Zoom sur un pays : la Namibie, un des plus jeunes Etats d’Afrique

namibie-mapSLa Namibie a émergé en tant qu’Etat en 1990 après une longue lutte contre l’occupation Sud-Africaine et le système de l’Apartheid. Situé sur la côte sud-ouest de l’Afrique, ce vaste pays peu peuplé (avec 2 millions d’habitants, il est l’un des pays les moins densément peuplé au monde) se trouve entre les deux puissances économiques d’Afrique Australe, à savoir l’Afrique du Sud et l’Angola. Depuis son indépendance, la Namibie a joué un rôle stabilisateur dans la sous-région. La stabilité politique du pays sous l’autorité du parti historique SWAPO (qui a guidé la lutte pour l’indépendance) reste un atout considérable dans l’attraction des investissements et l’efficacité de l’aide au développement dans ce pays, qui a réalisé des progrès constants en termes de développement humain mais reste confronté à des défis majeurs.

L'Indice de Développement Humain de la Namibie est de 0.625 (soit plus que l’Afrique du Sud) et le pays est considérée comme un pays à revenu intermédiaire, se situant au 11ème rang africain pour l'IDH, et au 5ème rang en termes de revenus par habitant (avec un revenu quatre fois supérieur à celui de la moyenne d’Afrique Subsaharienne, et équivalent à celui de certains pays d’Europe Centrale et Orientale). 

Richesse et inégalités, le paradoxe namibien

L’écart entre le revenu et le niveau de développement qui est constaté peut être attribué à deux facteurs majeurs. La pandémie du Sida en premier lieu, qui touche sévèrement le pays et affecte plus d’un quart de la population adulte, réduisant l’espérance de vie et menaçant le processus de développement. La réduction des inégalités ensuite. La répartition des revenus en Namibie reste en effet l’une des cinq plus inégalitaires au monde, malgré une amélioration de la situation au cours des dernières années (le coefficient de Gini a ainsi baissé de 0.7 à 0.6 mais reste deux fois plus élevé que dans un pays comme la France). 

Un pour cent de la population concentre près de la moitié des richesses, ce qui accroit les tensions sociales, d’autant plus que ces inégalités se superposent au clivage racial hérité de l’époque de l’Apartheid. Comme en Afrique du Sud ou au Zimbabwe voisins, les inégalités alimentent l’insécurité et sont sources de tensions politiques autour du statut de la minorité blanche (environ 7% de la population Namibienne), d’autant plus qu’une proportion alarmante de la population noire est au chômage (globalement, plus de 50% de la population active n’avait pas accès à l’emploi en 2008).

NamibieUne économie ouverte

L’économie namibienne est soumise à une dépendance importante vis-à-vis de l’extérieur, à la fois du côté des importations (la consommation reste très liée à l’Afrique du Sud, y compris pour les produits de base) et des exportations. L’industrie minière (uranium et diamant, pour lesquels la Namibie est parmi les premiers exportateurs mondiaux) représente près de la moitié des revenus en devises, et entraîne de nombreux secteurs en aval (contractants en construction, approvisionnements…). L’uranium fait par ailleurs de la Namibie, en tant que quatrième exportateur mondial, un pays aux ressources stratégiques, ce qui a un impact sur ses relations avec l’étranger. 

La pêche est également un secteur exportateur, essentiellement à partir de la ville de Walvis-Bay, dont le port constitue véritablement une porte d’entrée, non seulement pour la Namibie, mais aussi pour la Zambie et le Botswana. La qualité des infrastructures de transport (notamment avec un très bon réseau routier, mais aussi des lignes ferroviaires et des infrastructures portuaires aux normes internationales) a ainsi des retombées positives sur toute la région.

Deux axes de développement durable

L’intégration régionale dans le cadre de la SADC, est un facteur d’opportunités pour la Namibie, lui offrant débouchés et facilités d’approvisionnement. De plus, près de 40% du budget de l’Etat provient des droits de douane reversés par la SACU, la plus ancienne union douanière du monde, réunissant l’Afrique du Sud et ses voisins. Cette double appartenance n’empêche pas la Namibie de nouer des relations commerciales importantes au-delà de la sous-région, en particulier avec l’Union Européenne et la Chine.

Le tourisme quant à lui est un secteur particulièrement dynamique et prometteur pour l’avenir, attirant chaque année plus d’un million de visiteurs et faisant du pays une des premières destinations en Afrique et un des leaders mondiaux de l’écotourisme. L’étendue du pays et ses paysages uniques, en particulier dans le désert du Namib (qui est depuis 80 millions d’années, le plus ancien désert au monde), la richesse de la faune, la diversité des cultures et la qualité des infrastructures font de la Namibie un pays véritablement exceptionnel et qui vaut le détour.

Nacim KAID Slimane

La SADC : Géant ou nain africain ?

 

Un récent article de l’hebdomadaire britannique The Economist intitulé « Africa Rising » (l’Afrique qui monte) constatait qu’au cours de la dernière décennie, 6  des 10 économies ayant enregistré les taux de croissance les plus élevés de la planète étaient africaines. Avant de rajouter que sur 8 des 10 dernières années, le taux de croissance global de l’Afrique avait été supérieur à celui de l’Asie de l’Est. Pourtant, en dépit des nombreux progrès enregistrés, le poids relatif de l’Afrique à l’échelle de la planète demeure encore négligeable. En 2010, celui-ci représentait 2.7 % du PIB mondial (63 billions de $). Un ordre de grandeur qui bien que devant être considéré avec circonspection à bien des égards, situe le continent et son milliard d’habitants derrière l’Italie (60 millions d’habitants) ou le Brésil (190 millions d’habitants).

De la nécessité d'une intégration africaine

On l’aura bien compris, sous l’angle économique et pour des raisons précédemment évoquées à Terangaweb, la totalité du continent pèse peu, même pris «théoriquement » comme un ensemble homogène. Divisé aussi le plus souvent par les forces politiques centrifuges des pays qui le compose, son influence se réduit alors à la portion congrue sur la scène internationale.

A cet égard, l’intégration au sein de sous-ensembles régionaux constitue une sérieuse option dans la résolution de cette double difficulté africaine qu’est la faiblesse du continent à l’échelle économique et l’absence de réel projet fédérateur entre pays. Une approche inclusive, globale et gradualiste qui sans être parfaite, ni dénuée d’inconvénients, n'en constitue pas moins une réelle alternative de sortie par le haut. Probablement la meilleure en l’état actuel des choses. Le continent dispose déjà d'un certain nombre d'organisations intégrées économiquement et politiquement (UMA, UEMOA, CEMAC, SADC, EAC…). Chacune de ces entités ayant sa propre histoire, son agenda distinct, ses méthodes et moyens spécifiques, ainsi que son bilan caractéristique.

 

Une emblématique organisation régionale africaine : la SADC

 

Parmi ces communautés intégrées africaines, la SADC (acronyme pour Southern African Development Community ou Communauté de développement d’Afrique australe en français) occupe une place à part, celle qui revient au primus inter pares. Géant géopolitique et économique, la SADC cristallise les attentes et espoirs, mais aussi les doutes et craintes liés à la question de l’intégration africaine. Est-elle une structure interétatique qui fait la différence ou une coquille vide ? Fait-elle figure de modèle à émuler ou au contraire de contre-exemple à éviter ? In fine, au-delà du poids théorique de la SADC, quelle influence réelle sur la scène africaine ?  Une problématique à la mesure des enjeux de l’intégration sur le continent.

 

 

 

Etats membres de la SADC 

La SADC est officiellement née le 17 août 1992 au sommet de Windhoek (Namibie), en remplacement de la SADCC (Southern African Development Coordination Conference) fondée en 1980. Ce passage de flambeau avait alors valeur de symbole, car la SADC du début des années 80 était d’abord et avant tout une organisation inter-gouvernementale de 9 états d’Afrique australe (Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe) dirigés par la majorité noire, et qui luttaient collectivement contre la domination blanche de l’Apartheid sud-africaine. L’intention initiale était donc clairement politique. La fin des lois de ségrégation raciale en Afrique du Sud une décennie plus tard modifie de facto la donne et la nouvelle SADC qui est portée sur les fonts baptismaux réoriente son credo en tenant compte des temps nouveaux. Un changement de paradigme qui consacre la primauté de la dimension économique sur le volet politique.

 

Un géant économique aux pieds d'argile

 

La SADC d’aujourd’hui, c’est près de 260 millions d’habitants (le quart de la population africaine) sur une superficie de près de 10 millions de km2 (un tiers du continent) et pour un PIB d’environ 650 milliard de $ (environ 40 % du PIB continental). D’un point de vue pratique, l’intégration économique est réellement effective depuis 2000, date à laquelle une zone de libre-échange est progressivement instaurée. L’établissement de celle-ci n’a cependant pas de valeur contraignante puisqu’elle se fait sur la base du choix individuel de chaque état à la rejoindre. A ce jour, seuls 3 états membres sur les 15 que compte l’organisation ne l’ont pas encore fait (Angola, RD Congo et Seychelles).  Alors, la SADC géant économique africain ? A l’aune de la part relative de celle-ci au niveau du continent, assurément. Mais les chiffres ne disent pas tout. Les deux tiers de la richesse produite par la zone le sont en fait par le vrai géant, l’Afrique du Sud. Certains états membres de la SADC pourraient même être considérés comme des satellites relevant de l’aire d’influence de la nation arc-en-ciel (Lesotho et Swaziland notamment). Et à la différence d’autres organisations régionales africaines plus homogènes, les disparités socio-économiques entre nations sont parfois abyssales. Un seychellois dispose ainsi d’un revenu en moyenne 50 fois supérieur à celui d’un congolais. Une convergence économique à brève échéance est dès lors illusoire.  Enfin, on notera qu’il existe une juxtaposition d’autres ensembles sous-régionaux qui chevauchent, au gré de leurs pays membres, l’aire occupée par la SADC. Il en est ainsi de la SACU (Southern Africa Customs Union),  la COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa) et l’EAC (East African Community). Une situation parfois équivoque, et potentiellement génératrice d’intérêts conflictuels.  

 

 

Un bilan politique encore imparfait

 

Car au-delà de la dimension économique, l’autre aspect essentiel de la SADC est la gestion politique commune des intérêts de l’ensemble régional.  Education, santé, armes à feu, corruption… La SADC a progressivement instauré un ensemble de protocoles sur des enjeux collectifs spécifiques. Protocoles qui conditionnent ensuite la mise en place des politiques à l’échelon national. Un processus d’uniformisation qui est cependant à géométrie variable puisque nombre de domaines ne font l’objet d’aucune convention et continuent à relever exclusivement des gouvernements nationaux. A ce titre, bien plus que d’intégration, il faudrait plutôt ici parler de simple coordination politique. Un mécanisme allégé de coordination et de coopération, qui limite de facto la portée réelle du pouvoir de la SADC sur certaines questions contemporaines relevant de sa sphère (Madagascar, Zimbabwe, Congo…). 

 

Au final, quel jugement porté sur la SADC ? Un géant économique et un nain politique ? Une organisation régionale qui est le jouet d’intérêts politiques nationaux divergents, mais qui peut néanmoins s’avérer décisive pour jeter les bases d’une intégration économique réussie, vecteur de la prospérité de demain ? C’est tout cela à la fois et à ce titre, elle incarne bien les défis de l’intégration africaine. Avec sa part de possibilités et ses limites, ses espoirs et ses illusions.   

 

                                                                                                                                                                 Jacques Leroueil