Un millier de personnes sont agglutinés et bloquent la route sur le boulevard du Mono. Il est vingt trois heures. On entend parfois des applaudissements, parfois des cris de stupeur. Venus de Lomé ou des contrées environnantes, ils viennent assister à des acrobaties d’engins motorisés, communément appelé “Gbozo”.
“Gbozo”, ça vous dit quelque chose ? Sinon, c’est le nouveau phénomène urbain à Lomé, apparu fin 2011 mais qui a pris de l’ampleur en 2012. “Gbozo”, littéralement traduit en Mina "expression de puissance ou de feu", parce que souvent les véhicules utilisés laissent des traînées d’étincelles. Il s’apparente au Street racing, qui est une forme illégale de course à motos ou voitures ayant lieu sans autorisation sur la voie publique. Un peu partout à Lomé, des démonstrations s’improvisent, au nez et à la barbe des forces de l’ordre. Ici sur le boulevard du Mono, c’est chaque jeudi soir à partir de vingt trois heures qu’ils font monter l’adrénaline. Des amateurs de sensations fortes se livrent à des figures impressionnantes de Street racing, avec des véhicules motorisés ou non. Autrefois réservée aux grosses cylindrées, la pratique s’est étendue à tous les véhicules : deux, trois ou quatre roues, y compris les vélos : voitures de sport, quad, motos importées de Chine, scooter…
Gbozo, une posture, une attitude
Les démonstrations de “Gbozo” sont souvent spectaculaires, interdites aux âmes sensibles. Souvent sans combinaison, ces amoureux de l’adrénaline et de sensations fortes se livrent à des acrobaties toutes aussi spectaculaires les unes que les autres. Tout dans leur attitude laisse transparaître le gout du risque : parfois pas de casque ni de genouillères, seulement des gants en cuirs pour se protéger les mains. Ils défient la mort, dans une insolence totale, mais avec un sourire aux lèvres. Très peu protégés, les participants se livrent à des exhibitions de testostérone, chacun essayant à tout prix de dépasser ses propres limites et celles des autres. Les maîtres mots sont : agilité, maîtrise et savoir faire.
On se croirait dans un volet de Fast and Furious. Des moteurs retouchés aussi bien techniquement qu’en apparence pour frôler l’extravagance, des filles légèrement vêtues à la limite de la vulgarité que ces accros de vitesse d’un soir exposent comme des trophées. Un public complice qui occupe la route et permet aux pratiquants de donner libre court à leur créativité. Le sentiment d’être un être supérieur et différent, c’est ce qui a poussé Didier Scooter, un jeune mécanicien de 27 ans à se lancer dans le phénomène. Il se livre à cette pratique dangereuse depuis 2002, avant même la vulgarisation du phénomène. Devenu accro et malgré plusieurs accidents, il ne s’imagine pas prêt d’arrêter. « J’ai la moto dans le sang», affirme-t-il avec fierté.
Au delà de la posture, “Gbozo” est aussi un style vestimentaire. La tenue idéale du “Gbozo” : un débardeur ou un t-shirt moulant laissant paraître les muscles de bras exhibant des tatouages, un pantalon court au dessus des genoux, un gant en cuir, souvent à une seule main. A cette tenue, s’ajoute souvent une veste en cuir.
Le street racing serait apparu aux Etats Unis dans les années 30. Il est dû à la prohibition de l’alcool dans certains Etats et met en avant la posture sociale qui fait l’apologie de la vitesse et du bling-bling. Mais au Togo, les autorités ont tenté à maintes reprises d’étouffer le mouvement à cause de sa dangerosité. Parviendront-elles un jour à faire inverser la tendance ? Si oui, quelle serait la prochaine destination de ces jeunes dont le leitmotiv est de trouver une autre forme de loisirs pour meubler leur temps libre ?
Marthe Fare
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Dis donc c'est beaucoup de carburant gaspillé pour le plaisir de se divertir einnnn.