Quelle est la place de la Francophonie en Afrique ?

A la veille de l’ouverture du sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie en République Démocratique du Congo, pays aux multiples imbrications politiques et militaires, il est important d’analyser les enjeux de ce grand rendez-vous diplomatique en Afrique.

Il n’est pas fortuit de confier l’organisation de ce sommet à la RDC qui, il faut le rappeler, est le plus grand pays francophone au monde, avec ses 69 millions d’habitants.
 

Ce sommet pourrait être celui d’un nouveau tournant pour une organisation qui, tant bien que mal, ne cesse d’essayer de compter dans le jeu diplomatique mondial. Cela, du fait de l’intérêt croissant qu’elle accorde dorénavant aux problématiques liées à la paix, la démocratie, l’Etat de droit et la préservation des droits de l’homme.
 

Ce sommet en Afrique centrale comporte une importance capitale eu égard à l’importance du continent dans la préservation de l’identité francophone. L’Afrique est encore le dernier rempart de l’avancée massive de l’anglais sur les bases francophones. Faut-il rappeler que sur les 56 pays membres de plein exercice de l’OIF, 30 sont africains. En outre, selon les chiffres de l’organisation, 96 sur les 220 millions de locuteurs francophones dans le monde vivent en Afrique.
Dès lors, l’on ne peu négliger la place que devrait occuper l’OIF en Afrique et l’ambition qui devrait être sienne de toujours y solidifier ses bases.
 

La place de la francophonie en Afrique ne peut être analysée seulement à l’aune de la consolidation de la présence et de l’influence de la France sur le continent. Ce serait tout de même faire preuve d’une grande naïveté de faire fi de cet aspect. Mais les relations entre le continent et la langue française découlent d’un passé qui a vu des chefs d’Etat africains prôner, défendre et construire une entité regroupant tous les locuteurs de cette langue au lendemain des indépendances. Léopold Senghor, Habib Bourguiba, Hamani Diori…furent les pionniers de cette unité organique des francophones qui, au début, jouait le rôle de lien entre la France et ses anciennes colonies.
 

Si au départ, le sentiment d’appartenir à une même communauté cimentée par la langue a prévalu à la création de l’OIF, d’autres enjeux plus politiques ont rejoint le chapelet des principes, missions et objectifs qui délimitent le champ d’intervention de l’organisation.
Ainsi, l’OIF est de plus en plus présente, depuis la Déclaration de Bamako, sur les questions de démocratie, de paix et de droits de l’Homme.
 

C’est cette orientation, plus ou moins récente donnée à l’OIF qui a prévalu à l’établissement de plusieurs mécanismes avec des résultats encore relatifs sur le terrain. Ainsi, Abdou Diouf avait pris des positions tranchées lors de la crise ivoirienne en demandant à Gbagbo de quitter le pouvoir après son refus de se conformer au verdict des urnes.
D’ailleurs, trois pays ont encore subi les foudres de la communauté francophone. Le Mali, la Guinée Bissau et le Madagascar sont suspendus de l’OIF à la suite des crises qui ont vu le fonctionnement normal de leurs institutions rompus. Ces pays ne seront pas représentés au ballet diplomatique de Kinshasa et ne pourront réintégrer les structures de l’organisation que lorsque la démocratie y sera rétablie.

Mais malgré ses positions régulièrement déclinées sur le continent, l’OIF peine à s’imposer en Afrique comme un géant politique et diplomatique capable de peser un poids énorme dans la résolution des crises institutionnelles nombreuses encore sur le continent. Ainsi, lors de plusieurs conflits intra ou inter pays du continent, elle ne s’en remet souvent qu’aux laconiques et répétées déclarations de principe et autres appels souvent peu entendus et suivis.

La situation conflictuelle qui demeure entre la RDC et le Rwanda, et qui a contribué au « boycott » du sommet de Kinshasa par le président Kagamé, (il sera finalement représenté par sa ministre des affaires étrangères) malgré les pressions amicales d’Abdou Diouf sont symptomatiques de la faiblesse diplomatique de l’organisation.
Kinshasa devait pourtant valablement servir de cadre de dialogue propice entre les deux pays qui s’accusent mutuellement de déstabilisation par groupes armés interposés. On se souvient que Dakar servit de cadre, la veille du sommet de l’OCI, de signature d’un accord de paix entre le Tchad et le Soudan.

Cette absence de poids diplomatique réel en Afrique constitue une tare assez incompréhensible du fait du nombre conséquent de pays africains membres de l’OIF, du leadership qu’incarne depuis 2002 Abdou Diouf à la tête de l’organisation et des nombreux fonctionnaires issus du continent qui servent dans toutes les sphères de l’organisation.
En effet, il suffit d’effectuer un tour au 19-21 de l’avenue Bosquet, siège de l’OIF, pour se rendre compte de la place que cette organisation devrait occuper sur le continent eu égard au nombre important de ressortissants africains qui y travaillent.
 

Il faut maintenant observer le déroulement de Kinshasa 2012, attendre ses conclusions afin de voir ce qui va sortir de ce grand rendez-vous transcontinental. L’OIF exploitera t-elle enfin le fort potentiel qu’elle détient sur le continent ? La réponse, elle est en anglais, un crime de lèse-organisation, wait and see !
 

Hamidou Anne