La récente admission du Rwanda au Conseil de Sécurité de l’ONU en tant que membre non permanent a ravivé les tensions entre Kigali et Kinshasa. En effet, la République Démocratique du Congo a activé, en vain, tous ses leviers diplomatiques pour que son encombrant voisin ne puisse bénéficier de pareille reconnaissance sur le plan international. Cet échec de la RDC confirme une fois de plus le grand bon diplomatique réussi par le Rwanda depuis près de deux dernières décennies. A coté d’une situation économique de plus en plus fleurissante, Kagamé est en passe de faire de Kigali une capitale diplomatique qui compte en Afrique.
Retour sur un conflit qui dure depuis près de deux décennies et dont les effets continuent à être dévastateurs pour cette zone géographique au potentiel énorme.Massacres, viols, mutilations, non accès à l'assistance humanitaire, destruction d’écoles et d’hôpitaux, enlèvements d’enfants incorporés de force aux groupes armés… Les conséquences dramatiques du différend entre frères ennemis rwandais et congolais sur la population civile sont légion. Ce conflit dont l’origine est au croisement de considérations ethniques, de raisons économiques et de calculs géostratégiques impliquant d’autres pays, voisins ou non, fait de l’immense terrain de chasse qu’est devenue la RDC, une zone d’instabilité chronique.
Tout part du génocide rwandais de 1994 qui a vu le massacre organisé de la population d’ethnie tutsie par des membres de l’ethnie hutue. Après l’arrêt du génocide et la prise du pouvoir par les Tutsis sous la houlette de Paul Kagamé, des centaines de milliers d’Hutus fuyant les représailles des nouveaux hommes forts de Kigali se sont réfugiés dans l’Est de ce qui était à l’époque le Zaïre avec la bienveillance de Mobutu.
A Kigali on est très vite convaincu que les camps de réfugiés nés de cette situation sont sous la coupe des milices hutues Interahamwe et de membres hutus de l’ancienne armée rwandaise, donc de génocidaires. Sous prétexte qu’ils préparent une invasion, la nouvelle armée rwandaise convoque la nécessité de défendre son intégrité territoriale pour occuper cette partie orientale du Zaïre. Mais derrière cette raison militaire se cache une autre beaucoup moins avouable, corroborée notamment par un rapport de l’ONU à l’époque : le dessein de Kigali est aussi, à terme, de faire main basse sur une partie des richesses du Zaïre. Comme pour donner du grain à moudre aux tenants de cette thèse, le Rwanda, qui rejette pourtant les accusations de l’ONU, arme d’abord les rebelles tutsis zaïrois Banyamulenge puis, avec l’Ouganda, l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila.
Ce dernier, avec l’aide de ces deux pays, parvient à évincer Mobutu du pouvoir en 1997. Il rebaptise le pays République Démocratique du Congo (RDC). Un an plus tard, en 1998, il décide de tourner le dos à ses alliés après en avoir trouvé d’autres jugés moins encombrants. Ainsi se sépare t-il de son chef de cabinet rwandais James Kabarebe, celui là même dont le général tutsi congolais Laurent Nkunda, entré en rébellion, dira quelques années plus tard, alors qu’on lui reprochait son allégeance à Kigali, qu’il a été le mentor de Joseph Kabila – héritier de son père à la tête de la RDC. Par conséquent, à en croire ces allégations, Kabila fils était lui aussi quelque part membre de l’armée rwandaise car formé dans le maquis par Kabarebe. Un raccourci hâtif certes mais qui en dit long sur l’influence que le Rwanda cherche à cultiver chez les dirigeants congolais.
Influence dont Laurent Désiré Kabila tenta toujours de se départir. Ses deux alliés traditionnels jugèrent alors opportun de le renverser mais c’était sans compter avec l’intervention de ses nouveaux alliés (Angola, Zimbabwe, Namibie, Libye, Tchad, Soudan) qui ont vu tout l’intérêt, d’ordre militaire parfois (démantèlement des bases de l’UNITA au sud de la RDC pour l’Angola) mais surtout économique qu’ils pouvaient chacun tirer de la situation compte tenu des trésors que renferme le sous-sol congolais. Cette démarche de Kabila père produira ce qu’on a appelé la deuxième guerre du Congo ou la première guerre continentale africaine. Elle dura quatre années (1998-2002).
Les accords de paix de Lusaka d’abord en 1999, puis Pretoria et Luanda en 2002, sont venus stabiliser relativement la région avec notamment le départ des 20 000 soldats rwandais présents dans l’Est de la RDC. Cependant, en dépit de tous ces accords, de ceux qui ont suivi (Nairobi 2006), de la présence de casques bleus et de l’organisation d’élections nationales qui ont conforté Joseph Kabila, de nombreux groupes armés souvent sponsorisés par des gouvernements étrangers continuent à opérer sur le territoire congolais. Cette instabilité chronique anéantit toute possibilité de développement du pays et de normalisation des relations entre Kinshasa et Kigali.
Une bonne partie de la population civile congolaise ne voit ainsi toujours pas la fin de cette guerre qui, de par sa durée, la multiplication de ses acteurs, le caractère à la fin illisible des revendications, des alliances et des parties prenantes, résiste à toute forme de bilan chiffré. En effet, nul ne sait exactement le nombre de victimes directes et indirectes engendrées par le chaos qui prévaut depuis des décennies dans le Kivu
Le Rwanda que plusieurs rapports de l’ONU, dont il vient d’accéder au Conseil de Sécurité, ont pointé du doigt ces dernières années quant à sa responsabilité conjointe avec l’Ouganda dans le pillage des ressources congolaises, continue de clamer sa légitimité sur toute une partie orientale de la RDC sous prétexte que cette zone, riche en ressources minières, serait « historiquement rwandaise ». Autant le dire sans nuance : tant que ce point de vue sera défendu par Kigali, la guerre larvée entre ces deux pays ne connaitra pas son épilogue.
Racine Demba
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Il est effectivement aberrant qu'un pays directement responsable de la situation au Kivu soit admis au Conseil de sécurité. Les dirigeants de l'Onu ne font-ils pas double jeu? Décrier le rôle du Rwanda dans ce massacre à l'est de la RDC, puis l'admettre dans une instance de décision aussi importante est bizarre. Les théories du complot ont, ma foi, de beaux jours devant elles. Suivez mon doigt: mines-crise-missions…
Je crois que la connaissance du dossier du ruanda est necessaire et cela d1920 a 1961 pour saisir le drame de ce pays et l'utilsation faite de cela pour aller piller le Congo par les USA, la GR bretagne ,la belgique ,Israel et les multinationales( 100)de l'occident.
un nombre important des documents et rapports des nations unies et les documents du tribunal d'arusha sont la disponibles pour toute personne qui veut avoir la verite sur ce dossier.
J'invite Demba de se documenter seriesement afin de pouvoir connaitre la verite qui est differente de la version du regime de Kigali
Hélas…