Soit l’apologue suivant.
Il était un pays, Maskini. Dans ce pays, on trouve des hommes et des femmes habités par le désir d’améliorer leur condition matérielle au moyen de la force de leurs bras. Mkandarasi, un habitant de la capitale de Maskini, a été frappé par une étincelle divine. Il a eu une idée géniale : la manière optimale de fabriquer le produit Bidhaa qui est le produit le plus vendu à Maskini. Comme pour toute entreprise, Mkandarasi a besoin de sous pour se payer les outils de production (machines, etc.) afin de mettre en application son idée. Il va voir le banquier de sa ville et lui dit : Monsieur le banquier, j’ai trouvé la meilleure façon de produire Bidhaa. Daignez me prêter 8000 afin que je puisse démarrer mon activité. Le banquier lui répondit : Monsieur, votre projet m’intéresse mais, le risque étant important, il me faut une hypothèque. Et Mkandarasi s’écria : J’ai une parcelle de 20 hectares dans un village à 30 km d’ici et tous les habitants du village savent que j’en suis le propriétaire. Je vais l’utiliser comme collatéral ! Le banquier répliqua : Apportez-moi les papiers prouvant que vous détenez une telle parcelle et, par suite, je vous prête le montant demandé. Puis Mkandarasi répondit : Monsieur le banquier, je n’ai pas de papiers, de titres de propriété. Mais, je vous assure, tous les habitants du village me connaissent et savent que les 20 hectares, appartenant autrefois à mon défunt père, sont ma propriété. Je peux vous y conduire pour recueillir des témoignages. Le banquier répondit : Désolé, je ne puis vous accorder le prêt demandé. Mkandarasi repartit bilieux de la banque.
Que raconte cet apologue ? Mkandarasi, n’ayant pas obtenu de crédit à la banque, n’a pas pu démarrer son entreprise : ça, c’est ce qu’on voit. Ce qu’on ne voit pas :
- Ce sont tous les emplois qu’aurait créés Mkandarasi (directement, en employant des ouvriers dans son entreprise, indirectement en achetant des machines-outils auprès d’autres entreprises),
- C’est le pouvoir d’achat qu’auraient gagné les habitants de Maskini ; le produit Bidhaa coûterait très probablement moins cher car serait produit avec des techniques de production optimisées,
- C’est le désir de création de Mkandarasi (entrepreneuriat) qui n’est pas encouragé. Il risque de ranger dans les placards les prochaines étincelles divines qu’il recevra,
- C’est Mkandarasi qui, ne pouvant pas s’enrichir par les fruits de son entreprise, n’enrichit pas non plus l’Etat via le paiement des impôts,
- C’est l’Etat qui, privé des recettes des impôts qu’aurait payés Mkandarasi, n’est pas assez riche pour financer des secteurs comme l’Éducation, la Santé publique.
Bref, je pourrais dresser à l’infini la liste des conséquences. Quel a été l’élement qui a fait défaut Mkandarasi ? Les droits de propriété. L’absence de droits de propriété a été le point de départ de l’enchaînement des répercussions sus-citées.
Malheureusement, il est, en Afrique, beaucoup de pays à l’image de Maskini. Beaucoup de pays ne détenant pas un régime formel de droits de propriétés. Beaucoup de pays où les règles gouvernant la propriété varient d’une rue, d’un logis à un autre. Selon l’indice International Property Rights Index, sur les 50 pays les moins notés en matière de droits de propriété, la moitié se trouve en Afrique.
Néanmoins, à chaque élection, les candidats chantent : Enrichissement, enrichissement des peuples !
Que de balivernes. Que de billevesées.
Dans ces pays, se trouvent des millions de Mkandarasi, des gens qui sont riches de biens et non de capital. Les africains possèdent des biens mais pas de capital, voilà qui peut surprendre. Ces biens, l’économiste Hernando de Soto, les appelle du « capital mort » ; c’est-à-dire des biens improductifs. Sans un système légal gérant les droits de propriété, pas de capital. La difficulté réside en ce que le capital est mal compris car intangible.
L’homme a inventé l’horloge, le calendrier pour rendre tangible le temps ; la notation musicale pour rendre tangible la musique ; le système juridique de droits de propriété pour donner vie au capital. Ce qui convertit un bien en capital c’est le système légal de droits de propriété.
La croissance économique n’est que le résultat de l’utilisation efficiente (« darwinienne », dirait l’économiste Charles Gave) du stock de capital dont dispose une nation. Donc, pas de croissance économique sans capital et pas de capital, sans système de droits de propriété efficace et accessible (donc un état de droit).
C’est l’inadaptation du système juridique de la propriété qui constitue le terreau de la pauvreté en Afrique.
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