Alors que s’approche la date du 5ème Forum de Cooperation Chine Afrique, certaines questions essentielles des relations Chine-Afrique méritent d’être abordées, c’est le cas de l’environnement.
Développement et environnement en Chine
Le développement fulgurant de la Chine depuis la fin des années 1970 est probablement le plus impressionnnant phénomène de rattrapage économique de l’histoire. De par beaucoup de caractéristiques, la Chine d’avant les années 1980 ressemble beaucoup à l’Afrique : une population très importante, et largement rurale, des économies locales très peu reliées entre elles et des climats allant de l’aride au tropical. Toutefois, tous ces éléments que beaucoup considéraient comme des contraintes n’ont pas empêché le pays de multiplier la taille de son économie par 10 en 25 ans et ainsi de tirer plusieurs centaines de millions de Chinois hors de la pauvreté. Il semblerait donc intuitif que les dirigeants africains puissent s’inspirer du modèle de développement chinois afin de sortir leurs propres populations de la pauvreté. D’ailleurs, la Chine invite diplomates et économistes de tout le continent pour des formations courtes et longues sur sa propre histoire.
Aujourd’hui, les investissements Chinois en Afrique tendent à reproduire et à inciter les mêmes trajectoires de développement que celles de la Chine. Ils accordent une place importante au développement des infrastructures et à l’industrie. Toutefois, cette méthode de développement, si elle possède des atouts indéniables, s’est aussi montrée très peu encline à prendre en compte les enjeux environnementaux qui surgissent à tout moment lors des projets. De fait, la Chine est aujourd’hui en proie à une tentative de rééquilibrage de ses politiques économiques et tente de ratttraper les erreurs du passé. La route sera longue : l’eau courante en Chine n’est pas potable, la plupart des rivières sont polluées aux métaux lourds et l’air est irrespirable dans la majorité des villes qui atteignent la taille moyenne. Les taux de cancer augmentent d’ailleurs très vite alors que l’espérance de vie diminue. Aussi, les populations se rebellent de plus en plus envers les gouvernements locaux et provinciaux qui dégradent l’environnement et donc la qualité de vie. On se souviendra de la construction du barrage des Trois-Gorges, pour lequel plusieurs millions d’habitants des provinces alentours furent déplacés. Les tensions sociales tendent à se cristalliser de plus en plus sur des sujets environnementaux.
Questions environnementales en Afrique
L’Afrique, quant à elle, a beaucoup à perdre de la dégradation de son environnement. La diversité des espèces qui peuplent savanes et forêts, mais aussi les paysages sont en danger. Au-delà même de la valeur intrinsèque des paysages et de la biodiversité, la dégradation environnementale signifie aussi des pertes importantes au niveau du tourisme, qui représente souvent une part très (trop?) importante des budgets des pays africains. Aussi, la dégradation de l’environnement équivaut à une réduction de la qualité de vie des populations, et de leur santé, et à des pertes économiques très importantes. L'on estime que plus d’1% de croissance est perdu en Chine chaque année à cause de la pollution et de la dégradation environnementale…
Le discours que l’on entend bien souvent est que les questions environnementales appartiennnent aux pays riches. Pourtant, l’absence d’une politique environnementale de long terme à coûté très cher à de nombreux pays, qui souffrent désormais de leurs erreurs passées. Il s’agit donc pour les dirigeants africains de trouver un juste équilibre entre la promotion d’un développement économique accéléré et la préservation des écosystèmes.
Relations environnementales Chine-Afrique
Alors que la présence chinoise en Afrique se développe, les crises environnementales ont également suivi. Les entreprises chinoises ayant encore très peu d’expérience en dehors de la Chine, et une expérience acquise dans un contexte où la contestation sociale et environnementale était absente, ces dernières mettent du temps à appliquer les standards internationaux en matière de gouvernance environnementale. Toutefois, le gouvernement chinois, soucieux de son image au plan international, en a fait une priorité, et pousse les entreprises publiques et privées chinoises à instaurer des codes de conduite dans leurs opérations en Afrique. Ainsi EXIM Bank, une des banques chinoises investissant beaucoup en Afrique, a mis en place depuis 2007 une charte environnementale à respecter pour les entreprises y empruntant de l’argent pour les projets. On voit aussi apparaître des rapports de responsabilité sociale au sein des entreprises chinoises, incitées par le gouvernement chinois, les organisations internationales, les ONG et les gouvernements africains. Toutefois, il manque encore un suivi rigoureux des politiques environnementales et sociales des entreprises par une entité externe.
Un autre point de tension des relations environnementales Chine-Afrique se situe dans les comportements potentiellement dangereux de certains individus chinois en Afrique. On pense notamment aux réseaux de contrebande de corne de rhinocéros et autres espèces rares qui ont récemment été observés. Ces produits, difficiles à obtenir en Asie, sont très recherchés pour leurs vertus médicinales/magiques, et un laxisme à ce niveau pourrait avoir des conséquences très néfastes.
Au cours des dernières années, plus d’importance a été donnée à la coopération sur les questions environnementales entre l’Afrique et la Chine, notamment à travers le Forum pour la Coopération Chine Afrique (FOCCA), notamment après plusieurs crises médiatiques sur le plan environnemental. En 2009, la Chine s’est engagée à soutenir une centaine initiatives en rapport avec les énergies renouvelables. Néanmoins, la coopération reste encore limitée à des initiatives sectorielles, et le suivi des engagements pris par la Chine n’est pas très efficace, faute de coopération panafricaine. Alors que l’Afrique a beaucoup à apprendre de la Chine, le contraire est aussi vrai, notamment grâce à l’expérience en management des parcs naturels en Afrique, qui pourrait beaucoup bénéficier à la Chine, débutante sur ce plan. Il est donc dans l’intérêt de l’Afrique, pour protéger son environnement, et de la Chine, pour son image et pour apprendre de l’Afrique, de coopérer sur les questions environnementales.
Le prochain sommet du FOCCAC en juillet, ainsi que les conférences de Rio+20 et le dixième anniversaire du sommet de Johannesburg sur le développement durable sont autant d’opportunités de construire un partenariat solide. Espérons que les leaders africains et chinois sauront saisir la bonne occasion.
Babacar Seck
Source : African East Asian Affairs 71 : sustainability as a topic: preparing for FOCAC V
Laisser uncommentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués par *
Salut Babakar,
Je suis étudiant français en échange à Montréal, en licence d'économie gestion.
Je m'intéresse beaucoup à l'Afrique, pour pleins de choses différentes et je me demandais comment tu vois ce continent vis à vis de sa stratégie environnementale? Est ce qu'elle est va s'ancrer dans la voie du développement durable à long terme par exemple? Je postule pour un master dans ce domaine justement, et j'aimerai à l'avenir travailler en collaboration avec des pays africains.
Je crois en l'avenir de l'Afrique, avec un grand potentiel d'échanges commerciaux et intellectuels vu tous les jeunes étudiants africains que j'ai l'occasion de croiser en France comme ici au Québec, ce qui est assez prometteur.
Enfin, je voulais savoir ton opinion quand à l'avenir de la relation Sino-africaine? Penses tu que ça va réellement permettre à l'Afrique de décoller (ou au moins plusieurs pays en espérant que d'autre suivent) grâce aux infrastructures neuves et la croissance économique favorable, ou alors à l'inverse elle risque de perdre trop de ressources et de se faire dominer par la Chine?
En tout cas merci de me lire et de me répondre!
Bonjour Florian,
Il y a malheureusement très peu de réflexions stratégiques sur l'environnement dans les pays africains. Les seuls qui se sentent vraiment concernés sont les quelques pays dont les territoires sont mis en danger par la désertification, sur les contours du Sahara. Il y a un réel besoin d'action à ce niveau-là, et je pense qu'il y a peu de chances que les questions environnementales prennent aujourd'hui le dessus par rapport aux questions de développement économique et de lutte contre la pauvreté… En fait, il y a un réel besoin d'experts des questions environnementales et de l'Afrique. Il faudrait plus de gens qui peuvent conseiller les gouvernements sur ce genre de questions afin de les convaincre de l'importance cruciale des problèmes climatiques, de faune et de flore pour le développement soutenable des pays africains.
En ce qui concerne la relation Afrique-Chine, je ne pense pas que les seules infrastructures pourront apporter le développement économique. Ce qu'il faut c'est un réel changement des mentalités, et une amélioration de l'éducation à tous les niveaux, afin que le changement soit réellement transversal, profond et endogène. En effet, ce qui compte surtout notamment pour les infrastructures, ce n'est pas seulement que le pont, la route ou l'école existent, mais aussi que le processus de construction ait bénéficié aux économies locales et que la maintenant puisse être faite par des nationaux. Si les chinois construisent tout avec leurs propres employés "importés" de Chine, il y a peu de chances que les gains soient aussi important que l'on veut bien nous le laisser croire.
Au final, l'issue de cette relation dépendra sur la capacité des gouvernements africains à jouer sur la possibilité qu'ils ont maintenant de choisir leur partenaire international (Chine, Inde, Europe, Etats-Unis…) afin de réclamer des conditions plus favorables en termes de formations techniques, d'échanges éducatifs et d'amélioration de l'éducation locale, et des opportunités à l'étranger pour les plus brillants. In fine, c'est de l'éducation des masses et du leadership de l'élite que dépendra le développement du continent.