Dans une union monétaire, il est très important que les pays membres tendent à avoir des performances économiques similaires ; on parle alors de convergence. Autrement, il y a risque d’implosion de l’union. Des études économiques réalisées dans le cadre de l’union monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) montrent qu’il n’est pas possible de parler de convergence au sein de l’UEMOA. Ces résultats ont des implications pour la conception des prochaines unions monétaires en Afrique. Notez que le contenu de cet article requiert des connaissances théoriques préalables sur la convergence économique.
Les pays de l'actuelle UEMOA connaissent à la création de l'union des situations hétérogènes quant à leur croissance par habitant. La théorie du rattrapage de Solow voudrait que ces disparités tendent à s'estomper. Y a-t-il une validation empirique de cette théorie en UEMOA au cours de ces dernières décennies qui plaiderait concomitamment et implicitement en faveur du design actuel du pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité ? La théorie économique[1] stipule que dans les conditions réunies par l’UEMOA (union économique et monétaire), les pays les plus en retard en terme de PIB par tête devraient connaître une croissance plus élevée que les pays les " plus avancés " (loi des productivités marginales décroissantes des facteurs), ce qui permettrait de tendre vers une homogénéisation des niveaux de vie. Or, sur la dernière décennie, à l’exception de la Côte d’Ivoire, dont les performances économiques ont été altérées par une crise socio-politique, les pays semblent se stabiliser sur une croissance lente et visiblement peu différenciée quand bien même ils présentent des niveaux de PIB par tête très hétérogènes. Cette situation invite à s'interroger sur l’existence même d’un processus de convergence des économies de l’UEMOA.
Généralement, la théorie définit trois types de convergence (Galor, 1996[2]) :
– la convergence absolue selon laquelle, à long terme, les PIB par tête convergent vers le PIB le plus performant de la zone économique et cela indépendamment des conditions d'origine des pays
– la convergence conditionnelle selon laquelle, à long terme, les pays qui présentent des similarités structurelles voient leur PIB par tête converger vers le PIB par tête le plus performant de la zone économique et cela indépendamment des conditions d'origine des pays. En d'autres termes, dans cette acception de la convergence, la convergence structurelle est un préalable à la convergence réelle
– la convergence de club selon laquelle les pays qui présentent des similarités structurelles voient leur PIB par tête converger vers le PIB par tête le plus performant de la zone économique à condition que ces pays aient initialement des conditions suffisamment identiques pour se situer dans la même perspective d'état stationnaire.
Des études menées sur le sujet ont permis d’identifier et de caractériser la convergence au sein de l’UEMOA. La volatilité du PIB par tête est étudiée dans le but de déterminer si la différence entre les indicateurs économiques des pays de la zone économique étudiée se dissipe. Il s'agit donc, dans un premier temps, d'étudier à quel point la croissance des pays s'éloigne d'une croissance moyenne au sein de l'UEMOA.
Abdoul Aziz Wane (2004)[3] qui étudie la croissance dans l'UEMOA entre 1965 et 2002 ne trouve pas d'évidence de convergence du revenu par tête au sein de l'UEMOA sur la période étudiée.
Si l'on recentre le propos sur une période d'intérêt plus réduite allant de 1994 à 2002, il est possible de relever une timide amélioration de la convergence puisque sur cette sous-période, les écarts entre les PIB par tête des pays de l’UEMOA sont moins prononcés. Pour l'auteur qui se concentre sur l'évolution entre 1965 et 2002, le degré de convergence en 37 ans ne fait que de remonter à son niveau initial de 1965.
Abdoul Aziz Wane construit et utilise ensuite plusieurs modèles économétriques pour arriver aux résultats clefs qu'en UEMOA, il y a eu à la fois une convergence absolue et conditionnelle sur le long terme, à un rythme lent sur la période 1965-2002 Ces résultats font également ressortir le rôle prédominant du capital humain à court terme et surtout à long terme dans la croissance du PIB. L'investissement est ensuite le deuxième critère le plus influent sur la croissance du PIB par tête, devant la croissance de la force de travail et cela, autant sur le court que sur le long terme.
En 2012, Nacisse Palissy Chassem[4] teste également la convergence dans l'UEMOA en distinguant entre 1970 et 2005 des sous-périodes de convergence et de non convergence. Il définit également une convergence réelle mesurée par la convergence des PIB réels de l'Union et une convergence structurelle mesurée par la convergence de la Productivité Globale des Facteurs (PGF) côté offre et la Formation Brute de Capital (FBC) par tête du côté de la demande.
L'objectif de sa recherche est non seulement de conclure sur la présence ou l'absence de convergence mais également de déterminer si la convergence structurelle est une condition suffisante à la convergence réelle.
Le chercheur aboutit aux résultats suivants pour la convergence structurelle :
– de 1976 à 1993, on observe par le côté de la demande (FBC) une convergence structurelle ;
– de 1970 à 1975 et de 1994 à 2005, on observe une divergence ;
– par le côté de l'offre (PGF), on observe une convergence structurelle de 1976 à 1991 ;
– de 1970 à 1975 et de 1992 à 2005, on observe une divergence.
En sortant la côte d'Ivoire de l'étude du fait de la crise socio-politique qui perturbe les tendances économiques, Nacisse Palissy Chassem démontre une convergence réelle entre 1970 et 1991 et une divergence réelle entre 1992 et 2005 et prouvent que la convergence structurelle a été une condition nécessaire à la convergence réelle entre 1975 et 1991 et qu'elle a été une condition suffisante de 1992 à 2005.
Au regard des études de Abdoul Aziz Wane et de Nacisse Palissy Chassem, on retient qu'il n'y a pas de rattrapage systématique des pays les " plus avancés " de l’Union par les moins avancés entre 1965 et 2005. Néanmoins, il faut noter une légère amélioration des performances économiques relatives de ces derniers, mais cette amélioration est si faible que la démonstration de son existence est très sensible à la méthode utilisée. Les éventuels bénéfices apportés en terme de convergence par la création de l'UMOA en 1962 et de l'UEMOA en 1994 sont donc insuffisants pour permettre aux pays les plus défavorisés de rattraper les pays les plus riches de l'Union. Or cette convergence est à rechercher puisqu'elle permet l'intégration économique par un renforcement de la cohérence économique et par la réduction du nombre et de la profondeur des chocs asymétriques. Les études mentionnées montrent que les facteurs positifs pour la convergence dans l'espace UEMOA seraient le capital humain, l'investissement, la force de travail et la convergence dans l'Union de la productivité globale des facteurs. La convergence réelle étant conditionnée (de manière nécessaire ou suffisante) par la convergence structurelle, il apparait comme souhaitable d'opérer un re-design des critères de convergence nominal du pacte de convergence qui soit en faveur du développement du capital humain et de l’investissement.
Franck Viroleau
[1] L'idée qui suit a été développée par le néokeynésien et prix Nobel Solow dans son célèbre modèle aux fondements indéniablement néoclassiques. Cf. Solow, Robert (1956). "A Contribution to the Theory of Economic Growth", Quarterly Journal of Economics, 70, 65-94.
[2] Galor, O. D. (1996). Convergence? Inferences from theoretical models. Economic Journal, 106, 1056-1069.
[3] Wane, Abdoul Aziz (2004). Growth and convergence in WAEMU countries, IMF, working paper WP/04/198.
[4] Palissy Chassem, Nacisse (2012). S'intégrer pour s'enrichir: Y a-t-il convergence réelle et structurelle des pays de L’UEMOA ? , pp 73-94, Ottawa: Springer.
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Article très technique et intéressant. Cependant, tu ne prends pas en compte l'absence d'union politique au sein de l'UEMOA. L'union monétaire instaurée avant les décolonisation n'ont pas eu pour vocation l'augmentation de échanges entre les membres de la zone, bien au contraire. C'est probablement pour cette raison que la convergence économique est aussi faible. A partir de 2014, l'intégration économique au sein de la CEDEAO commencera à être effective (cf Tarif extérieur commun, nouvelles unions monétaires, développement des infrastructures de transport, remise en question du franc CFA…). A ce moment là alors l'analyse sur la convergence éco sera plus pertinente.