Salubrité urbaine: La ville de Douala fait sa mue avec l’opération ‘’Douala Clean City ! It’s Possible’’

Par Georgie Aurore Arlette Wondje Ngothy, Experte en mobilité urbaine et Directrice Adjointe de la Police Municipale et de la Sécurité en charge du Contrôle de la Circulation, de l’Occupation de la Voie et des Espaces Publics de la Ville de Douala.

Et Rodrigue Nana Ngassam, Docteur en Science Politique (Université de Douala). Chargé d’étude à la Cellule des Relations Publiques de la Division de la Communication et des Relations Publiques de la Ville de Douala.

Introduction 

Présenté officiellement le 23 octobre 2023 par le Gouverneur de la Région du Littoral, Samuel Dieudonné IVAHA DIBOUA aux différentes autorités de la ville de Douala, le programme ‘’Douala Clean City ! It’s Possible’’ a vu sa phase opérationnelle lancée le 31 octobre 2023 par le Maire de la Ville, Dr Roger Victor MBASSA NDINE sur toute l’étendue de la capitale économique du Cameroun. Il faut dire que ce programme arrive à point nommé tant la ville de Douala fait face à une insalubrité criarde qui dénature le décor urbain avec des tas d’immondices. Il s’affirme comme une opération de civisme et de restauration de la propreté urbaine afin de redonner à la ville de Douala, son lustre d’antan. 

Le casse-tête de la gestion des déchets à Douala 

La prise en charge des déchets est souvent un casse-tête pour les collectivités locales. Surtout lorsque l’on sait que la ville de Douala avec ses près de 4.000.000 d’habitants produit 2500 à 3000 tonnes de déchets chaque jour[1]. Si elle traîne cette fâcheuse réputation de dépotoir à ciel ouvert, ce n’est pas faute de déployer de sérieux efforts pour laver cet affront. La gestion des déchets ménagers préoccupe au plus haut point l’Exécutif Communautaire de la Communauté Urbaine de Douala et ceux des Communes d’Arrondissement.Le modèle de gestion des déchets qui s’appuie sur un partenariat public-privé ne permet plus d’assurer un service régulier de collecte et de traitement des ordures ménagères. L’entreprise Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) en charge de la collecte des déchets au Cameroun ne dispose pas d’assez de moyens pour procéder à leur enlèvement, à leur nettoyage ou à leur recyclage. La faible logistique de son matériel de collecte ne peut couvrir tous les interstices de la ville de Douala encore moins absorbée l’intégralité des déchets ménagers issus des ménages. 

Parallèlement, il faut dire que l’incivisme des populations est également un autre facteur aggravant de ce désordre urbain[2].  Amas d’immondices, stagnation d’eau pour cause de mauvais pavage, défaut d’entretien des conduites d’eau ménagères, mauvaise odeur des fosses et cabinets, saletés des murs, des espaces publics sont autant d’incivilités causées par des populations insouciantes ou inconscientes de la gravité de leur geste au quotidien pour la ville. Chaque jour, il faut balayer sans cesse entre les pieds des passants, débarrasser à toute heure les rues des tas d’immondices et objets les plus invraisemblables abandonnés sur le trottoir, verbaliser les incivilités. Et recommencer sans cesse nonobstant le coût financier dans un contexte de décentralisation où les collectivités territoriales décentralisées rencontrent des difficultés financières. D’où, il était important pour le Maire de la Ville, de reprendre la question des déchets en main afin de redonner un nouveau visage à la ville de Douala en y impliquant ses habitants. 

Repenser le mode de gestion des déchets avec ‘’Douala Clean City ! It’s Possible’’

Ce programme à l’allure d’opération ville propre a pour but de procéder, au balayage des voies et places publiques, au curage des caniveaux, à l’enlèvement et au transport des ordures ménagères et à la mise en décharge. Il consiste également au déguerpissement des occupations anarchiques et insalubres des emprises des voies publiques et à la sensibilisation des populations. Il faut dire qu’il fallait lancer une grande bataille de la propreté pour mettre fin à l’insalubrité constatée dans les quartiers, villages et cantons de la cité économique du Cameroun. Les engins, balais et uniformes des éboueurs écument à longueur de journée les rues de Douala pour enlever les encombrants qui s’y trouvent. Le spectacle du propre passe aussi par les ‘’Women Clean City’’, ces mamans qui ont pris l’initiative de mettre fin à la pollution de l’environnement par des déchets. Celles-ci balaient les carrefours, les trottoirs, les chaussées, les grandes artères de la ville pour montrer aux autres citadins que la propreté de la ville est une affaire de tous. Il s’agit aussi d’offrir un service sans interruption en mobilisant en permanence la propreté sur le terrain à peu près jour et nuit, les jours ouvrables, les dimanches et les jours fériés.

L’Exécutif Communautaire est conscient que le programme ‘’Douala Clean City ! It’s Possible’’ est une vitrine à laquelle il faut amener les populations à adhérer. A cet effet, des sensibilisations sont faites dans les quartiers, les marchés, les établissements scolaires pour éduquer les populations, les jeunes, les commerçants, les informer sur les bonnes pratiques en matière de gestion de déchets et les méthodes du tri sélectif pour favoriser le recyclage dans leur environnement. Apprendre à la population à assurer la salubrité de leur cadre de vie est une action noble que plusieurs citadins apprécient et exhortent le Maire de la Ville à avoir la main lourde contre les contrevenants qui enfouissent ou jettent les ordures au sol. Ce que l’on sait, c’est qu’il ne suffit pas de verbaliser pour obtenir des résultats. La coercition ne résout pas les problèmes, même si elle doit exister pour traiter certaines situations. D’où, l’implication des citoyens car, ils ne sont pas que des clients mais des habitants d’une ville de Douala qui aspire à un mieux-être, à un mieux-vivre à l’image des grandes métropoles modernes et attractives. 

Associer les populations pour un environnement salubre et agréable

Le premier niveau d’implication des usagers consiste à obtenir d’eux qu’ils ne salissent pas. Des campagnes régulières les y incitent : des spots sont diffusés dans les médias, des affiches collées dans les écoles, les panneaux publicitaires de la ville (Douala Clean City ! It’s Possible, interdiction de jeter les ordures au sol sous peine de sanctions ; Propreté de Douala. Ayons l’amour de notre ville etc.). Le Maire de la Ville ne ménage pourtant pas ses efforts et a, par exemple installés les comités de coordination du Programme ‘’Douala Clean City’’ dans tous les cinq arrondissements continentaux de la ville de Douala. L’objectif reste de sensibiliser et mobiliser les communautés locales pour embellir la ville et assurer une propreté durable dans chaque arrondissement. Comme l’a souligné le préfet du Wouri, la propreté ne peut être garantie sans l’appui et le soutien de la population : « Aujourd’hui, nous observons bien à l’évidence que nos seules villes et communes ne peuvent pas valablement porter cette vaste opération si elles n’ont pas l’appui, le soutien des populations… Il est important que cette propreté commence par des simples citoyens que nous sommes »[3].

Demander la participation des usagers vise aussi à optimiser les dépenses. Dans un contexte de décentralisation qui voit les compétences des collectivités territoriales décentralisées augmenter, celles-ci connaissent des difficultés financières qui les conduisent à une gestion davantage « managériale » des services urbains. Elle passe par exemple par une production de services urbains plus flexibles, donc mieux adaptés aux demandes. Orientation que l’on voit à l’œuvre à la Communauté Urbaine de Douala avec la création de plusieurs régies autonomes (la régie des routes et des constructions, la régie foncière et domaniale et la régie de la propreté urbaine) pour minimiser les coûts des travaux d’aménagement et de restructuration de la ville. C’est aussi pourquoi on demande aux usagers de mettre « la main à la pâte » et d’être plus conscients des dépenses. Il est faux de laisser croire que le Service de la Propreté peut tout nettoyer. C’est aux populations aussi à prendre en main la propreté de leur ville et c’est désormais du civisme de chacun que dépendront les progrès les plus significatifs.

Mettre fin à La tolérance administrative avec ‘’Douala Clean City ! It’s Possible’’

La tolérance administrative se rapporte à des agissements permettant l’établissement de situations en marge de la légalité. Ainsi, les errances de l’autorité publique pour gérer efficacement les espaces publics à Douala ont fait de ces lieux, des espaces de désordres[4]. En tolérant des agissements qui favorisent l’établissement de situations en marge de la légalité, les municipalités se rendent parfois complices du fléau du désordre urbain. Or l’Etat, instrument de la contrainte organisée possède par excellence, les moyens de se montrer intolérant à travers la répression des violations éventuelles de la règle de droit. Aussi, pour un nouvel ordre urbain dans la ville de Douala, il est temps de rétablir une relation entre l’art de construire et celui de bâtir une communauté à l’aide d’une planification et d’une conception spatiale s’appuyant sur une participation des citoyens. Il devient par conséquent impératif pour lutter contre le désordre urbain, d’amener les masses urbaines notamment par le recours à l’image, à l’audition, au langage, à contribuer, à déconstruire, à construire ou à reconstruire l’identité de la ville même par une participation individuelle et/ou collective à la recomposition du tissu urbain désormais très fragmenté et fragilisé. 

L’idée générale ici est de mettre en place une véritable communication urbaine basée sur l’éducation, l’information et la sensibilisation des populations sur tous les aspects d’intérêt commun en milieu urbain afin d’en finir avec l’incivisme. Car, sans une citoyenneté active, responsable et disciplinée, sans une autorité bien ordonnée, sans une capacité réelle de l’Etat à répondre effectivement aux attentes des populations, la lutte contre le désordre urbain a toutes les chances d’être un combat perdu d’avance. Une restructuration urbaine s’impose au sens de la Loi n° 2004/003 du 21 avril 2004 régissant l’urbanisme au Cameroun à travers un ensemble de mesures et opérations d’aménagement qui consiste en la démolition totale ou partielle d’un secteur urbain insalubre, défectueux ou inadapté, en vue d’y implanter de nouveaux paysages urbains. Cela exige à des endroits, une réaffectation des espaces à de nouveaux usages. Les espaces colonisés par des commerces doivent laisser place véritablement à des espaces verts, des routes, à la circulation piétonne, etc.C’est autour de cette question qu’il faudrait réfléchir pour mettre fin à la normalisation de l’écart dont parle le philosophe camerounais Hubert Mono Ndjana qui caractérise Douala.

(1) Ngo Bonog Jean-George, « Douala dans les ordures : ce qui fait problème », in « Assainissement de la ville. Comment transformer le visage de notre cité ? », Mundi Mwasu n° 13, 2023, p. 35-36. 

(2) Nana Ngassam Rodrigue, « Cameroun : l’urbain informel et ses paradoxes à Douala », Magazine Formes,le 25 mai 2020, https://www.formes.ca/territoire/articles/l-urbain-informel-a-douala

(3) Douala Clean City: Le préfet du Wouri installe les comités de coordination des 5e et 3e arrondissements – CitiesHebdo  

(4) Nana Ngassam Rodrigue, « Le contrôle des espaces publics par le commerce informel à Douala », Magazine Formes, le 1er juin 2020, https://www.formes.ca/territoire/articles/les-espaces-publics-a-douala


[1] Ngo Bonog Jean-George, « Douala dans les ordures : ce qui fait problème », in « Assainissement de la ville. Comment transformer le visage de notre cité ? », Mundi Mwasu n° 13, 2023, p. 35-36. 

[2] Nana Ngassam Rodrigue, « Cameroun : l’urbain informel et ses paradoxes à Douala », Magazine Formes, le 25 mai 2020, https://www.formes.ca/territoire/articles/l-urbain-informel-a-douala

[3]Douala Clean City : Le préfet du Wouri installe les comités de coordination des 5e et 3e arrondissements – CitiesHebdo  

[4] Nana Ngassam Rodrigue, « Le contrôle des espaces publics par le commerce informel à Douala », Magazine Formes, le 1er juin 2020, https://www.formes.ca/territoire/articles/les-espaces-publics-a-douala