L’économie verte suscite un engouement indéniable partout dans le monde. De fait, elle est perçue comme une réponse globale aux nombreux défis des sociétés modernes (pauvreté, chômage, etc.) mais aussi aux nombreux maux de l’environnement créés par l’exploitation « irrationnelle » des ressources naturelles (changements climatiques, rareté de l’eau, etc.). Somme toute, il s’agit de l’extension des différents modèles économiques envisagés pour atteindre une croissance « saine » qui n’affecte pas l’environnement et dont l’impact est le plus fort sur la société, comme l’explique Kempf (2014). Cette transition nécessite un financement colossal. Selon les estimations du PNUE (2011), il faudrait près de 1 300 Mds USD (soit 2% du PIB mondial) par an pour assurer une croissance verte d’ici 2050. Il est espéré que ces ressources proviennent essentiellement du secteur privé ; les contraintes budgétaires ne pouvant pas permettre aux gouvernements d’asseoir ce modèle. Néanmoins, ils ont un rôle très important à jouer : celui de créer les conditions pour orienter les capitaux vers les secteurs verts de l’économie, selon Jacobs (2011).
L’économie verte requiert de nouvelles approches et des technologies novatrices dans tous les secteurs. A ce titre, l’Etat doit se positionner en initiateur mais aussi en facilitateur. Au-delà du cadre réglementaire qui pourrait imposer des obligations et des normes, les finances publiques pourront jouer un rôle dans le soutient à l’économie verte. D’une part, à travers les dépenses gouvernementales et d’autre part, à travers l’instrument fiscal.
Les dépenses gouvernementales constituent l’outil direct dont disposent les autorités. Les investissements publics devraient financer des infrastructures durables, comme les énergies renouvelables, la gestion des déchets, les transports en commun ou la restauration du capital naturel et le renforcement du capital humain, etc. A travers une telle stratégie, l’Etat oriente le secteur privé dans des secteurs verts, qui peuvent être porteurs de croissance et créateurs d’emplois. A titre d’exemple, l’investissement de 468 Mds USD prévu par les autorités chinoises dans des secteurs verts, notamment le recyclage des déchets, les technologies propres et les énergies renouvelables, à partir de 2011 et pour une période de 5 ans, devrait engendrer une croissance de 15 à 20% de l’industrie de la protection de l’environnement avec un effet multiplicateur de 8 à 10 fois supérieur à celui d’autres secteurs industriels, selon les estimation de la China Development Bank Corporation (2010). Aussi, à travers le mécanisme de subvention, l’Etat peut stimuler la croissance verte. De fait, les subventions sont mises en place pour encourager les bonnes pratiques entrepreneuriales ou pour soutenir certains secteurs d’activité. Il s’agira donc d’une part de supprimer les subventions aux secteurs qui sont dommageables pour l’environnement et d’autre part d’en fournir aux entrepreneurs des secteurs verts. Ce faisant, l’Etat crée des mesures incitatives qui attireront très certainement les entreprises dans ces secteurs et influenceront le marché. Ce procédé peut être étendu aux dépenses de fonctionnement, à la mesure où l’Etat peut se permettre de ne se faire fournir que par des entreprises étiquetées « vertes ».
En ce qui concerne l’outil fiscal, il peut être utilisé comme mesure dissuasive ou incitative. Dans l’un ou l’autre cas, l’objectif est de promouvoir la pratique des activités vertes et de réduire celles qui portent atteinte à l’environnement. Plus généralement, il pourrait s’agir de ce que l’ONU appelle une réforme « écologique » de la fiscalité : moins taxer certains facteurs de production comme la main d’œuvre et augmenter les taxes sur d’autres (revenu des entreprises, pollution ou émission de CO2, etc.). Cette mesure peut s’accompagner d’autres mesures comme les permis ou les consignes. Le premier (permis) permettra de fixer des limites quant à l’utilisation ou à l’exploitation d’une ressource donnée et d’envisager des sanctions financières significatives en cas de dérogation au renouvellement du permis. Le second (les consignes) met en place des conditions préalables à l’exercice d’une activité. Avec ces mesures, l’Etat crée un environnement favorable, mais non exclusif, pour le développement des secteurs verts. L’émergence de nouvelles activités avec un fort potentiel, attirera les fonds détenus par des institutions financières, à la recherche de nouveaux débouchés.
Plusieurs pays sous-développés, et africains en particulier, craignent que ces mesures ne ralentissent leur développement, parce que risquant de réduire les investissements, notamment dans les secteurs d’exploitation des ressources naturelles, principales sources d’exportation et de la croissance affichée aujourd’hui par ces pays. En réalité, elles constituent une véritable opportunité pour les pays africains qui cherchent à se développer et ce d’autant plus que l’économie verte tend à s’installer sur le continent, comme le constate Georges (2014). De fait, elles permettraient d’asseoir les fondements d’une croissance harmonieuse, durable et respectueuse de l’environnement. Toutefois, la réussite de cette transition dépendra des politiques mises en place par les autorités. La Corée du Sud, par exemple, consacre près de 95% de son plan de relance à des investissements verts alors que les pays de l’UE ou les Etats Unis s’appuient davantage sur des mesures fiscales (système d’échange de quota d’émission de gaz à effet de serre, taxe sur les carburants, taxes écologiques sur certains produits, etc.). Ainsi, les pays africains devraient accorder une place de choix à cette composante dans leur plan de développement tout en mettant en place des mesures incitatives pour attirer les capitaux privés, notamment dans les secteurs verts. Par exemple, les aides financières apportées aux entreprises exerçant dans les domaines de l’énergie (basée sur les ressources fossiles), de l’eau, de la pêche et de l’agriculture, réduisent certes les prix mais encouragent une utilisation excessive du capital naturel concerné. En même temps, elles font peser une charge répétée sur les finances publiques. L’élimination progressive des aides à ces secteurs ou la réallocation de ces aides vers les secteurs des énergies renouvelables, de l’industrie de la protection de l’environnement (recyclage des déchets, etc.) et l’introduction de taxes sur l’exploitation des ressources naturelles peuvent améliorer l’efficacité tout en consolidant les finances publiques et en libérant des ressources pour l’investissement vert. Ceci ne suppose pas l’abandon de l’exploitation des ressources. Il suggère plutôt une exploitation rationnelle, avec des conditionnalités économiques favorables et respectueuses de l’environnement et où les ressources financières issues de cette activité permettent de financer le capital économique intangible.
Finalement, la réussite de la transition vers une croissance verte dépend fortement de la détermination des autorités. L’administration centrale dispose des outils pour instaurer les conditions favorables pour l’implémentation et le développement de ce modèle. La stratégie devra s’appuyer sur un cadre réglementaire cohérent et une réorientation des investissements publics dans les secteurs verts, tout en mettant en place des stimuli verts pour inciter l’implication du secteur privé.
Foly Ananou
Références
Barbier Edward (2010). A Global Green New Deal: Rethinking the Economic Recovery. Cambridge, UK: Cambridge University Press.
UNEP (2011). Towards a Green Economy: Pathways to Sustainable Development and Poverty Eradication
Vera Kempf (2014). “Economie Verte, de quoi parle-t-on ? L’Afrique Des Idées.
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Et oui contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, l'Etat a un rôle majeur à jouer dans la transition vers une économie verte.