On se sent forcément concerné quand on suit les déboires du camerounais Stéphane Tiki en France. Arrivé dans l'Hexagone en 2006, Tiki ne se suffisait pas apparemment de son statut d'étudiant camerounais de la Sorbonne. Il décide de s'engager en politique, à l'UMP jusqu'à en devenir récemment le président du mouvement des jeunes. Une « belle » histoire comme on sait nous en vendre en Afrique, d'un fils du continent qui aurait réussi à se faire une place au soleil de l'Occident. Sauf que la machine se grippe. Un journal français informe que Stéphane n'a pas la nationalité française et pire qu'il est même sans-papiers. Le comble pour quelqu'un qui dirige une instance du plus grand parti de la droite française. Dans un communiqué laconique, Tiki annonce sa démission le temps de l'aboutissement de sa procédure de naturalisation ; procédure qui finalement n'existait que dans son esprit mais nulle part sur la table de l'administration française.
Je ne suis ni pour, ni contre la double nationalité. J'ai une attitude de stricte neutralité, voire un désintérêt, sur le sujet. J'ai constaté en Europe, chez plusieurs africains issus de l'immigration, un questionnement identitaire permanent. Au rêve de l'idéalisation de l’Éden du « bled » succède le désenchantement du rejet. A la tentative d'expression d'une normale occidentalité se fige le mur du rappel permanent des origines. Mais le cas Tiki est symptomatique d'un autre état dans lequel une frange de la jeunesse africaine se laisse enfermer. Elle cherche à s'approprier une société qui n'est pas la sienne. Dans quel dessein ?
Est-ce l'amour puissant et sincère pour le pays d'accueil comme le clame Stéphane Tiki ? Ou le besoin de vivre de façon plus sereine face à la rigueur des démarches administratives ? Qui a été étudiant africain en France connaît la rudesse de certains soirs d'hiver où la chaleur du pays natal semble si lointain. Aucun français ne peut mesurer la solitude de l'étudiant sur qui tous les regards se tournent en soirée quand la playlist sort des sonorités africaines, antillaises (peu importe). « Tu es africain, vous avez le rythme dans le sang, vous…»
Je peux comprendre le besoin d'affirmation, de gommer ses différences (même son accent pour Tiki). Mais l'intégration ne peut absolument signifier la négation de soi -même. J'ai vu certains hurler au complexe, voire au manque de respect du jeune homme vis-à-vis de l'Afrique et des Africains. Non, Stéphane n'a manqué de respect qu'à Tiki. A personne d'autre.
Le voir sur des vidéos parler de « compatriotes », de « service civique à rétablir » et de son envie de servir via un « mandat électif », m'a fait sourire d'abord. Puis, j'ai été triste. Enfin, cela m'a vraiment glacé. Pourquoi s'infliger cet exercice permanent de mensonge et de dissimulation de son identité ?
En tous les cas, des injures aux railleries, Stéphane Tiki a vu sa jeune carrière de dirigeant politique tourner (définitivement ?) court. Le garçon, au-delà de la schizophrénie et de l’opportunisme, était aussi un modèle du mensonge. Après s'être insurgé sur les réseaux sociaux contre le droit de vote pour les étrangers hors UE et approuvé la reconduite à la frontière d'une kosovare sans papiers avec toute sa famille, Tiki vit un douloureux retour normal de l'ascenseur.
Toute cette semaine, j'ai été assez actif sur internet pour fouiner dans la vie de Tiki et sa carrière politique. Les articles, vidéos et publications sur les réseaux sociaux que j'ai consultés montrent que le jeune homme s'est englué depuis des années dans une spirale du mensonge et de la manipulation. Mais mes recherches m'ont aussi convaincu qu'il a du talent, du dynamisme, de la capacité d'animation et de mobilisation et beaucoup d'énergie.
Quel serait l'apport de ce jeune homme à son pays ? L'opposition camerounaise, face aux 32 ans de pouvoir de Paul Biya a certainement besoin du talent politique de Stéphane Tiki. Au lieu de faire le Noir de service auprès des racistes de la Droite forte, Tiki rendrait un énorme service à son pays, à la vitalité démocratique de ce pays qu'il ne cesse de renier depuis une décennie déjà.
Stéphane demandait que les étrangers en situation irrégulière soient reconduits à la frontière « conformément à la loi ». Il ne faut pas que les autorités françaises lui appliquent le même traitement. Il ne se remettrait pas d'une vie loin de la rue de Vaugirard, de ses camarades de parti et de ses « compatriotes ».
Hamidou Anne
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Magnifique texte. Mais je ne comprends toujours pas comment il a pu se retrouver dans cette situation (Absence d'opportunités au Cameroun ? Manoeuvres de ses adversaires politiques ?). J'ai le pressentiment qu'il va rebondir.
Article brillant. Tu ne cèdes pas à la raillerie facile que j'ai lu sur les réseax sociaux. Tu sépares bien deux aspects : la schizophrenie du personnage et son talent politique. Quel tour de force. Etre numéro 1 de la jeunesse de l'UMP sans avoir aucun titre de séjour, c'est digne d'un vray feyman camerounais. Dans les rires que j'ai lus sur Facebook, je pense que cette rupture, ce déni de soi parle à beaucoup.
Biya lui a surement fait dégouter le Cameroun. Existe-t-il un parti dans son pays où il pourrait être propulsé à la force de ses convictions et sans copinage et clientelisme?
Excellent article!
Merci !
@GV, je pense qu'effectivement que c'est un de ses camarades de parti qui a ébruité la situation administrative de Tiki. Eu égard, aux violentes bagarres qui existent entre les différents courants du parti sur fond de lutte des places pour 2017, cela est très crédible. Certains parlent des proches de NKM vu que Tiki est membre de la Droite Forte, l'aile la plus proche du FN de l'UMP. A noter que l'info est d'abord sortie par le journal d'extrême-droite Minute avant d'être reprise par Le Canarad Enchainé.
@Réassi, tes interrogations sont pertinentes et rejoignent la première question de George-Vivien. Mon avis, (je n'ai pas voulu en parler dans l'article) est que le cas de Tiki est possible à cause la manière de faire de la politique dans plusieurs partis en Afrique. Les places sont chères, les jeunes largement écartés et le renouvellement des élites politiques ne se fait pas très souvent. La faut au copinage et au clientisme. L'article de Fary Ndao paru sur nos pages concernant le jeune Malick Noël Seck au PS sénégalais était largement revenu sur le sujet.
Goor Tiki leu Stéphane ! Haha.
Non mais tu as raison, il s'est enfoncé dans le mensonge mais son casse (faire main basse sur les jeunes UMP en étant noir et sans papiers) dénote d'un talent certain ! Bel article camarade !
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