Le brassage des populations africaines est une réalité multiséculaire. Ce brassage se déroule parfois sur un mode pacifique, parfois sur un mode violent. Quoi qu’il en soit, il impulse les grandes dynamiques à l’œuvre dans l’histoire africaine par le passé, dans notre époque contemporaine et sans doute encore plus à l’avenir. Le panafricanisme, en tant que courant de pensée, a théorisé avec plus ou moins de rigueur et de succès la nécessité et les avantages d’une union des peuples d’Afrique. Le panafricanisme s’est imposé comme une idéologie exaltante, une formidable source d’inspiration rassemblant les espoirs de millions de jeunes Africains. Il reste à ce courant de pensée à se concrétiser en courant politique pour changer la face du continent et transformer la vie des millions de jeunes Africains d’aujourd’hui, et des milliards de demain. Il lui faut passer des discours aux actes. C'est le défi que l’époque impose à notre génération.
De nombreuses initiatives sont à l’œuvre pour concrétiser cette ambition. Terangaweb – l’Afrique des idées en est une. D’emblée, nous avons posé la nécessité de faire dialoguer dans un même lieu de jeunes Africains d’origines et d’horizons divers. Nous pensons que de la confrontation organisée des idées naît un espace commun d’intelligence, qui porte en lui la création d’un monde nouveau. Dans l’Europe du XVI° siècle, des penseurs audacieux, qui se feront ensuite appelés Humanistes, décidèrent d’échanger par-delà les frontières physiques et culturelles. Ils constituèrent grâce aux évolutions de la technologie de l’époque, avec l’invention de l’imprimerie, une communauté d’échanges qu’ils baptisèrent La République des Lettres. Ce fut le prélude à l’une des périodes les plus fécondes de l’Occident, la Renaissance.
Nous sommes passé du XVI° au XXI° siècle ; internet a remplacé l’imprimerie ; la scène se déroule en Afrique et non plus en Europe ; l’ambition reste toutefois la même et l’objectif n’a pas changé : la Renaissance des idées, la Renaissance politique et économique. L’Afrique des idées veut jouer le rôle de La République des Lettres, et faire face aux enjeux de son propre contexte de l’Afrique contemporaine. Nous faisons le choix du panafricanisme du réel : au-delà des discours et des déclarations d’intention, créer un réseau puissant rassemblant des Africains décidés à réfléchir ensemble et à s’unir pour changer les choses.
Se confronter au réel n’est pas facile. Il faut sortir de sa zone de confort, faire face à des difficultés non prévues, commencer petit, lutter pour survivre, ne jamais se contenter des succès faciles, se remettre en question lorsque l’on fait des erreurs ou du sur-place, raviver la flamme des premiers moments avant que le tison de la bonne volonté ne finisse par s’évanouir, faire preuve d’imagination pour voir toujours plus grand et toujours plus haut, être pragmatique pour avancer avec les ressources dont on dispose. C’est ainsi que Terangaweb – l’Afrique des idées avance depuis trois ans maintenant.
Nous pensons avoir franchi un cap. Notre site internet continue à gagner en audience, nous assurons la régularité de notre production tout en maintenant notre exigence de rigueur dans l'argumentation que nous nous étions fixés. C’est bien, mais cela n’est pas suffisant. Nous voulons donc nous développer rapidement sur deux axes prioritaires : renforcer notre production de publications, notre travail de recherche, nos prises de position et notre participation aux débats publics en Afrique (volet think-tank) ; renforcer notre présence territoriale en Afrique continentale, notamment dans l’espace francophone, en ouvrant autant de bureaux territoriaux que possible (volet territorial). Ces bureaux territoriaux ont vocation à devenir l'ossature de notre organisation, les lieux de rencontre physique de nos membres et de nos sympathisants, les centres d’impulsion de notre action et de nos participations militantes au sein des différentes sociétés civiles nationales d’Afrique.
Plusieurs actions ont déjà été prises en ce sens. Sur le volet think-tank, une équipe de statisticiens animée par le responsable de notre rubrique Economie, Georges-Vivien Houngbonon, a réalisé une étude sur l’impact de la croissance dans trois pays africains (Tanzanie, Cameroun, Sénégal) sur l’évolution des revenus des ménages, afin d’estimer si la croissance est inclusive ou non. Les résultats de cette étude seront présentés à Helsinki le 20 septembre 2013 dans le cadre d’une conférence organisée par l’université des Nations Unies (UNU-WIDER) intitulée : « Croissance inclusive en Afrique : mesures, causes et conséquences ». Cette étude sur la croissance inclusive constitue une étape importante de notre histoire associative : elle nous fait officiellement rentrer dans la communauté internationale des chercheurs sur les questions africaines.
Nous avons vocation à développer ce pôle recherche, en explorant un certain nombre d’autres questions importantes : par exemple, la valorisation des écosystèmes en Afrique (avoir une meilleure intelligence de la valeur de la préservation et de la valorisation des écosystèmes naturels africains). Nous avons noué en 2013 deux partenariats importants avec la Paris School of Economics (PSE) et avec le centre de recherche DIAL (Développement, institutions et mondialisation), une unité de recherche mixte de l’Institut de Recherche sur le Développement et de l’Université Paris-Dauphine. Nous nous ferons fort d’approfondir ces partenariats et de mobiliser des chercheurs en Afrique qui souhaiteraient collaborer sur certains sujets de recherche. Nous pensons également à nous doter d’un conseil scientifique constitué de personnalités reconnues de la recherche liée à l’Afrique, afin d’asseoir notre crédibilité et de nous aider à structurer nos efforts en ce qui concerne nos activités de recherche scientifique.
Au-delà de cet aspect recherche, nous souhaitons développer notre volet think-tank sur un ensemble d’autres activités. Nous allons publier plus régulièrement des documents rassemblant et mettant en cohérence nos articles parus sur le site. Après une première publication réalisé il y a quelques mois pour revenir sur la crise au Mali, nous allons publier sous peu un nouveau document, « L’Afrique au regard de ses romanciers », qui mettra en valeur et en cohérence la série de chroniques littéraires que nous relayons chaque semaine sur notre site. Ce document présentera notre perception du récit que portent certains romanciers sur l’Afrique contemporaine, récit qui capte une forme de vérité qui échappe bien souvent à d’autres formes de discours (journalistique, académique, économique, etc.). Nous espérons pouvoir publier beaucoup plus régulièrement que par le passé ce type de documents, qui seront en lecture libre sur notre site.
Enfin, un vrai think-tank est un groupe qui avance dans le débat public des propositions concrètes visant à améliorer la vie de la cité. Nous souhaitons donc nous ancrer dans les différents espaces publics africains pour avancer nos propositions, les médiatiser, faire le travail de pédagogie qui s’impose pour les faire avancer et les conduire à la mise en œuvre. Nous devons pour cela être plus présents en Afrique, mieux organisés, et plus proactifs.
C’est dans cette perspective que s’est inscrite le lancement des activités de notre bureau Terangaweb – l’Afrique des idées à Dakar, animé par Hamidou Anne et porté par une quinzaine de bénévoles dynamiques. Un premier rendez-vous avec le public dakarois s’est tenu le 27 avril 2013 à l’Université Cheikh Anta Diop. Le bureau de Dakar initiera à partir du 7 septembre un nouveau concept de rencontres, les Terangaweb talk, dont le principe est d’inviter une personne qui présente en 10 mn chrono une idée qui pourrait aider à faire évoluer les choses en Afrique.
Nous prospectons actuellement pour ouvrir d’ici à la fin de l’année des bureaux Terangaweb à Cotonou, à Casablanca et à Lomé, dans un premier temps. Le but de ces bureaux, outre de créer une communauté physique de membres et de sympathisants du projet et des actions de Terangaweb – l’Afrique des idées, sera de porter dans chacun de ces espaces le combat des idées que nous promouvons. Qu’il le soit répété ici de nouveau : nous ne cherchons pas le consensus autour de certaines idées prédéfinies ; notre but n’est pas de convertir, nous voulons faire réfléchir les gens, les stimuler, les questionner, les amener à sortir des sentiers battus de la pensée et à agir de manière audacieuse.
Nous sommes un certain nombre à penser que Terangaweb – l’Afrique des idées n’en est encore qu’à ses tout débuts, et que les plus belles pages restent encore à être écrites. Mon souhait est que de nombreux lecteurs traversent le miroir et rejoignent le bateau pour prendre leur part de l’aventure collective.
Emmanuel Leroueil
Directeur éditorial de Terangaweb – l'Afrique des idées
PS : si vous souhaitez prendre part au projet Terangaweb – l'Afrique des idées, merci de vous manifester via notre page contact.
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Excellent texte ! Merci Emmanuel pour cet appel à une convergence des idées autour de Terangaweb, au service du progrès en Afrique.