annuel de 7%, le revenu par habitant a été multiplié environ par 10 en moins de 50 ans, faisant du Botswana l’un des rares pays africains à revenu intermédiaire. L’espérance de vie à la naissance est passée de 37 ans à 58 ans[2] et le taux d’alphabétisation des adultes a atteint 85% en 2010. La principale raison de ces progrès est le développement du secteur minier notamment à travers l’exportation du diamant.
Le diamant constitue la principale source de richesse du Botswana avec une contribution au PIB de 40% loin devant l’agriculture, l’industrie et les services. L’exploitation du diamant représente 85% des exportations du pays et 50% des recettes gouvernementales. Toutefois, le secteur emploie une très faible proportion de la population active. Si la découverte du diamant peut-être assimilée à de la chance pour le Botswana, c'est aussi parce que ce pays a échappé à la malédiction des ressources naturelles qui a frappé tant d'autres pays africains, grâce à la mise en oeuvre d'une bonne gouvernance et de politiques économiques appropriées.
Sur le plan de la bonne gouvernance, le pays a bénéficié de l’homogénéité ethnique et religieuse de sa population composée à 80% de Tswanas et de 70% de chrétiens. Dès lors, cela assure en partie une stabilité politique avec un système de démocratie parlementaire où les élections se déroulent sans heurts majeurs. Cette stabilité est par ailleurs soutenue par l’appropriation des modes de gouvernance traditionnelle comme les kgolta. Il s’agit de groupes consultatifs composés de sages chargés d’apporter leurs points de vue sur les décisions du gouvernement. Cela a permis de créer un lien de confiance entre la population et l’Etat et d’associer toutes les couches de la population au processus de développement économique et social. L’emboîtement de ce système de gestion participative et l’esprit bénévole de l’Etat a également réduit les pratiques de corruption et de détournements, gage d’une utilisation responsable des revenus du diamant.
Quant à la mise en œuvre des politiques économiques, l’Etat a opéré des choix qui ont évité au Botswana le revers des pays dont une si grande partie des exportations dépend d’un seul secteur connu sous le nom de « syndrome hollandais »[3]. Cela passe par un investissement massif des revenus du diamant dans les infrastructures, une réduction de la participation de l’Etat dans les entreprises et le renoncement à la politique de substitution par les importations. Par ailleurs, des fonds d’épargne ont été mis en place pour éviter l’effet procyclique des revenus du diamant sur les dépenses publiques et la volatilité du taux de change réel.
On constate effectivement que la combinaison de la chance, de la bonne gouvernance et des politiques économiques appropriées est la clé du succès économique du Botswana. Cependant, cette chance n’est pas durable car les ressources en diamant sont prévues de s’épuiser vers 2029. Dans ces conditions, d’où viendra la croissance ? Le rapport suggère une diversification de l’économie, mais cela n’est guère une tâche facile.
Georges-Vivien Houngbonon
[1] http://siteresources.worldbank.org/AFRICAEXT/Resources/258643-1271798012256/YAC_chpt_4.pdf
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Très bonne synthèse du rapport de la Banque mondiale faite sur le sujet. J'ai quand même une critique tant vis à vis du modèle économique du Botswana que de l'analyse qui en est faite par la Banque mondiale. Parce qu'on compare le succès du Botswana aux pays qui ont complètement failli (RDCongo, Centrafrique…), on oublie d'insister sur le fait que cette croissance formidable s'est tout de même très peu traduite en terme de développement, et surtout de développement humain.
Le taux de croissance moyen de la Corée du Sud durant son décollage était de 6% sur trente ans. On peut donc dire que le Botswana a fait mieux en termes de croissance. Mais peut-on en dire autant en termes de développement ? Bien que sa population soit très réduite, elle continue à avoir une espérance de vie faible due au Sida comme l'a précisé Georges-Vivien, a être peu formée et à connaître le chômage.
Le modèle de développement botswanais est un modèle conservateur, qui cherche une stabilisation de bons indicateurs macroéconomiques (faible dette extérieure, maîtrise inflation, réserves de devises, budget non déficitaire), mais n'utilise pas ou peu ses recettes excédentaires pour transformer son capital humain.
La banque mondiale souligne le fait que le Botswana n'ait pas cherché à substituer ses importations par de la production interne comme une bonne politique, sous prétexte que cela conduit souvent à des désastres économiques. Mais c'est la principale cause du chômage ! L'économie botswanaise peut avoir de bons résultats en se passant de l'activité des Botswanais, et les élites au pouvoir ne semblent pas vouloir changer de cap à court terme.
A mon sens, il faudrait développer au plus tôt des activités intensives en capital humain pour faire baisser le chômage, hausser le niveau de compétence des botswanais et faire en sorte qu'il y ait un vrai marché interne qui soutienne l'économie. Le pays est sous-peuplé et gagnerait aussi sans doute à s'ouvrir à l'immigration. Cela l'aiderait sûrement à sortir du conformisme douillet dans lequel il s'est installé.