Terangaweb a interviewé Mouhammed El Bachir Dia actuellement élève en 3ème année à Supélec. Bachir, comme ses amis l’appellent est invité à revenir sur son parcours. Il évoque ensuite ce qui l’a motivé à faire ses choix et fournit des éclaircissements sur les spécificités des écoles d’ingénieurs. Enfin, il analyse son cursus éducatif sous l’angle de l’étudiant africain en France et propose ses idées pour une Afrique prospère.
Terangaweb : Bonjour Bachir, peux tu présenter ton parcours aux internautes de Terangaweb ?
Bonjour Abdoulaye, tout d’abord je tenais à remercier Terangaweb d’avoir porté son choix sur mon humble personne pour cette interview.
Pour ce qui est de mon parcours, j’ai eu un baccalauréat S1 au nouveau lycée de Thies (LANS) puis je suis venu en France au Lycée Louis le Grand pour une prépa en MPSI et PSI*. Après deux ans, j’ai intégré Supélec à l’issu des concours. J’ai effectué les deux premières années de tronc commun sur le campus de Gif. Au cours du deuxième semestre de la seconde année, je suis parti à Londres dans le cadre d’un partenariat entre SUPELEC et l’ESCP EUROPE pour suivre des cours de MIM (Master in Management).
De retour à Paris, j’ai effectué une année de césure chez KPMG Auditdans le département Treasury and Capital Market (TCM) qui est expert dans le conseil et l’audit des trésoreries des « corporates » et des institutions financières avec des problématiques orientées Finance de Marché.
Actuellement je suis en dernière année à Supélec et je suis la majeure MATIS (Mathématiques appliquées au traitement de l’information et du Signal) et le parcours Finance qui propose des enseignements relatifs à la finance quantitative.
Terangaweb : Pourquoi, juste après le bac, as-tu choisi de poursuivre tes études supérieures en France ?
Après mon baccalauréat, je voulais poursuivre des études d’ingénieur. J’ai voulu poursuivre mes études en France pour la qualité des enseignements dans ses grandes écoles et la renommée de ces dernières au Sénégal. Par ailleurs, j’avais envie d’aller dans un pays développé en vue de bénéficier de son expertise et de sa technologie. Enfin, c’était également l’occasion de découvrir un nouveau pays, un nouveau mode de vie et donc de s’enrichir culturellement.
Terangaweb : Pour intégrer une grande école, pourquoi as-tu fait les classes préparatoires plutôt que l’université ?
D’après les informations que j’avais trouvées sur internet et que certaines connaissances m’avaient transmises, les classes préparatoires semblaient la voie royale pour intégrer une école d’ingénieur en France. En effet, la majorité des étudiants en grandes écoles sont passés par une classe préparatoire, une infime partie y accédant par dossier à partir d’une université. Je voyais les classes préparatoires comme une manière d’augmenter mes chances d’être reçu en grande école.
Par ailleurs, je ne voulais pas tout de suite me spécialiser après la terminale. L’idée de continuer les mathématiques, la physique chimie, la philosophie et les langues me plaisait bien.
Enfin, je savais que dans une classe préparatoire, je bénéficierai d’un meilleur encadrement et d’un meilleur suivi (les contrôles et les devoirs maison étant plus fréquents qu’en université), et que le niveau serait élevé. J’ai pensé que cela me motiverait à fournir plus d’efforts.
Terangaweb : Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à intégrer Supélec et une fois en école pourquoi t’es-tu spécialisé en mathématiques appliquées et en finance ?
A l’issu des deux ans en classes préparatoire, j’ai voulu intégrer une école généraliste qui me permettait de découvrir plusieurs métiers et d’en choisir celui qui me conviendrait le mieux. Parmi les écoles auxquelles j’étais reçu, Supélec semblait celle qui correspondait le mieux à ce critère donc j’avais décidé d’intégrer cette dernière.
Au cours de mes deux premières années d’études, j’ai développé un réel intérêt pour les mathématiques appliquées, la finance d’une manière générale et la finance de marché en particulier, à travers les enseignements que j’ai reçus et les différentes conférences auxquelles j’ai pu assister. J’ai compris assez vite que les autres domaines de prédilection de Supélec (informatique, télécom, automatique, énergie) ne m’attiraient que très peu. C’est donc tout naturellement que j’ai décidé de choisir, en troisième année, la majeure mathématiques appliquées et le parcours finance. Le stage que j’ai effectué à KMPG m’a réconforté dans ce choix.
Terangaweb : Qu’est ce qui t’as motivé à faire un stage long ? Peux-tu en délimiter les avantages et les inconvénients ?
J’ai découvert le métier d’auditeur et de consultant au cours de mes deux premières années à Supélec. Tout de suite, l’idée de travailler sur des problématiques différentes, de manager une équipe, de gérer le coté relationnel avec des clients m’a beaucoup attiré. J’ai décidé d’effectuer une année de césure pour avoir une vision concrète (plus large que celle je m’en étais faite à partir des conférences et des cours) de ces métiers. Ce stage a bien répondu à mes attentes (Initialement je voulais effectuer six mois en cabinet mais j’ai demandé à prolonger à un an.)
Pendant cette année, j’ai pu effectuer à la fois des missions d’audit et de conseil. J’ai beaucoup appris sur le métier, la manière dont les managers gèrent leur équipe et sur leurs méthodologies de travail. Grâce à ce stage, j’ai su que ce métier me convenait parfaitement et j’ai décidé de faire carrière dans ce domaine. C’est justement l’avantage de faire un stage long. Ca permet de se faire une idée plus précise du métier et surtout de voir si on a envie de poursuivre dans cette voie. Ca permet par ailleurs de développer de solides rapports avec le management de son entreprise au cas où l’on veuille y retourner. Qui plus est, pour une durée de stage plus longue, on apprend évidemment beaucoup plus sur le métier et on peut se voir confier des responsabilités importantes.
Je trouve que le principal inconvénient c’est lorsqu’on s’aperçoit que le stage ne nous plait pas du tout. Dans ce cas on est obligé de poursuivre l’expérience et de prendre une autre direction pour sa carrière professionnelle. Par conséquent ce stage ne s’avérera pas très pertinent pour son CV. Il faut mentionner également que c’est souvent un peu difficile de reprendre les cours après une longue expérience en entreprise.
Terangaweb : …difficile certes mais as-tu pu rencontrer d’autres difficultés en France?
Je pense que comme tous les étrangers qui ont quitté leur pays, très jeunes, j’ai un peu souffert de l’éloignement de la famille et des amis. On se voit contraint de murir assez rapidement et d’apprendre à se prendre en main, ce qui n’est pas plus mal me direz vous. Par contre, je n’ai pas eu beaucoup de mal à m’adapter à la nouvelle vie. J’ai eu la chance de côtoyer des personnes ouvert d’esprit.
Terangaweb : Pour les jeunes africains qui veulent poursuivre leurs études en France malgré les difficultés, quel intérêt peuvent représenter les études en France, notamment ton école et ta filière ?
L’une des principales forces de Supélec est qu’elle permet à ses étudiants d’emmagasiner le maximum de connaissances dans différents domaines pendant les deux premières années et de former ainsi ce qu’il conviendrait d’appeler « des généralistes spécialistes dans leurs domaines ». Tous les domaines d’études proposés par Supélec sont pertinents pour un jeune Africain souhaitant servir le continent noir. En effet l’informatique, l’énergie, les télécommunications sont des secteurs sur lesquels, l’Afrique devra performer pour se développer.
Pour ce qui est de la filière que j’ai choisie (Mathématiques appliquées), l’avantage est que l’on a la possibilité de travailler dans différents secteurs notamment sur des problèmes de modélisation et d’optimisation. En ce qui concerne la finance de marché, ce secteur est certes balbutiant en Afrique. Elle commence toutefois à se développer petit à petit : pour le marché des actions, les volumes échangés ont beaucoup augmenté au cours des deux dernières décennies même si les bourses les plus actives restent la bourse de Casablanca et de Johannesburg. De même le marché des obligations connait également un essor. Je suis persuadé que les Africains de la Diaspora qui auront acquis une expertise en finance de marché auront un grand rôle à jouer dans le développement des marchés financiers en Afrique.
Terangaweb : En temps qu’ « africain de la diaspora », en quoi les compétences que tu auras acquises peuvent coller avec les besoins de développement de l'Afrique ? A ton avis comment développer l’Afrique ?
A mon avis la corruption (qu’on retrouve à plusieurs niveaux de la société) est l’un des principaux fléaux constituant un frein au développement de l’Afrique. L’audit pourrait permettre de lutter contre cette pratique et promouvoir la transparence.
Comment développer l’Afrique ? Je ne sais pas du tout! (rires). Je n’ai pas de recette miracle mais je pense à quelques points qui pourraient nous faire aller de l’avant.
Sur le plan politique, tant qu’il n’y aura pas de démocratie, ce sera très compliqué de se développer. C’est la démocratie et la bonne gouvernance qui attireront les investisseurs dont nous avons besoin pour nous refaire une santé financière. Malheureusement, on est encore un peu loin du compte comme peut en attester ce qui se passe actuellement en Cote d’ivoire [Contexte : A.D.Ouattara et L.Gbabgo se proclament à tour de rôle comme présidents légitimes de la Côte d’Ivoire en Décembre 2010, provoquant l’une des pires crises en Afrique Occidentale].
Je pense, par ailleurs, qu’il faut beaucoup miser sur l’agriculture et sur l’énergie (notamment le solaire). On a une forte potentialité dans ces deux domaines, qui reste inexploitée pour le moment.
Enfin, il est nécessaire de faire évoluer nos mentalités. On ne sera pas développé tant que tous les africains ne ressentiront ni le besoin ni l’envie de se battre pour aider le continent à se relever. Une fois que ce sera fait, on pourra s’affranchir de gouvernements qui confondent état et royauté ; du laxisme qui empêche à Fatou et Mamadou d’aller travailler par ce qu’il pleut ; de faire réagir ce bande de jeunes qui font éterniser le « leuweul » [thé en wolof] pour faire passer le temps.
En parlant de jeunes, ils ont un rôle primordial à jouer dans le développement de l’Afrique. S’il y’a des jeunes qui se disent sacrifiés par le système et qui ne fournissent aucun effort, il y’en a bien d’autres qui sont obligés de quitter tôt l’école, de travailler dur afin de venir en aide à leur famille. Il faudrait mettre à disposition de ces derniers des formations professionnalisantes (dans les domaines tels que la menuiserie, la maçonnerie, la mécanique…) et valoriser leurs métiers.
Propos recueillis par Abdoulaye NDIAYE
Leave a comment
Your e-mail address will not be published. Required fields are marked with *
Modèle de réussite pour tout jeune lycéen sénégalais, brillant parcours pour un étudiant humble et travailleur!
Je te rejoins parfaitement sur le rôle que doit jouer la diaspora sur le développement des marchés financiers en Afrique, notamment en Afrique Subsaharienne.Après l’ Occident et les pays émergents, les fameux BRICS,il est temps pour notre continent de prendre son envol financier, de se doter de bourses régionales denses et complémentaires.Et cela passe nécessairement par une anticipation des besoins futurs de notre cher continent de la part des étudiants qui seront les dirigeants de demain!
« Un certain Mamadou qui aime le » leuwel » 🙂
Bachou comprendra:)
Trés beau parcours. Félicitations et bonne continuation. Je te rejoins amplement dans l’idée de doter l’Afrique d’un grand pole financier afin d’attirer les investisseurs sur le continent. L’idée de cerner les secteurs porteurs de demain en vue de les développer reste aussi pertinente.
Belle analyse.
Félicitations Bachir pour ce beau parcours. Comme Moustapha l’a souligné, tu sers d’exemple pour beaucoup de jeunes sénégalais. En lisant l’entretien, mon envie de me spécialiser en Finance de marché s’exprime davantage. J’espère que j’aurai l’occasion de te rencontrer un jour pour que tu m’éclaircisses encore plus sur ce métier qui me passionne tant.
Je souhaite de tout cœur qu’un jour l’Afrique prendra son indépendance financière et jouera un rôle non des moindres dans l’échiquier géopolitique mondial.
Bonne continuation
Merci de nous avoir gratifié de ton expérience. Je suis élève en première année de prepa Maths Sup et la finance est un domaine qui me fascine. Je pense avoir trouvé la réponse a mes questions. Par ailleurs j’avoue que ton parcours m’a permis de me rendre compte du rôle que nous jeunes pouvons jouer dans l’émergence du Sénégal et de l’Afrique de manière générale. Ceci étant je pense que ce type d’initiatives a savoir les témoignages de gens qui ont fait des parcours glorieux doivent être renforcées. Ceci pourrait permettre aux plus jeunes et aux inexpérimentés de trouver la réponse a leurs interrogations.
Bon courage
Le développement de l’Afrique dépendra de nous jeunes étudiants de la diaspora ayons ses mêmes idées que lui et freinons demin la corruption Mersi Bachir toute lans de Thies vous soutient
félicitations d’abord pour ce brillant parcours , tu fais l’exemple de beaucoup de jeunes étudiants et particuliérement ceux voulant se spécialiser dans ce domaine .Merci enfin pour toutes ces belles idées, pour tous ces beaux projets pour l’émergence et l’indépendance financiére de l’Afrique , du Sénégal en particulier.J’aurai souhaité que tous les jeunes africains aient la meme vision que toi pour une Afrique unie , prospére et meilleure.
Trés bonne continuation et bon courage !!!
Toutes mes félicitations Hamed. Je suis particulièrement charmée par la pertinence de ton analyse. L’Afrique a vraiment besoin de jeunes comme toi. Tu dis ne pas avoir de recette miracle pour sortir l’Afrique de l’ornière mais moi je suis d’avis que suivie à la lettre ta recette permettra à notre continent de resorber le gab.
Je te souhaite une très bonne continuation et plein de succès.
waané nga. continel rek dina baakh
Ce qu’on aime particulièrement sur Terangaweb, les commentaires constructifs et pleins de bon sens!
Machallah model pour tout apprenant modeste epris de connaissance social patriote toujours le meme .kallah tassiste.
j suis entierement dacord sur toute la ligne la solution c’est lutter contre toute forme de corruption et faire la promotion des jeunes.
bonne continuation
J'ai été vraiment content de lire cet article sutout là ou il a parlé d'agriculture et d'énergie solaire parc que moi aussi comme tant d'autres jeunes Sénégalas et Africains je reve de participer au développement de mon continent et de mon pays. Et ces propos reflétent vraiment toutes mes idées. Je suis élève en math sup et je reve d'intégrer supélec ou centale. Bachir il faut qu'on se parle way…..parce que on a tant d'idées communes et tes conseils me seront d'une grande utilité
Il est humble ce mec. Il n'a pas voulu parler de ses extraordinaires résultats au lycée sanctionnés par une mention trés bien au bac
Toute mes felicitations,jolie parcours et idées vraiment pertinantes.Bonne continuation
Je me rappelle c'est le grand Bachir qui avait composé ce poeme pour le club scientifique: " Cela fait fait des siècles que je cherche la solution à mon équation. la alors que tu es prêt de moi je sens que que tu me vérifie….." Big up grand we are very proud to you!!!!