Rencontr’Afrique n°2 : Takeaways

cogneau-denis

Ce samedi 23 novembre 2013, L’Afrique des Idées a organisé la deuxième édition des Rencontr’Afrique à Paris. Cette rencontre a été l’occasion d’échanger avec Denis Cogneau sur l’histoire économique de l’Afrique et les perspectives qu’on peut envisager au regard des performances économiques actuelles du continent. Voici quelques idées qui ont émergé des échanges :

  1. Les vagues d'afro-optimisme et d'afro-pessimisme sont nourries par la méconnaissance des réalités africaines. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’entreprendre un travail d’éclairage sur l’histoire économique de l’Afrique et d’identification des enjeux du continent.
  2. Les comparaisons qui sont faites entre l’Afrique et d’autres régions du Monde peuvent être fallacieuses dans la mesure où chaque région à de très fortes spécificités historiques qui caractérisent ses institutions et ses performances économiques.[1] Il est bien sûr possible que de nouvelles dynamiques économiques se mettent en place, comme c'est cas dans les pays d’Asie, mais cela implique des changements assez profonds et radicaux.
  3. La colonisation a joué un rôle ambigu dans le développement de l’Afrique. Si elle a bien correspondu à l'introduction de l'école et de la culture écrite, ainsi qu'à certains progrès en matière de santé, il convient de rappeler que de nombreux investissements coloniaux ont été financés par les impôts prélevés sur les colonies elles-mêmes, et cela quel que soit le colonisateur. Dans le cas français, il y a certes eu des investissements massifs en infrastructures juste avant les indépendances; cependant, ces derniers avaient aussi pour but de conserver l’emprise de la métropole sur ses ex-colonies.
  4. Dans la plupart des cas, les élites locales ont conservées les institutions extractives mises en place par les colonisateurs, sources d'une perpétuation des inégalités. Dans un cas comme la Côte d’Ivoire, il y a eu toutefois des investissements majeurs dans les infrastructures et la mise en place d'une administration publique relativement efficace.
  5. La forte dépendance des recettes fiscales vis-à-vis des exportations de matières premières et le train de vie élevé de l’Etat ont conduit aux ajustements structurels à partir des années 80. Quoique ces politiques aient été plus ou moins mises en œuvre dans la plupart des pays, elles ont généralement conduit à une dégradation des conditions sociales. Cette situation a été à l’origine des visions pessimistes sur l’avenir de l’Afrique jusqu’au milieu des années 90.
  6. Depuis le début des années 2000 les taux de croissance observés en Afrique sont surtout tirés par les matières premières (mines et produits agricoles).[2] Il faut donc prendre un peu de recul face aux chiffres actuels de la croissance car tout dépendra de sa distribution dans l’ensemble des couches de la société.
  7. L’intensification agricole va devenir un enjeu majeur pour les pays Africains. Aujourd’hui nous sommes dans une phase où des terres fertiles inexploitées existent encore. Dans quelques années, il sera nécessaire de rendre l’agriculture plus productive afin d’accommoder les perspectives démographiques du continent. Cependant, cette nécessité risque d’être compromise par le dérèglement climatique. Il est donc essentiel pour l’Afrique d’envisager les politiques d’adaptation afin de limiter les effets du dérèglement climatique.
  8. Un aspect clé du développement de l’Afrique sera la mise en place d’une fiscalité transparente et détachée des fluctuations du cours des matières premières. Cela requiert d’une part que la structure des économies soit plus détachée de l’exploitation des matières premières, et d’autre part une vigilance accrue de la part d’organisations de la société civile pour s’assurer que les recettes issues des ressources naturelles soient utilisées de manière efficace.
  9. Enfin, le concept de développement peut être dit "étranger à l’Afrique" si on le considère comme une mutation du concept colonial de "mise en valeur". Cependant, si l’on voit le développement comme relevant de l'innovation sociale et conduisant à une augmentation des libertés, notamment celles permises par l'accroissement de l'espérance de vie, alors il devient une aspiration à part entière des Africains. Ceux-ci souffrent autant que tout le monde de la mort de leurs enfants, contrairement à ce qu'un certain discours colonial a parfois prétendu.

Plusieurs autres questions ont été abordées et davantage de réponses ont été apportées. Nous vous renvoyons vers la vidéo de la rencontre qui sera prochainement disponible sur ce site internet.

 


[1] Par exemple, avant la période coloniale, le développement agricole a été extensif en Afrique et en Amérique contrairement à l’Europe et à l’Asie où il était plutôt intensif. De même, l’apport du capital a été beaucoup plus faible dans les régions comme l’Afrique sub-saharienne ou l'Asie qui n’ont pas connu de colonisation de peuplement. Pour cela, il faut relativiser les comparaisons entre grandes régions, et ne pas chercher à tirer mécaniquement des leçons pour l'Afrique des "exemples" asiatiques ou latino-américains, comme cela est parfois fait.

[2] En effet, l’exploitation des ressources naturelles et l’augmentation des cours des matières premières agricoles a encouragé les investissements dans les infrastructures, le développement des services de transport et d’assurances, le développement de la consommation des classes moyennes et par ricochet des grandes chaînes de distribution.

Les 60 ans de la littérature congolaise

La littérature congolaise célèbre cette année ses noces de diamant. En effet, cela fait soixante ans qu'elle existe. Elle naquit en 1953 avec la publication du roman Coeur d'Aryenne, de Jean Malonga. Ce dernier, auteur du Sud du Congo, se déporte dans le Nord du pays, plus précisément à Mossaka, pour y faire vivre ses personnages, Mossaka où l'auteur n'a pas du tout vécu mais où il se projette par le pouvoir de l'imagination. 

 

Nouvelle image (3)Aujourd'hui, soixante ans après, on peut dire que Jean Malonga était un visionnaire, car partir du sud, sa région natale, pour le nord qui est à l'opposé, est un symbole fort d'unité et du patriotisme qui doit animer tous les fils et les filles du Congo, quelle que soit leur groupe ethnique, quelle que soit leur région. Le Congolais doit se sentir partout chez lui, il ne doit pas se laisser berner par ceux qui veulent manipuler  les masses en se servant de la tribu comme une arme implacable du diviser pour mieux régner. Les années quatre-vingt dix portent les traces sanglantes de l'instrumentalisation de l'ethnie.

Or Jean Malonga, premier écrivain congolais, ouvre la voix par un message de paix, un message d'unité, il nous invite à bâtir des ponts entre les régions et les ethnies. "Bâtir des ponts culturels", c'est le leitmotiv des festivités qui vont commémorer la naissance de la littérature congolaise, il y a soixante ans de cela, et Jean Malonga est naturellement la figure tutélaire de ces célébrations, qui ont officiellement démarré ce samedi 19 octobre au salon du livre de L'Haÿ-les-Roses.

Des écrivains, des admirateurs de la littérature congolaise, des patriotes venus faire honneur à leur littérature ont répondu présents à cette invitation à la Noce, et nous avons trinqué ensemble pour une littérature encore plus forte et plus vive. Mais avant de boire à la santé de la littérature du Congo Brazzaville, nous avons d'abord hommage à Léopold Pindy Mamonsono, écrivain, animateur de l'émission littéraire "Autopsie" sur télé Congo, organisateur d'événements culturels et littéraire, bref une figure importante du paysage littéraire congolais, qui a rejoint ses ancêtres le 8 octobre dernier. Nous avons ensuite vogué sur le fleuve Congo, car le voyage était au coeur de cette fête à L'Hay-les-Roses. Le modérateur Aimé Eyengué, initiateur de ces festivités, s'est improvisé commandant à bord et nous a conduits du Congo au Mékong avec l'écrivain aux doubles origines vietnamienne et congolaise Berthrand Nguyen Matoko. Belle coïncidence : le Vietnam était à l'honneur à cette édition 2013 du festival du livre et des arts de L'Haÿ-les-Roses, le Congo aussi. Berthrand Nguyen Matoko a parlé de ses livres dans lesquels, souvent, il brise le silence et les tabous, par exemple dans son Flamant noir, publié chez L'Harmattan, qui a fait beaucoup parler de lui. Nous avons fait escale au Rwanda avec le Docteur Roland Noël qui a évoqué son expérience là-bas à travers son livre Les Blessures incurables du Rwanda, publié aux éditions Paari. Ce livre a fortement retenu l'attention du public, il a été réédité et est au programme dans une université de France, a souligné l'auteur, médecin de profession. 

 

Nouvelle image (2)Nous sommes revenus au Congo, sur le fleuve, avec des défenseurs de marque, l'honorable Sylvain Ngambolo, ancien député, promoteur du fleuve Congo, ainsi que le producteur Hassim Tall qui a fait un beau film sur le Congo. Les littéraires Boniface Mongo Mboussa et Liss Kihindou se sont attachés à montrer la présence du fleuve Congo dans la littérature. Le premier a souligné combien le Congo avait nourri l'imaginaire occidental, il a par exemple cité Le Coeur des ténèbres, de Conrad ou Voyage au Congo de Gide, mais c'est souvent une vision sombre qui est donnée du Congo, tandis qu'avec les nationaux, c'est une autre image qui est donnée. Le fleuve irrigue les écrits des Congolais, ai-je déclaré, et cela se voit parfois dans les titres : "Photo de groupe au bord du fleuve" de Dongala, "Le cri du fleuve" de Kathia Mounthault… Sans nous être concertés, Boniface Mongo Mboussa et moi avons donné une idée de la vision différente que l'on avait du fleuve dans la littératture, selon que l'on se place du point de vue de l'Occident ou des natifs du pays, mais le temps était compté et nous n'avons pu aller en profondeur, la discussion s'est poursuivie à l'extérieur, autour d'un pot, avec l'apport de tous cette fois, mais ce n'est pas sans avoir écouté au préalable des extraits de la nouvelle d'Emilie Flore Faignond "Je suis une Congolo-Congolaise, à paraître dans l'ouvrage collectif qui va marquer, de manière durable, ce soixantième anniversaire. Emilie-Flore Faignond magnifie le fleuve d'une manière si touchante, si poignante que l'on ne peut rester insensible, c'est tout simplement un hymne au Congo qu'elle chante, et le chant composé par l'artiste Jacques Loubelo, qui nous a quittés récemment, revient forcément à la mémoire : "Congo, ekolo monene, tolingana, toyokana, to salisana malamu, bongo to bongisa Congo…" (Congo, pays dont la valeur est si grande, Congolais, aimons-nous, qu'il y ait l'entente, la fraternité parmi nous, c'est ainsi que nous bâtirons notre pays, que nous le rendrons meilleur…) 

Suivons les traces des artistes Jacques Loubelo et Emilie-Flore Faignond, donnons tout notre amour à notre pays, donnons la meilleure part de nous. Si nous, les premiers, ne bâtissons notre pays avec le ciment de l'amour, de l'entente, de la fraternité, de la paix, comment pourra-t-il tenir debout face aux intempéries, comment pourra-t-il résister au loup qui rôde pour le détruire ? Heureusement que dans le conte, l'un des trois petits cochons avait bâti en dur, et non avec de simples branchages ou de la paille. Alors, Congolais, congolaises, avec quoi bâtis-tu le Congo ?

Les prochaines célébrations auront lieu le 10 novembre, à la Maison de l'Afrique à Paris, puis le 12 décembre, aux Galeries Congo, toujours à Paris. A Brazzaville, elles auront lieu du 20 au 22 décembre 2013. Il y en aura aussi à Pointe-Noire, à la mi-décembre.

 

 

Liss Kihindou, article initialement paru sur son blog

http://valetsdeslivres.canalblog.com/

Les inconvénients de l’énergie électrique photovoltaïque en Afrique

 

Nouvelle image (4)Compte tenu du milliard et demie d’habitants n’ayant pas accès à l’énergie électrique, nombreux sont les programmes nationaux et  internationaux qui militent en faveur de l’énergie pour tous. Ainsi, de l’extension du réseau électrique, au recours aux énergies nouvelles, l’énergie de demain doit répondre d’un gage de non intermittence,  d’accessibilité pour tous, et enfin de qualité.

Dans le précédent billet, nous avions évoqué les atouts de l’énergie photovoltaïque, qui constitue la ressource  énergétique la plus abondante au monde. Malgré qu’elle soit considérée comme l’enfant prodige des énergies nouvelles, son développement se heurte à des difficultés de tout genre que nous tâcherons d’évoquer dans ce dernier article.

En économie, l’une des principales variables d’ajustement est le prix. Au centre de la majorité des théories économiques, le prix  et les variations de prix symbolisent tout consentement à payer ou à recevoir, le changement de comportement par rapport à nos habitudes, et enfin notre capacité à adopter ou non une nouvelle technologie. De ce fait, quand bien même le coût de l’énergie photovoltaïque a chuté sur le plan mondial, les prix d’acquisition demeurent élevés pour la moyenne des ménages africains. L’installation solaire, qui est un investissement de long terme n’est pas souvent compatible avec les besoins financiers de court terme des populations. A titre d’exemple, un système de 400Wc qui permet d’alimenter la TV, 6 ampoules, la radio coûte environ 800 000FCFA HT[i], quand le SMIC est de l’ordre de 372 000FCFA/an/personne[ii], soit 744 000FCFA au moins pour un ménage où les deux parents sont actifs. La situation est d’autant plus grave qu’il n’existe pas de mécanisme de subventions, d’exonération fiscale, de prêts bancaires ou de soutien aux besoins de consommation des ménages.

Ensuite, l’énergie électrique pose le problème du stockage. L’énergie électrique ne se stocke guère, mis à part le recours à des barrages pour pomper l’eau en journée et la rétribuer  en soirée. Les énergies renouvelables sont pour la plupart intermittentes. Dans le cas du photovoltaïque, à la tombée de la nuit, le système devient totalement passif dans la mesure où il n’y a plus d’irradiation solaire, malgré que notre demande en énergie soit constante. La solution actuelle réside dans le recours au stockage sous forme de batteries, des piles géantes qui accumulent l’énergie non consommée durant la journée afin de la redistribuer le soir et les jours de faible ensoleillement. Malheureusement, la technologie des batteries n’est pas encore très avancée, dans la mesure où dans les pays développés, elle n’est pas souvent sollicitée (en Europe par exemple, on parle de raccordement au réseau or bien souvent dans les zones rurales africaines, on est en réseau isolé dit « Off Grid »).  Ainsi, le coût du stockage peut représenter jusqu’à 40%[iii] du montant initial de l’investissement, sachant que les batteries ont une durée de vie beaucoup plus réduite que les autres composants, avec un facteur risque en cas de court circuit ou d’erreur d’installation.

D’autre part, en l’absence d’organismes de conformité, de normes définies et appliquées, et d’un marché de consommation bien identifié, le secteur énergétique électrique en amont[iv] est peu identifié des grands  industriels mondiaux. La plupart des matériels utilisés sont  importés et utilisés sur la base de réglementations des pays exportateurs. Etant donné également que les réseaux présentent souvent des déviances (le cas des multiples baisses de tension, des surtensions, et des coupures non programmées), l’utilisation qui en découle devient impropre aux données d’utilisation du constructeur. Cette question va de paire avec le manque de compétence locale pour assurer le fonctionnement des installations, ce qui explique pourquoi la plupart des principaux projets solaires furent des échecs. Le rôle de la recherche et du développement, précédemment évoquée dans un article de TerangaWeb,  ainsi que de l’innovation pour un marché africain de consommation, compte tenu des ses particularités et de ses attentes devient alors un pilier phare du déploiement énergétique.

Enfin, un des principaux obstacles, ou du moins une ouverture de réflexion représente le duopole public-privé. L’énergie est un bien stratégique où la géopolitique  témoigne de l’importance des enjeux qui en découlent. Les investissements énergétiques sont très onéreux, et l’état actuel des réseaux et infrastructures dans les pays africains est synonyme des problèmes auxquels font et feront face les pays africains. L’implication du secteur privé s’avère donc nécessaire, pour dynamiser et pérenniser la filière, bien qu’à l’origine le secteur de l’énergie soit réputé pour être des plus monopolistiques. L’Etat, à mon avis se devra donc d’être un intermédiaire d’échange, régulateur et maitre d’œuvre des feuilles de route énergétique, en ayant toujours à l’esprit qu’économiquement non viable, l’énergie devra toujours être socialement disponible pour tous.

 

                                                                                                        Leomick SINSIN

 

 


[i] Il s’agit d’une moyenne recensée sur les installations au Bénin, et de mon retour d’expérience

 

 

 

 

 

[ii] 31000 FCFA (environ 48€) par mois

 

 

 

 

 

[iii] Revoir le précédent billet sur la décomposition du CAPEX d’une installation solaire

 

 

 

 

 

[iv] L’amont, tel que définit ici, concerne principalement les composants tels que les onduleurs, les régulateurs et les données de fréquence pour le réseau.

 

 

 

 

 

l’Afrique et le changement climatique : une introduction

Les Africains considèrent qu’ils n’ont pas contribué au changement climatique mais qu’ils sont les premiers à en subir les conséquences les plus lourdes[i]. Dans cette série d'articles, nous nous proposons d’apporter un éclairage sur le changement climatique, ses impacts en Afrique, ses enjeux. Quelles sont les stratégies d’adaptation?


Dans ce premier article, commençons par expliquer la variabilité du climat et l’effet de serre global. 

AU COMMENCEMENT

Oxfam AfricaQuelques jalons pour se fixer les idées: La Terre telle que nous la connaissons s’est formée il y a 4,6 milliards d’années. Il y a 2 milliards d’années, un processus qui avait conduit à l’arrivée massive de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre primitive, aboutit à la formation des premières vies «oxygénées». Depuis, la composition de l’atmosphère terrestre, cette couche gazeuse qui entoure la surface du globe, a connu d’intenses variations, liées aux activités géologiques et astronomiques. Les conséquences pour l’ensemble du globe étaient des alternances de périodes de refroidissement intenses dites glacières et d’autres de réchauffement global. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, ces périodes ont occasionné la disparition de certaines espèces et l’apparition et/ou l’évolution d’autres. Leurs vestiges formeront plus tard les hydrocarbures. A l’aide des informations qu’ils recèlent, les scientifiques ont mis en évidence et étudié une variabilité naturelle du climat à différentes échelles spatio-temporelles. Le climat par définition explique les conditions de l'atmosphère au-dessus d'un lieu à moyen et long terme (à la différence de la météorologie qui s'intéresse au court terme).

Il y a seulement 200 000 ans, c’est-à-dire très récemment à l’échelle de l’évolution globale, apparaît l’homo sapiens que l’on peut qualifier d’ancêtre de l’humain actuel. A une échelle infiniment plus petite, il y a 260 ans, la révolution industrielle a lieu. Commence alors une période d’exploitation en masse des ressources terrestres qui se poursuit de nos jours. Cela a-t-il un impact sur le climat?

L’EFFET DE SERRE

L’air est constitué essentiellement de deux gaz (Azote 78%, oxygène (dioxygène) 21%). Parmi la très faible quantité d’autres gaz présents, il y a les gaz à effet de serre (GES) dont le fameux gaz carbonique (CO2). Leurs conséquences, en revanche sur la vie sont très importantes. Ces gaz n'empêchent pas la lumière du soleil d'arriver jusqu'à nous. Ainsi, la journée, le soleil chauffe la surface du globe. La nuit, cette dernière restitue une partie de la chaleur sous forme de rayonnement infrarouge. Les GES empêchent ce rayonnement de repartir vers l'espace. Ils font ainsi office de "couvercle" en retenant l'énergie, maintenant une température élevée près du sol. C’est l’effet de serre naturel, qui assure ainsi une température clémente à la surface (plus).

Cependant, plus la concentration des GES augmente, plus ces derniers captent l’énergie, réchauffant ainsi l’atmosphère. Depuis la révolution industrielle, la production de l’énergie, le fonctionnement du système industriel repose essentiellement sur la combustion des ressources fossiles: pétrole, gaz et charbon; brulés ils émettent des gaz à effet de serre supplémentaire dans l’atmosphère. A l’effet de serre naturel, s’ajoute alors un effet de serre d’origine humaine. L’équilibre du système est rompu entrainant entre autres une élévation de la température globale[ii].

On n’a jamais vu un phénomène naturel aussi accéléré. Au rythme actuel, la tendance du réchauffement climatique risque d’être irréversible à l’échelle humaine bouleversant complètement le mode de vie actuel[iii]. En Afrique de l’ouest par exemple, le climat est caractérisé par une migration saisonnière des précipitations de l’équateur vers les régions du Sahel ; celles-ci débutent en mai sur la côte guinéenne, gagnent le Sahel en août et redescendent vers le golfe de Guinée en novembre. Ce processus est et sera de plus en plus perturbé, entraînant des conséquences socio économiques et environnementales importantes.

PAS RESPONSABLE? L’AIR N’A PAS DE FRONTIERE…POUR L’INSTANT

Du fait de sa faible industrialisation et de son retard de développement, l’Afrique ne contribue que très peu au total des émissions de gaz à effet de serre.

Source: globalwarmingart

Conscients du changement climatique et préoccupés par ses effets, les États ont adopté la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CNUCC) en 1992 à Rio de Janeiro. Cette convention reconnaît la responsabilité commune mais différenciée des États et prône le principe de précaution. Sur les bases de la CNUCC, le protocole de Kyoto, un accord international légalement contraignant pour les pays industrialisés – jugés plus responsables –  a mis en place un mécanisme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Signé en 1997, il n’entrera en vigueur qu’en 2005. Des pays historiquement pollueurs tels que les Etats Unis refusent toutefois de le ratifier. Initialement valable jusqu’en 2012, le protocole restera en vigueur jusqu’en 2017; car les négociations pour trouver un accord post-kyoto n’ont pas aboutis. Pourquoi?

Dans les prochains articles nous analyserons les mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto et nous verrons ce que l’Afrique en a tiré. Afin de mieux évaluer les impacts du changement climatique en Afrique, nous examinerons également les projections climatiques. Si ces dernières divergent d’une région à une autre y compris à l’intérieur du continent, alors quelle position africaine faudrait-il défendre dans les négociations climatiques?

Notons que d’un point de vue climatique, l’air ne connaît pas les frontières géographiques; les GES se mélangent rapidement dans l’atmosphère. Toute émission de GES  d’où qu’elle vienne est potentiellement nuisible partout. Inversement les réductions d’émissions faites de n’importe quel point auront un effet sur l’ensemble. 

Djamal Halawa

 

Crédits photo : Piotr Fajfer / Oxfam International Utilisation sous licence CC 2.0


[i] Voir les discours significatifs prononcés par d’éminentes personnalités africaines (site)

 

 

 

 

 

[ii]    Noter qu’il y a eu des Controverses_sur_le_réchauffement_climatique dont certains ont fait échos dans l’opinion publique. Toutefois nous pensons que cela reste du domaine des querelles scientifiques et qu’il ne change pas le consensus sur la réalité du changement global et la nécessité d’adaptation. Au besoin un article sera consacré à cet effet.

 

 

 

 

 

[iii] Voir la littérature sur le changement climatique http://www.un.org/fr/climatechange/reports.shtml Nous reviendrons sur ces aspects dans les prochains articles de cet opus notamment en étudiant le rapport du GIEC

 

 

 

 

 

Crise casamançaise au Sénégal: comment gagner définitivement la paix

Le 26 décembre 1982 l’Etat sénégalais commettait l’irréparable en réprimant sévèrement la première manifestation indépendantiste à l’appel du MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance). Depuis, une partie de la population issue de la Casamance est entrée en rébellion, faisant ainsi du conflit casamançais un des plus longs d’Afrique contemporaine. Dans la mesure où toute autorité est contestable, il va sans dire que l’idée d’une rébellion casamançaise reste à priori envisageable puisqu’un rebelle n’est en rien un scélérat mais celui qui s’oppose et qui remet en cause une autorité. Dès lors, il convient de s’intéresser aux causes du conflit avant de dresser le bilan des 28 années de cette drôle de guerre pour enfin esquisser les solutions susceptibles d’aboutir à une paix des braves.

Le conflit casamançais, à l’image de tous les irrédentismes africains, n’échappe pas à l’approche déterministe qui fait la part belle à l’économie et à l’ethnicité. En effet, les grilles de lecture dominantes privilégient trois hypothèses. La première est celle ethnico-religieuse qui tente d’opposer des musulmans du nord à des chrétiens Joola du sud. Cette hypothèse semble de plus en plus invalidée puisque 86% des casamançais sont musulmans et que la principale zone pourvoyeuse de rebelles (le Blouf) est musulmane. Par ailleurs, bien que le noyau dur de la rébellion soit joola la rébellion a aussi ses Peulhs, ses Malinkés, ses Manding, ses Manjak…La seconde hypothèse socio-économique souligne l’inégal développement de la Casamance par rapport aux régions du nord du pays. Cette théorie de l’inégal développement entre un centre et sa périphérie reflète une réalité indéniable : la concentration des investissements dans le secteur Dakar-Thiès. Cependant, cela n’explique pas pourquoi la rébellion a éclaté dans la partie la plus riche et la plus développée de la Casamance et non pas en Haute Casamance bien plus pauvre et bien plus déshéritée. La troisième hypothèse purement politique met en évidence des « entrepreneurs politiques » qui instrumentalisent un discours nationaliste et populiste.

Par ailleurs, beaucoup d’eau a coulé sous le pont Emile Badiane de Ziguinchor depuis la marche réprimée de 1982. Sol d’opposition du conflit, la Casamance paie au prix fort cette drôle de guerre avec environ 5000 morts, d’innombrables déplacés, le tout dans une région économiquement exsangue. De plus, la présence d’acteurs protéiformes – ONG, MFDC, Etats (Sénégal, Gambie, Guinée Bissau) et narcotrafiquants – confère à la crise casamançaise une dimension sous-régionale, voire internationale. Cette complexification croissante du conflit a manifestement abouti à son enlisement mais surtout à son singulier paradoxe. En effet, s’il est quasiment certain que le MFDC a perdu la guerre, l’Etat sénégalais n’a pas pour autant gagné la paix. Guérilla acéphale, matériellement affaiblie et populairement désavouée, le MFDC n’a atteint aucun de ses objectifs. Quant au blocage du processus de paix, il est imputable au seul Etat sénégalais qui fait preuve, par son refus d’entamer de véritables négociations avec le mouvement indépendantiste, d’un indéniable autisme politique. Il semble que les autorités compétentes en charge du dossier aient privilégié la « stratégie du pourrissement de l’intérieur ». Cependant, ce choix s’avère irresponsable en témoigne la reprise des combats en 2009 ; combats durant lesquelles quelques centaines de maquisards ont pu tenir tête aux forces gouvernementales.

Par conséquent, les acteurs directs ou indirects de la crise s’accordent sur quelques points afin de conclure une paix des braves :

1- Renforcer les moyens militaires de l’armée régulière

2- Permettre aux cadres casamançais de mettre sur pied les Assises du MFDC afin que ce dernier ne puisse parler que d’une seule et même voix

3- Associer les autochtones (jeunes surtout) et les pays limitrophes (Gambie et Guinée Bissau) au processus de paix

4- Combattre les « fossoyeurs de la paix » qui se nourrissent du sang des sénégalais

5- Investir massivement dans la région pour redynamiser son économie et pour combattre le chômage

Les armes ont parlé. Nous avons tous écouté et tous entendu ce qu’elles avaient à dire. Dorénavant, elles doivent se taire pour laisser place au dialogue car c’est faute d’un véritable espace de débat que le conflit n’a pu être résolu.

Ndiengoudy Sall

Article initiallement paru chez Le courrier du Visionnaire

La musique congolaise : culture du masochisme?

C’est une question très congolaise qui me turlupine l’esprit : les riverains du fleuve Congo sont-ils masochistes ? Cela fait quelques années que je me la pose, au rythme des bals dansants auxquels je participe avec ma belle. Ces soirées où la rumba congolaise succède aux trémoussements torrides que suscitent les " chauffés " de JB Mpiana, Koffi Olomidé ou encore d’Extra Musica. Ces noms seront complètement inconnus pour certains des lecteurs, mais sachez que Koffi Olomidé ou Werrason, stars de la musique congolaise, par extension de la mélopée africaine ont été capables de remplir le palais Omnisports de Paris-Bercy.

Cependant, ce n’est pas une louange que j’adresse à ces artistes qui illuminent certes la nuit congolaise pour mieux obscurcir le quotidien des congolais. Si les mélodies de ces auteurs portent la poésie congolaise au firmament, célèbrent l’amour, elles sont parasitées par les dédicaces habilement glissées à l’endroit des politiciens véreux des deux rives du fleuve Congo. Le phénomène n’est pas nouveau. Ko buaka libanga (buvette aux Congo) est un concept installé depuis deux décennies par lequel les artistes congolais touchant difficilement leur droit d’auteur renflouent leurs tiroirs-caisses en monnayant la proclamation du nom d’un producteur, d’un compatriote à l’étranger ou ces dernières années d’hommes politiques. Les longues rumbas congolaises se transformant en une réclame continue. La démarche est habile et s’est tellement insidieusement infiltrée dans les moeurs qu’elle ne semble plus déranger les congolais.

Déjà, dans les années 80, les grandes brasseries de bière de Kinshasa et Brazzaville communiquaient par artistes interposés sur les effets positifs de leurs produits Tonton Skol, Primus, Ngok, etc.

Ce type de représentation peut avoir des effets thérapeutiques quand, par exemple, les artistes congolais remettent en scène des situations de guerre en évoquant par la danse Hélico, les fameux bombardements de Brazzaville ou encore la fameuse danse Ndombolo imitant la démarche du Mzee Laurent-Désiré Kabila. Après tout, il faut bien rire, sinon en danser de toutes ses horreurs. Mais est-ce la solution ? Ces dernières années, les hommes politiques ont également investis le créneau. Aussi en écoutant un morceau du génial Fally Ipupa, votre blogueur danseur devra s’attendre à une référence au maire de Brazzaville, ou d’un autre grand général de la place, contraignant votre serviteur troublé à marcher sur les pieds de sa belle alors qu’il tenait un bon rythme… Imaginez-vous entrain de danser sur un morceau de Johnny Halliday et qu’un clin d’œil soit donné au ministre de l’intérieur Alliot-Marie en plein cœur de " Quelque chose de Tennessee "… Si vous pensez ensuite à l’état des rues de Brazzaville, les délestages d’électricité, l’absence d’eau potable aux pompes de la majorité des populations congolaises, vous comprendriez le désarroi du congolais qui se réfugie le soir au fond d’un nganda (*) dans une rumba langoureuse d’un artiste les flagellant des noms de tous ces notables qui pourrissent son quotidien…

La pratique est devenue tellement courante que les artistes ne se posent plus la question de faire la part entre de la bonne plante et de l’ivraie.

Mais, il se passe ces derniers temps en Europe quelque chose en lien avec ce que j’ai évoqué plus haut. Un phénomène qui va peut être permettre aux artistes congolais de prendre la mesure de leur responsabilité.

En effet, depuis deux ans, les artistes ne peuvent plus se produire sereinement en Belgique ou en France. Un collectif de jeunes ressortissants de la RDC basé en Belgique empêche la production de concerts de musiciens congolais sans la référence à la situation du conflit armé qui secoue l’Est de ce pays et qui a déjà fait plus de 5 millions de morts en un peu plus de dix ans. Ainsi la star des stars Koffi Olomidé a vu son concert au Zénith de Paris annulé au mois de février 2009. L’artiste Werrason a vu sa tournée de 2006 sabordée par ce même collectif.

Tout cela est déplorable pour les afficionados, mais les artistes congolais vont devoir prendre une posture quant à leur rapport avec le politique, la question politique et le patriotisme. Enfin, il faut l’espérer. La question des droits d’auteur devoir être remise sur table pour assurer l’indépendance des artistes de toutes ces contingences matérielles… et que les mélomanes congolais puissent savourer leur rumba en toute quiétude.

Lareus Gangoueus

Article initiallement paru Chez Gangoueus

Patrimoine archéologique et défis politiques dans la Tunisie nouvelle

Il y a quelques jours de cela, je me promenais, en compagnie d’amis tunisiens, le long de la côte de Sidi Bou Saïd, petit port touristique situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Tunis, proche des vestiges de Carthage. Notre marche nous amena bientôt auprès d’une superbe villa, dont l’architecture mariait avec bonheur le style classique de Sidi Bou Saïd, aux couleurs blanches et bleues popularisées par le Baron d’Erlanger, à des éléments plus modernes. Mais l’attraction principale de la demeure consistait en trois magnifiques colonnes ainsi qu’un arc de pierre taillée, qui en ornaient le jardin, et qui provenaient, sans le moindre doute possible, des ruines puniques toutes proches.

Pillages et abandon, de Sidi Bou Saïd à Dougga

Aucun doute ne pèse non plus sur la manière dont ces vestiges historiques s’étaient retrouvés dans le jardin d’une propriété privée : profitant du mépris de l’État tunisien pour son patrimoine culturel, ou bénéficiant d’une complicité active au sein des autorités publiques, les propriétaires avaient tout simplement subtilisé les colonnes et l’arc afin d’en décorer leur demeure, au vu et au su de tous, ajoutant l’injure de la provocation à celle du vol. Une discussion avec un gardien rencontré dans les environs nous apprit l’identité du propriétaire de la villa : Belhassen Trabelsi[1], beau-frère du Président Ben Ali – et l’un des orchestrateurs du pillage de la Tunisie auquel se livrait la famille régnante.

Photo par David Apelbaum

Le surlendemain, nous visitions la cité romaine en ruines de Dougga, dans le nord-ouest du pays. L’expérience est fascinante – et, pour un Français habitué à une préservation organisée des vestiges archéologiques, surprenante : les ruines sont laissées à l’abandon et au bon plaisir des visiteurs, l’État tunisien se contentant de prélever un droit d’entrée. Passée l’ivresse provoquée par la déambulation dans une ville laissée en l’état, où les pierres tombales ornent toujours les cimetières et les mosaïques embellissent l’intérieur des maisons, on ne peut s’empêcher de constater que, pour romantique qu’elle puisse être, cette déréliction provoque une dégradation rapide des vestiges. La plupart des pierres tombales sont déjà illisibles, et les ruines des maisons sont exposées aux intempéries (et aux impérities des visiteurs).

De surcroît, l’abandon du site laisse le champ libre aux éventuels pillards et autres revendeurs. Notre guide s’anime en expliquant que la collecte de vestiges à Dougga allait bon train jusqu’à ce qu’arrive un groupe d’archéologues allemands qui, après avoir mis à jour de nombreuses statues, mosaïques et autres bas-reliefs, s’en sont retournés dans leur pays faute de crédit pour poursuivre leurs recherches, non sans avoir mis sous clef, sur le site, les objets déterrés. Depuis lors, le pillage du site semble avoir largement diminué.

Comme le gardien de Sidi Bou Saïd, le guide de Dougga, très remonté contre les Trabelsi, ne manque pas de nous faire un inventaire de leurs exactions archéologiques et de leur mise à sac du patrimoine historique de la Tunisie. Quelle n’est alors pas ma surprise lorsque, mes amis tunisiens s’étant éloignés, il me prend à part et me propose d’acheter, pour quelques dinars, d’authentiques pièces romaines qu’il a lui-même ramassées sur le site… .

Il n’est d’ailleurs pas le seul : la récupération et la vente de vestiges archéologiques aux touristes, à petite échelle, a progressivement acquis le statut d’industrie nationale en Tunisie. Il est vrai que le désintérêt flagrant de l’État pour la mise en valeur des vestiges du passé, ainsi que l’exemple déplorable des pillages mis en œuvre par les hautes sphères de la société, ne peuvent qu’encourager les Tunisiens à prospérer au détriment de leur propre histoire. Cependant, les reproches adressés aux Trabelsi et autres pillards à grande échelle montrent que ces mêmes Tunisiens qui profitent du commerce illicite des œuvres d’art ont, malgré tout, conscience de l’importance de conserver cette histoire.

Trois défis pour une Tunisie démocratique

Il existe un lien direct entre patrimoine archéologique, mémoire historique et démocratie. C’est en effet la conscience de sa propre histoire qui pousse un peuple à vouloir prendre le contrôle de sa destinée. C’est dans cette histoire que se forge une identité qui va au-delà du régime en place, puisqu’elle est forcément plus riche et plus complexe, et c’est dans cette histoire qu’apparaissent des figures admirables, qui peuvent offrir une alternative au sempiternel exemple du dictateur et de ses proches. Au contraire, les dictatures vivent dans l’illusion d’un présent permanent, figeant dans le temps leur insupportable longévité et effaçant jusqu’au souvenir de leur absence antérieure.

Ainsi, au-delà de la simple anecdote, ou des regrets que peuvent ressentir les amoureux de la culture antique face à la rapide dégradation des vestiges tunisiens, les deux épisodes contés ci-dessus transcrivent très explicitement les trois grands défis auxquels le peuple tunisien fait face, dans le cadre de sa lutte pour la démocratie.

Le premier défi, sans doute celui dont le gardien de Sidi Bou Saïd et le guide de Dougga étaient les plus conscients, est celui de la justice. Les castes dirigeantes de la Tunisie – qui ne se limitent pas aux familles Ben Ali et Trabelsi, mais incluent tous les soutiens principaux du régime – se sont comportées, pendant plusieurs décennies, en délinquants de droit commun, et doivent désormais être traitées comme tels. Ceux qui ont pillé tout un pays, les vestiges archéologiques n’étant qu’un exemple choquant parmi d’autres, doivent être jugés pour ces faits, afin de montrer que la Tunisie appartient désormais au peuple tunisien.

Photo par David Apelbaum

Se contenter d’oublier ou d’amnistier les vols et extorsions commis par le régime déchu ne peut que fragiliser la démocratie tunisienne naissante : n’importe quel parti arrivant au pouvoir aura, ensuite, beau jeu de dénoncer la complaisance des autorités de transition envers les anciens pontes du régime, de se poser en justicier intransigeant, et finalement de s’assurer une hégémonie politique en éliminant ses rivaux, au prétexte de leur tiédeur et de leur hésitation à punir les suppôts de Ben Ali. Sur ce point, la Tunisie doit tirer leçon des expériences d’Europe de l’Est, où la complaisance envers les anciens hiérarques communistes a mené au pouvoir, vingt ans plus tard, des partis extrémistes dont le fonds de commerce était la « lustration », la revanche contre ces ex-dignitaires[2] – et qui en ont profité pour écarter leurs opposants de toutes les sphères du pouvoir, à travers des listes de dénonciations anonymes.

Le second défi, peut-être le plus vaste, et en même temps le plus évident,  est la reconstruction du pays, dans le sens du bien-être du peuple tunisien. Le patrimoine archéologique tunisien doit être préservé, conservé, étudié et rendu accessible à tous les citoyens tunisiens, comme élément de mémoire historique, et pas uniquement aux touristes et aux classes aisées. De la même manière, l’ensemble du tissu économique et social du pays doit être retissé, refondu, et réorienté dans un sens véritablement démocratique, permettant un exercice effectif des libertés proclamées. Le partage des richesses patrimoniales et culturelles est, en ce sens, un avatar archéologique du partage le plus important, celui des richesses produites par le capital et le travail tunisiens. Si la démocratie reste limitée à son aspect juridique et institutionnel, sans investir le terrain économique, elle demeurera un vain mot.

Reste le troisième défi, le plus complexe et celui qui mettra le plus de temps à être relevé : c’est la confrontation des Tunisiens avec leur propre passé, leur propre silence, leur propre passivité, voire, ici et là, leur complicité avec le régime qui les a opprimés durant vingt-sept années.

En effet, le touriste en visite en Tunisie ne pourra que constater la véhémence avec laquelle tous ses interlocuteurs vilipendent les exactions du régime en place, et la comparera avec le silence généralisé qui s’imposait avant le 14 janvier 2011 et le départ de Ben Ali. La défense est facile : le peuple était surveillé, le peuple était menacé, le peuple avait peur, nous dit-on. La vérité est nettement plus subtile et nuancée : nombreux sont ceux qui, à leur modeste et peu nuisible échelle, ont su profiter des opportunités qu’offrait un régime dictatorial. Nombreux sont ceux qui, dans un État de non-droit, ne se sont pas sentis obligés de respecter eux-mêmes ce droit que leurs dirigeants bafouaient. Nombreux sont ceux qui, en voyant les colonnes de Carthage installées dans la maison de Belhassen Trabelsi, sont allés dérober des pièces de monnaie à Dougga pour les vendre aux touristes. Et le gardien aujourd’hui payé par l’État pour surveiller que les Trabelsi ne reviennent pas dans leurs propriétés spoliées était, il y a un an, payé par les Trabelsi pour empêcher que des intrus ne jettent un œil trop appuyé dans leurs magnifiques jardins.

Aujourd’hui, dans son ivresse révolutionnaire, le peuple tunisien n’est pas encore prêt à reconnaître ses torts, à admettre sa part de responsabilité dans les malheurs qu’il a enduré, à assumer sa servitude partiellement volontaire. Il lui faudra pourtant faire ce long et difficile travail sur lui-même pour qu’un jour, sa démocratie s’appuie, non pas sur le mythe d’un peuple résistant et opprimé, mais sur un regard adulte, véridique et sans concession, porté par une nation sur son passé, sur ses erreurs, et sur les leçons qu’elles comportent pour l’avenir[3].

Et ce jour-là, lorsque le peuple tunisien aura châtié les pillards qui l’ont gouverné, rebâti un État de droit et d’équité, et surtout considéré sans concessions sa propre attitude, les colonnes et arcs de Carthage regagneront leur place sur la colline de Byrsa, les monnaies antiques pourront être admirés dans des musés publics, et les ruines préservées de Dougga brilleront, sous le soleil doré, d’un éclat plus vif que jamais.

David Apelbaum

Article initiallement paru chez ArabsThink


[1] Frère de Leïla Ben Ali, épouse de l’ex-Président tunisien, Belhassen Trabelsi était réputé avoir la haute main sur les activités mafieuses de la famille Trabelsi (trafics, extorsions, corruption). Actuellement en fuite dans un lieu inconnu (probablement le Canada ou un État du Golfe), il a été condamné par contumace, le 28 septembre 2011, à quinze ans et deux mois de prison pour trafic de devises et métaux précieux.

[2] L’exemple typique en est, en Pologne, le parti « Droit et Justice », des frères Kaczyński, et sa loi de lustration de 2007. Suite à cette loi, de nombreux intellectuels ont été menacés de perdre leurs droits civiques pour des faits, plus ou moins réels, de collaboration avec les autorités communistes.

[3] Il faut rappeler, à titre d’exemple, qu’après la défaite de l’Allemagne nazie en 1945, les autorités françaises ont perpétué pendant près de trente ans le mythe d’une « France résistante » où la collaboration avec l’occupant nazi n’était que marginale. Il a fallu attendre la publication d’un ouvrage américain, La France de Vichy de l’historien Robert Paxton, en 1973, pour susciter un débat sur cette période. Et ce n’est qu’en 1995, soit plus de cinquante ans après les faits, que le Président Chirac a reconnu, dans le discours du Vél’ d’Hiv’, la responsabilité directe de la France dans la déportation de dizaines de milliers de Juifs.

Où en sont les démocraties en Afrique ?

Historien sénégalais, Mamadou Diouf dirige l’Institute for African Studies à la School of International and Public Affairs de l’université de Columbia (New York). Lors du forum « Réinventer la démocratie » organisé par la République des Idées à Grenoble en mai 2009, il a participé – avec l’anthropologue Jean-Pierre Dozon – à une table-ronde sur « les expériences démocratiques en Afrique », animée par Philippe Bernard, journaliste au Monde. Les deux intervenants ont souligné que, pour bien comprendre les expériences politiques africaines, il est nécessaire de se départir des concepts et des représentations qui informent la vision de la démocratie en Europe. Le vote, souvent considéré comme la procédure démocratique par excellence, a pu être domestiqué par certaines dictatures africaines, jusqu’à devenir un simple rituel électoral dépourvu de toute potentialité d’expression et de contestation pour les peuples qui en font usage. Mais cette domestication ne signifie pas qu’il y ait absence d’expression démocratique. Mamadou Diouf et Jean-Pierre Dozon ont tous les deux attiré l’attention des auditeurs sur l’importance des processus d’indigénisation de la démocratie et du politique à l’œuvre dans les sociétés africaines. Le second a notamment insisté sur le rôle des mouvements religieux, des migrations et des diasporas, et des productions artistiques dans l’énonciation du politique et la mise en forme des conflits et des divisions sociales.

Le vote est-il un outil ou un leurre démocratique en Afrique ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Y a-t-il des exemples où le vote a pu être un instrument efficace de revendication pour les peuples africains ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Quelles sont les autres voies de la politisation et de l’accès à la démocratie dans les pays africains ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Quel est l’impact de la démographie sur les formes de la démocratie en Afrique ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Quel est le rôle des pays européens comme la France dans le processus de démocratisation en Afrique ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Mohamed Radwan

L’efficacité du développement: l’action de la Banque Africaine de Développement

 

La banque africaine de développement (BAD) mesure régulièrement l’efficience de son action dans les pays auxquels elle vient en aide et a récemment publié un rapport sur les tendances du développement à l’échelle continentale.

Ainsi pour mesurer sa performance en tant qu’acteur socio-économique en Afrique, elle utilise une grille de critères relatifs aux axes clés du développement et de l’efficacité organisationnelle. Le niveau 1 mesure l’ensemble des progrès sur le plan du développement en Afrique, particulièrement dans 9 secteurs clés, notamment la croissance, la gouvernance, la prestation de services publics et le développement humain. Le second niveau évalue la contribution de la BAD dans le développement de l’Afrique en se focalisant toujours sur les 9 domaines. Le troisième niveau se veut une critique de la gestion des opérations menées par la BAD et enfin le quatrième niveau permet de juger son efficience en tant qu’organisation précisément à travers la gestion de ses opérations.

La BAD nous apprend ainsi qu’au-delà des discours afro-pessimistes qui font souvent monnaie-courante, l’Afrique a connu un développement économique conséquent durant la dernière décennie, en attestent les taux de croissance dépassant souvent le cap des 6%. La BAD attribue ces résultats à l’émergence des BRICS dont la demande en matières premières a redynamisé les exportations africaines. D’autre part, les gouvernements ont, bon an mal an, su recréer un cadre macroéconomique stable et, par suite, propice aux affaires. En 2005, le PIB cumulatif de l’Afrique s’élevait à 1,6 billions soit le PIB du Brésil ou de la Russie.

Si les OMD (Objectifs du millénaire pour le développement) n’ont pas toujours été atteints, à cause du coup d’arrêt provisoire porté par la crise de 2007, l’essor économique est encore d’actualité et fait la part belle au secteur privé. Avec le gonflement de la classe moyenne et de son pouvoir d’achat, les secteurs des biens de consommation, des télécommunications et de la banque progressent trois fois plus vite que dans les pays de l’OCDE. On retrouve, à l’échelle microéconomique, le même dynamisme et la même productivité. A titre d’exemple, le temps moyen pour faire démarrer une entreprise est passé de 59 à 29 jours tandis que le coût moyen pour y parvenir a diminué de moitié ! Néanmoins la capacité d’investissement et la croissance du secteur privé sont freinées par les réglementations juridiques excessives et mal conçues, le manque drastique d’infrastructures, les lacunes d’un système éducatif préparant mal aux compétences entrepreneuriales et techniques appropriées. C’est justement à ce propos que surgit la question de l’intégration.

Grâce à l’intégration économique régionale, le continent réalise des économies d’échelle et devient plus compétitif sur les marchés internationaux. Néanmoins elle n’est pas assez développée et ceci est dû à la faiblesse des infrastructures de transport. Lorsqu’il faut 25 jours pour exporter des biens au Brésil, il faut le double pour le faire dans un pays africain et par ailleurs, les coûts de transport sont deux fois plus élevés.

Pourtant il n’empêche que le continent regorge de possibilités notamment dans le secteur agricole. Avec plus d’un quart des terres arables de la planète, le continent est une mine d’or. Malheureusement ses ressources sont sous-exploitées et l’Afrique est la seule région du monde où la production alimentaire par habitant a reculé ces trente dernières années.

En appuyant les réformes engagées par les pays africains afin de faciliter la liberté de circulation des biens et en affectant 28% de ses revenus à des opérations de construction de réseaux d’échanges, la BAD contribue donc activement au développement du continent. Pour résorber la question de l’agriculture, 318 milliards de dollars ont été alloués par la banque.Afin de s’assurer que la conception de son assistance est techniquement juste et appropriée, la banque a mis en place de nouveaux mécanismes de contrôle de la qualité à l’entrée. Dans la foulée de la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, la banque a donc accru son efficience auprès des bénéficiaires de ses fonds et solutions d’investissements.

Lire l'étude de la Banque Africaine de Développement.  

Boubacar Diarisso

L’Afrique: nouvelle « Arabie » des Etats Unis (2ème partie)

 A priori et sans pour autant être négligée, l’Afrique a toujours semblé une région en marge dans la politique étrangère des Etats-Unis. En conséquence de quoi entre 1945 et 1990, le continent africain ne constituait guère plus, aux yeux des Américains, qu’un terrain d’affrontement avec le bloc soviétique; ce fut une région, parmi d’autres, où s’appliquait la politique du Containment. Il ne s’agissait donc pas à proprement parler de politique africaine de Washington mais d’une simple politique anti Kremlin.


Avec l’effondrement du bloc communiste au début de la décennie 1990, l’enjeu géopolitique va progressivement perdre du terrain au profit de l’enjeu économique, mais avec là encore quelques hésitations. De 1990 à 2001, La politique de Washington semble d’abord en retrait, chancelante et sans principes directeurs. Dans la première moitié de cette période, le gouvernement américain hésite à s’impliquer dans les problèmes du continent. Mais dans la seconde phase de la décennie, les Etats-Unis définissent une nouvelle stratégie axée sur la progression des positions économiques américaines en Afrique. Ainsi, en 1996, B. Clinton réoriente les priorités diplomatiques générales du pays, accordant une primauté de l’économique sur le militaire, conformément à une vision du «Trade, not Aid ». 


B. Clinton va ainsi jeter les bases de ce qui va constituer la ligne directrice d’une véritable politique africaine de Washington. Mais c’est véritablement sous l’ère Bush que l’Afrique prend une nouvelle dimension. A partir de 2001, l’accent fut mis sur la lutte contre le terrorisme islamiste moyen-oriental, la recherche de la stabilité régionale et enfin la garantie des approvisionnements pétroliers afin de réduire la dépendance énergétique des Etats-Unis à l’égard du Moyen Orient notamment.

 

Pourquoi l’Afrique ?

Selon le BP Statical Review of World Energy[1], l’Afrique détenait en fin 2004 112,2 milliards de barils de réserves prouvées. Cela représente 9,4% des réserves mondiales[2].

Cependant, comparativement à des régions comme le Moyen Orient où se concentre 66% des réserves mondiales, ces chiffres peuvent paraître peu significatifs à première vue. Mais ce serait ne pas savoir qu’une large partie de ces réserves sont encore inexploitées. « En 2001 déjà, sur 8 milliards de barils de réserves découvertes dans le monde, 7 l’ont été en Afrique […] »[3]. On comprend dés lors pourquoi la question du pétrole a été inscrite parmi les priorités de la politique africaine outre atlantique. Pour beaucoup d’analystes, les  opportunités d’expansion sont en effet immenses. Pour preuve, le seul golfe de Guinée, qui comptait déjà 24 milliards de barils de réserves en 2003, devrait devenir à terme le premier pôle mondial de production en offshore très profond[4].
Cela fait que le continent occupe désormais une place importante dans la géopolitique énergétique et notamment pétrolière mondiale.

Aujourd’hui, l’Afrique assure 11,4% de la production pétrolière internationale et avec les importantes découvertes de gisements inexploités, ce chiffre est amené à croître dans les années à venir. Par ailleurs, entre 1990 et 2004, la production du continent a augmenté de 40% passant de 7 à 10 millions de barils par jours. Selon les premières estimations pour la période allant de 2004 à 2010, cette production aurait augmenté de 50%[5].

L’Afrique suscite donc les convoitises américaines du fait d’un fort potentiel pétrolier. La répartition de ce potentiel se fait grosso modo autour de deux grandes sous-régions du continent. L’Afrique du Nord, avec principalement l’Algérie et la Libye, concentre 4,8% des ressources pétrolières du continent. C’est en Algérie que se trouve le plus grand gisement africain, à savoir Hassi Messaoud, dans le bassin pétrolier de Berkine. Les réserves pétrolières de ce pays sont estimées à 9,2 milliards de barils. La Libye dispose de son côté de la plus grande  réserve du continent estimée à 41,5 milliards de barils. La majeure partie des gisements découverts se trouve dans le bassin de Syrte et fournit un pétrole de grande qualité. Seulement, les Etats-Unis ont gelé leurs relations avec Tripoli depuis les attentats Lockerbie. Cela fut d’ailleurs formalisé par l’Iran And Libya Sanctions Act en 1996, interdisant aux sociétés américaines d’investir dans ces deux pays. 

Mais la sous-région la plus riche demeure le golf de Guinée, qui attire d’ailleurs particulièrement l’attention de Washington. C’est là que l’on retrouve le plus grand producteur africain qui est le Nigéria avec une production de prés de 2,5 millions de barils par jours, talonné par l’Angola qui est le second producteur en Afrique sub-saharienne.

Ce dernier pays a une large partie de ses réserves qui sont situées en mer ; elles s’élèvent à 5,4 milliards de barils et sa production tourne autour du million de barils par jour. La relative stabilité du gouvernement depuis la fin de la guerre civile et l’absence de menace terroriste (hormis la rébellion de l’enclave de Cabinda) crée un climat de confiance favorable aux investissements étrangers, dont ceux de la firme américaine Exxon Mobil[6].

Le golfe de Guinée constitue justement le cœur de la stratégie américaine, et ce pour raisons 5 raisons:

– Le golfe de Guinée, qui compte 24 milliards de barils, est encore sous exploité.

– Les pays producteurs de cette sous-région, excepté le Nigeria, ne sont pas membres de l’OPEP, organisation « que l’Amérique, engagée dans une stratégie à long terme, cherche à affaiblir[7]».

– Le pétrole de cette région est de très haute qualité et dispose d’un bas taux de soufre ; c’est un pétrole léger, comme le BONNY LIGHT, qui donne de bons rendements en essence, produit dérivé le plus demandé aux Etats-Unis[8].

– Une grande partie de ce pétrole est exploitée en Off-shore, ce qui isole les plateformes des troubles sociaux ou politiques qui pourraient frapper les pays concernés.

– Enfin le transport par voie maritime vers les USA est facilité car la région donne déjà sur les raffineries de la côte Est américaine; les dangers liés au transport du pétrole sont donc amoindris du fait de l’absence de détroit ou de canal à traverser.

La stratégie de Washington

La politique de Washington a davantage pris en considération le pétrole africain grâce aux  pressions  des entreprises pétrolières comme les deux géants Exxon Mobil et Chevron Texaco mais aussi des plus discrètes telles Amerada Hess ou Ocean Energy.

Le plaidoyer de l’Institute for Advanced Strategic and Political Studies (IASPS) a aussi été prépondérant lors de cette rencontre. Créé en 1984 à Jérusalem, ce think tank proche du parti de la droite israélienne Likoud et des néoconservateurs américains, est un traditionnel partisan d’une stratégie de désengagement à l’égard du pétrole saoudien. Cependant, durant les années Clinton, IASPS a eu peu d’influence sur l’administration en place.

Mais en novembre 2000, la victoire de George W. Bush aux présidentielles va changer la donne. Il convient de rappeler que Bush fils est un proche des compagnies pétrolières texanes : il fut donc particulièrement disposé à répondre favorablement à leurs demandes. Combinée aux attentats du 11 septembre, cette victoire des Républicains sur les Démocrates crée un climat favorable à la prévalence des idées de l’IASPS qui commencent à gagner les conseillers en énergie de la Maison-Blanche. Le 25 janvier 2002, elle a organisé un séminaire en présence de plusieurs membres de l’administration Bush, de membres du Congrès et de responsables de l’industrie pétrolière. De ce séminaire  va naître l’African Oil Policy Initiative Group (AOPIG), qui est l’interface entre la sphère privée et publique, et qui publie dans la foulée un livre blanc intitulé African Oil, A Priority for US National Security and African Development[9].

 Ces différentes péripéties vont progressivement donner un cadre général aux actions qui vont être menées par  Washington dans le domaine pétrolier en Afrique. La traduction en acte ne se fera pas attendre : des efforts seront consentis pour donner une plus grande place au pétrole africain dans les importations américaines. Ainsi, en 2001, alors que les importations américaines en pétrole provenaient à 15% de l’Afrique, le rapport Dick Cheney recommandait de les faire passer à 25%. Aujourd’hui, les exportations combinées du Nigéria et de l’Angola dépassent celles de l’Arabie Saoudite vers les USA qui couvrent 18% de leur consommation. D’ici à l’horizon 2015, un quart de la consommation pétrolière des USA devrait donc être assurée par l’Afrique.

D’autre part, des investissements sont aussi engagés sous la direction combinée du secteur privé américain et de la diplomatie américaine. Ainsi a pu voir le jour l’oléoduc Tchad-Cameroun d’un montant 3,5 milliards de dollars afin d’exploiter les champs pétroliers du sud tchadien, dont les réserves sont estimées à un milliard de barils. Cet oléoduc a été inauguré le 10 octobre 2003. Les Américains encouragent aussi l’entière libéralisation du  secteur pétrolier comme ils le font en Algérie, qui envisage de privatiser le puissant groupe d’Etat SONATRACH. Mais gardons à l’esprit que l’objectif est d’abord d’ordre stratégique et sécuritaire pour les Américains. Ainsi, ont-ils l’intention d’établir une base militaire sur Sao Tomé et Principe afin de protéger de près leurs intérêts. En ce sens, en juillet 2002, le général Carlton Fulford, commandant en chef adjoint de la US Navy, s’est rendu sur l’île et il aurait été question durant sa visite de construire une base navale sur « l’autre golfe ». La décision des autorités politiques ne s’est pas faite attendre…

Alioune Seck


[1] BP Statical Review of World Energy 2004, Juin 2005

[2] SEBILLE-LOPEZ Philippe, Géopolitique du Pétrole, Armand Colin, Paris, janvier 2006

[3] DIANGITUKWA Fweley, Les grandes puissances et le pétrole africain, Etats-Unis-Chine : une compétition larvée pour l’hégémonie planétaire, L’Harmattan, Coll. Etudes Africaine, Paris, juillet 2009

[4] Ibid.

[5] CHAUTARD Sophie, Géopolitique et Pétrole, Studyrama Perspectives, Paris, 2007

[6] Ibid.

[7] SEBILLE-LOPEZ Philippe, Géopolitique du Pétrole, Armand Colin, Paris, janvier 2006

[8] LAFARGUE François, « Etats-Unis, Inde, Chine : rivalités pétrolières en Afrique », in Politique Etrangère, 2005/4 (n°216)

[9] SEBILLE-LOPEZ Philippe, Géopolitique du Pétrole, Armand Colin, Paris, janvier 2006

Éditorial: Pour une alternance générationnelle en Afrique

À Deauvillle lors des sommets du G8 et du G20, Nicolas Sarkozy a convié quelques chefs d’Etats africains, d’aucuns pour saluer leur accession démocratique au pouvoir en dépit de circonstances souvent très difficiles (Alassane Ouattara, Alpha Condé, Mahamadou Issoufou), d’autres pour leur engagement en faveur du NEPAD (Abdoulaye Wade, Abdelaziz Bouteflika notamment). Ces catégories de dirigeants représentent les deux versants d’une Afrique nouvelle : l’alternance démocratique et la vision économique fondée sur des programmes solides. L’ironie veut cependant que ces deux visions soient incarnées par des chefs d’Etat particulièrement âgés et presqu’en fin de vie pour certains : Alassane Ouattara a 69 ans, Alpha Condé 73 ans, Bouteflika 74 ans et Abdoulaye Wade officiellement 86 ans ! Seul Mahamadou Issoufou fait office d’exception avec ses 59 ans.

En face, le G8 enregistre des chiffres aux antipodes de ceux de l’Afrique. La moyenne d’âge des 8 chefs d’Etat et de gouvernement des pays les plus puissants est de 55 ans. Il aurait d’ailleurs pu être plus faible si l’Italie n’était dirigée par un certain Silvio Berlusconi. Du haut de ses 75 ans, le Président du Conseil italien fait office d’exception là où en Afrique il passerait presque pour un petit joueur… Entre la moyenne d’âge des chefs d’Etat africains conviés à Deauville et celle des dirigeants des pays les plus puissants de la planète, il y a presque une génération !

Les présidents africains présents à Deauville ne sont pas des boucs émissaires, pas plus qu’ils ne constituent des éléments superficiels d’une argumentation démagogique. Ils sont tout simplement à l’image de la classe politique africaine et de nos Etats dirigés par des personnes du 3ème, voire du 4ème âge. L’Afrique est indéniablement le continent dans lequel la moyenne d’âge des chefs d’Etat est de loin la plus élevée. Dans sa galerie de portraits des chefs d’Etat à qui il faut dire « Dégage ! » tout comme dans un article intitulé « Mais où sont passées les oppositions ? » Terangaweb a déjà mis en exergue les dangers d’une situation dans laquelle la population la plus jeune de la planète se trouve dirigée par les chefs d’Etats les plus vieux. Peut-on encore incarner les aspirations de la jeunesse algérienne ou sénégalaise lorsqu’on a 73 ans comme Bouteflika ou 86 ans comme Abdoulaye Wade ?

Le mal est même plus profond dans la mesure où il gangrène la quasi-totalité des partis politiques africains, y compris ceux des oppositions. On en vient alors, quand alternance démocratique il y a, à remplacer des chefs d’Etat mourants par de vieux opposants. L’alternance démocratique ne suffit pas ; il faut qu’elle aille de pair avec une alternance générationnelle. Si en effet la démocratie est le pouvoir du peuple, reste à savoir d’où vient le pouvoir et ce qu’est un peuple. Pour désigner le peuple, les Grecs usaient de trois termes[1] : laos ou le peuple en tant que masse d’hommes, ethnos ou le peuple formé de personnes de même origine, demos où le peuple habitant un territoire précis. La démocratie serait dont le pouvoir de ce troisième peuple. Or l’Afrique est aujourd’hui habitée par 450 millions de personnes âgées de moins de 15 ans et environ 850 millions âgés de moins de 60 ans, constituant ainsi près de 85% de sa population. Nos septuagénaires et octogénaires doivent tout simplement laisser la place aux quadra et quinquagénaires. Ou plutôt, ces derniers doivent prendre la place des premiers cités.

A cet égard, le renouvellement des structures politiques constitue un véritable enjeu pour l’Afrique.

Les différents mouvements de protestations qui secouent présentement le continent ont montré une extraordinaire aptitude de la jeunesse africaine à se passer des structures politiques classiques. Est-ce d’ailleurs proprement africain en ces temps où l’Europe commence à être gagnée par le mouvement « Indignados »  impulsé par la jeunesse espagnole? Mais en Europe, au moins, les partis politiques restent encore assis sur des socles idéologiques solides là où en Afrique le lien politique a été jusque là très ténu. Que la jeunesse africaine se mobilise (enfin !) et décide de sortir de sa torpeur est en soi une excellente nouvelle pour la marche de nos peuples. Mais cet état de fait devrait inquiéter les partis politiques qui sont tout simplement en train d’être marginalisés par les profonds bouleversements démographiques et sociaux en cours.

Pour relever le défi qui leur est lancé, les partis politiques doivent s’atteler à promouvoir de jeunes leaders auxquels la population pourra s’identifier plus aisément. Ceux-ci ont d’ailleurs une capacité de mobilisation importante et une plus grande aptitude à descendre dans la rue et à prendre part aux mouvements de protestions aux côtés de leur peuple.

Il sera aussi nécessaire, face à une démystification totale du discours politique, de mener une politique de l’action et non plus seulement du verbe. Cela devrait constituer une préoccupation aussi bien pour les partis d’opposition qu’a fortiori ceux au pouvoir. Il faudrait d’ailleurs que l’on cesse de cantonner la politique au pouvoir national. Ceux qui dirigent les collectivités locales (mairies, communes et communautés rurales notamment) doivent, par des actes concrets, redonner à la jeunesse le goût de la politique. L’enjeu est aussi de faire de la jeunesse une priorité du développement aussi bien local, national que continental.

Les partis politiques africains doivent donc relever le challenge de la (re) conquête de la jeunesse. Mais la jeunesse aurait aussi tort de croire que, pour réaliser ses aspirations économiques et sociales, elle peut faire abstraction des structures politiques.

Nicolas Simel



[1] Cf. Petit lexique des mots essentiels, O. V.

Quand l’Afrique rencontre Friedman

La face cachée du capitalisme
Seule une crise, réelle ou supposée, peut produire des changements. Lorsqu’elle se produit, les mesures à prendre dépendent des idées en vigueur dans le contexte. Telle est, me semble-t-il, notre véritable fonction : trouver des solutions de rechange aux politiques existantes et les entretenir jusqu’à ce que des notions politiquement impossibles deviennent politiquement inévitables.
Milton Friedman, 1982
 
Dans son ouvrage édité en 1962, Capitalisme et liberté, Milton Friedman défend l’idée selon laquelle le capitalisme est l’unique moyen de construire une société libre. Il soutient ainsi qu’il n’y a aucun moyen pour améliorer la situation de l’homme de la rue qui arrive à la cheville des activités productives libérées par un système de libre entreprise. Plus tard, en 1980, dans La liberté du choix, il s’attachera à démontrer la supériorité du libéralisme économique sur les autres systèmes économiques tels que l’interventionnisme et ceux en rapport avec les idées prônées par le marxisme.
 
Il convient, bien évidemment, de préciser ce sur quoi repose la doctrine libérale prônée par Friedman. Dans un tel monde, l’économie n’est bridée par aucune contrainte et aucune ingérence de la part de l’État n’est tolérée car les marchés s’autorégulent. Auteur de The Shock Doctrine paru en 2007, Naomi Klein résume la doctrine de Friedman en ces termes :
« Premièrement, les gouvernements doivent faire sauter toutes les règles et les régulations qui se dressent sur le chemin de l’accumulation des profits. Deuxièmement, ils devraient vendre tous les biens qu’ils possèdent, et que des entreprises pourraient gérer dans un but lucratif. Troisièmement, ils devraient radicalement diminuer le financement des programmes sociaux. »
 
Pour Friedman, un « traitement de choc » est le seul remède possible pour la mise en place d’un système libéral et ce sur le long terme. Il s’agit, somme toute, d’imposer immédiatement après un choc (sans égard à sa nature) des réformes économiques douloureuses pendant que la population est trop occupée à assurer sa survie pour se révolter. Toujours est-il que dans ce contexte, la terreur devient un élément prépondérant de la transition vers une économie de marché. Ce qu’il qualifie de « traitement de choc » n’est, pour d’autres, qu’un « capitalisme du désastre. » Selon Naomi Klein, cette théorie développée par M. Friedman permettrait d’annihiler les capacités critiques de la population pour faire passer des mesures économiques drastiques pouvant par là même porter atteinte aux libertés fondamentales des individus.
 
Le remède préconisé par Friedman semble se transposer parfaitement à l’époque où nous vivons, et en Afrique tout particulièrement. Les gouvernements l’ont certes modernisée, mais l’idée principale a traversé les années sans prendre une seule ride : profiter d’une crise pour s’autoriser tous les excès. La récente crise financière reste un exemple très éloquent, surtout au sein des pays africains où les prix sont montés en flèche ; sans parler du chômage et de la pauvreté.
 
La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International : des institutions pro-Friedman ?
 
Friedman ne croyait pas particulièrement au FMI et à la BM bien qu’elles furent bien positionnées pour appliquer sa théorie des crises. Toutefois, pour certains comme Davison Budhoo, ancien économiste du FMI, l’ajustement structurel tel que pratiqué par le FMI dans les années 80-90 pouvait être assimilable à de la torture dans la mesure où l’institution faisait fi des conséquences que pourraient avoir sa politique sur les populations des pays concernés.
 
Ces programmes visaient, lors de leur mise en place, à augmenter les exportations des pays endettés en vue de leur donner des liquidités qui devaient, par la suite, servir à rembourser les prêts accordés. Quantité d’économies africaines ont à cette époque bénéficié de ces programmes (Sénégal, Ghana…). Le FMI exigeait le plus souvent de ces pays qu’ils dévaluent leur monnaie tout en procédant à des coupes budgétaires sur les dépenses en services sociaux, en soins de santé et dans le secteur de l’éducation ; sans compter les privatisations et les baisses de salaires qui suivirent. L’application des ces mesures aura ainsi contribué à faire croître les inégalités dans la quasi totalité des pays concernés. À partir de ce moment, le FMI et la BM ne se contentaient plus de leur rôle de supervision, mais se retrouvaient à gérer les pays eux-mêmes. Malheureusement, il est déplorable que pareille chose continue de se produire pour la plupart des pays africains.
 
 Les modèles économiques ne sont pas éternels. À certains moments, ils sont utiles ; à d’autres, ils deviennent désuets et doivent être abandonnés.
Michel Camdessus
 
Dans presque tous les pays, Afrique comprise, où ont été appliqués les fondements de cette doctrine ultralibérale, et ce, à la suite de crises, les résultats se sont révélés être un échec cuisant — l’exemple le plus marquant étant celui du plan économique proposé par les Chicago Boys au Chili après l’accession au pouvoir du Général Pinochet. La principale conséquence du « traitement de choc » tel que préconisé par Friedman a toujours été et restera l’accroissement des inégalités socio-économiques. La libéralisation à outrance n’est, de toute évidence, pas un modèle à appliquer aux pays africains au risque de voir leur situation s’empirer. Un crédit illimité auprès du FMI ne nous sera d’aucune utilité si nos gouvernements ne font preuve de plus d’efficacité.
 
Nous devons souligner qu’il n’est pas exclu que la mise en place d’une économie de marché soit une réussite, à condition que celle-ci se fasse progressivement. La grande majorité des économies africains, mais aussi des pays émergents, dont la Chine, en sont de bons exemples. Mais la question qui se pose est la suivante : que faire quand ce « capitalisme du désastre » s’opère déjà et appauvrit les sociétés africaines qui en sont victimes ? Si la doctrine de l’ultralibéralisme nous a enseigné une chose, il s’agit de jamais laisser les politiques décider seuls des changements auxquels nous aurons à faire face. Il est donc de la responsabilité et du devoir de tout un chacun d’agir et de faire entendre sa voix. À cette fin, l’information reste la seule arme dont nous disposons. C’est en étant informés que nous pouvons comprendre et prévenir les dérives des politiques qui dirigent nos pays.
 
 
Mame Diarra Sourang

Les dictatures du football

Près d’un an après la première Coupe du Monde tenue sur le continent Africain, le monde du football est en ébullition. Ce n’est pas la première fois que des scandales éclatent pour rappeler les graves irrégularités que connaissent les instances de décision qui encadrent le sport, mais les événements des dernières semaines soulignent l’urgence d’engager de profondes réformes pour mettre fin à l’impunité qui a longtemps régné dans et autour des stades.

Au cœur de la polémique se trouve l’élection du président de la FIFA. Sepp Blatter, 75 ans, a en effet été réélu cette semaine pour un quatrième mandat à la tête de la FIFA, instance suprême du football mondial, à l’issue d’un vote dans lequel il était l’unique candidat. Son seul concurrent déclaré, le Qatari Mohamed Bin Hammam (Président de la Confédération Asiatique de Football), a du se retirer de la course  après l’ouverture d’une enquête pour corruption, alors que lui-même accusait son concurrent de faits similaires.

Après les critiques qui ont été soulevées suite à l’attribution de l’organisation du Mondial 2022 au Qatar, l’élection qui vient de se tenir remet sur le devant de la scène les luttes internes qui déchirent la FIFA et les irrégularités qui entachent son fonctionnement et sa crédibilité.  Un article du Monde sur « le théâtre du scandale permanent » que constitue la FIFA relate en détail la bataille qui s’est tenu à Zurich, détaillant le cadre et les péripéties de ce qu’elle compare à une mauvaise pièce de théâtre.  http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/06/01/la-fifa-theatre-du-scandale-permanent_1530290_3242.html

Les instances du football africain ne sont pas épargnées par les critiques. À l’échelle continentale, le Camerounais Issa Hayatou est à la tête de la Confédération Africaine de Football (CAF) depuis …24 ans. Elu une première fois en 1987, il exerce actuellement son sixième mandat, et est demeuré président de la CAF plus longtemps que Zine el-Abidine n’a été à la tête de la Tunisie ! Régulièrement critiqué pour sa gestion de l’organisation et souvent victime d’accusations de corruption,  sa démission est réclamé parfois au plus haut niveau, comme vient de le faire le Premier Ministre Sénégalais Souleymane Ndéné Ndiaye, l’estimant responsable d’un arbitrage jugé partial lors du dernier match Sénégal-Cameroun.

Outre son président, le siège même de la CAF (au Caire) est également problématique, dans la mesure ou l’Egypte est soupçonnée d’avoir une influence démesurée et de s’ingérer dans le fonctionnement de l’organisation en faveur de sa sélection nationale ou de ses clubs, qui sont perçus comme étant épargnés par le contrôle ou victimes de sanctions exceptionnellement clémentes comparativement à leurs homologues sur le continent, alimentant ainsi les accusations de deux poids, deux mesures. La gestion très controversée par la CAF de l’attaque contre le bus de l’équipe Togolaise à Cabinda en janvier 2010 reste par ailleurs une page noire dans l’histoire du football Africain. Comme en témoigne un article diffusé sur le site allAfrica.com, la CAF est souvent au centre des polémiques. http://fr.allafrica.com/stories/201105230578.html

Alors que le milieu du football se trouve entaché par d’innombrables scandales au niveau national, régional et mondial, il convient plus que jamais de redonner à ce sport les valeurs qui en font sa noblesse, à savoir le fair play et l’esprit d’équipe, le débarrassant des sombres intrigues et des scandales qui l’affectent depuis trop longtemps.

Nacim KAID-SLIMANE

 

FMI : Et si c’était lui ?

Alors que Dominique Strauss-Kahn prévoit désormais de consacrer tout son temps et toute son énergie à prouver son innocence, la bataille pour lui succéder a démarré en trombe. Les pays européens auxquels le poste revient traditionnellement révèlent déjà les noms des premiers candidats, au premier rang desquels celui de Christine Lagarde parait déjà faire consensus. C’est dans cette atmosphère de connivence que Pravin Gordhan, ministre sud-africain des Finances, a déclaré que « plusieurs candidats de pays en développement seraient crédibles et tout à fait capables de diriger le FMI. »
 
 
L’HOMME DE LA SITUATION
 
Si le ministre sud-africain ne s’est pas avancé à nommer lesdits candidats, de nombreuses voix évoquent un nom jusqu’alors méconnu, Trévor Manuel. L’actuel président de la Commission sud-africaine du Plan a fait ses débuts politiques dans un pays miné par l’Apartheid. Sa couleur de peau métissée –« noire » selon la classification sud-africaine – et son engagement au sein du Congrès National Africain (ANC) lui valent, dans les années 1980, plusieurs allers-retours en prison. Trévor Manuel appartient à cette espèce rare d’hommes d’Etat africains, tenaces par vocation et conviction plutôt que par ambition purement personnelle.
 
Après des études en ingénierie et en droit, il adhère à l’ANC, seule véritable force d’opposition au Parti National afrikaner. Entré dans la vie publique en 1981, il est d’abord Secrétaire général du Comité d’action d’urbanisme. Mais c’est sur les questions économiques que son intérêt se porte plus volontiers. L’abolition de l’apartheid en juin 1991 marque, à cet égard, un tournant décisif dans sa carrière. Il est successivement directeur de la Planification économique, ministre du Commerce et de l’Industrie, puis devient le premier homme de couleur à occuper le poste de ministre des Finances en 1996.
 
Cette expérience le met aux prises avec les spécificités économiques d’un pays en développement (PED). L’Afrique du Sud rencontre à l’époque toutes les difficultés caractéristiques des pays du Sud. Le chômage y atteint les 40%  malgré une forte croissance. Une situation sociale extrêmement tendue y est accentuée par de grandes inégalités de revenus, tandis que le coût du logement plombe le budget des ménages.
 
C’est certainement cette expérience du terrain qui rend la candidature de Trévor Manuel si « crédible ». Le manque de connaissance –parfois même l’ignorance- des particularités économiques et sociales des PED est très souvent reprochée au FMI. Le cas de la Mauritanie est, en ceci, emblématique. L’abandon de la propriété collective des terres qu’y a imposé le FMI a été à l’origine de l’appropriation de ces dernières par une petite poignée de multinationales agroalimentaires. L’exemple mauritanien n’est pas une exception. C’est en fait une ribambelle d’Etats africains (Sénégal, Guinée, Ghana…) qui se sont vus imposer des contraintes assassines par le FMI.
 
LE FMI, DE PLUS EN PLUS DÉCRIÉ PAR LES PAYS AFRICAINS
 
Lorsqu’en 1976 le monde entre dans l’ère des changes flottants, le FMI perd son rôle de stabilisateur du système de change fixe. La page de Bretton Woods tournée, il devient « la banque centrale des banques centrales ». Devenu prêteur en dernier ressort, sa principale mission est désormais d’aider les Etats menacés d’insolvabilité. C’est ainsi qu’au cours de la décennie 1980, suite au retournement de la conjoncture économique mondiale, le FMI se met à focaliser son action sur les pays du Sud. Leur niveau d’endettement est devenu plus qu’inquiétant. Ces nouvelles interventions du Fonds seront un cuisant échec. Elles plongent définitivement la plupart des pays africains dans la fameuse « crise de la dette ».
 
Les populations portent aujourd’hui encore les stigmates de cet épisode économiquement ravageur. Loin de s’être améliorée, l’image du FMI se dégrade chaque jour un peu plus dans les esprits. Novice perpétuel, oublieux du passé, le FMI répète inlassablement les mêmes méthodes escomptant des résultats nouveaux. L’aide conditionnelle est toujours l’occasion d’imposer ouverture des marchés, privatisation, libéralisation du marché du travail… bref, « le consensus de Washington ». Les peuples reprochent au FMI son approche déterministe et statistique dans une Afrique stochastique où règne l’imprévu.
 
En Europe pourtant, la politique du FMI se fait parcimonieuse et s’adapte toujours au mieux aux réalités locales. Dans la crise grecque, ce n’est qu’après une fine concertation avec l’UE qu’il a pris part au Fonds européen de stabilisation (FES). L’Europe a pu choisir librement les modalités du conditionnement de l’aide. Cette différence de traitement n’étonne pas. Le FMI est conçu –et voulu diront les plus cyniques- comme tel par ceux qui le dirigent. Dans La Grande Désillusion, J. E. Stiglitz dénonce l’iniquité qui le caractérise. Le droit de vote censitaire confère aux grands pays une situation hégémonique : 5% des Etats membres détiennent plus de 50% des droits de vote.
 
Les Etats-Unis et l’Europe ont ainsi pu imposer aux 187 pays membres un accord tacite : un Américain préside la Banque mondiale et un Européen le FMI. Dans ce contexte, une présidence assurée par Trevor Manuel représenterait un grand pas en avant. Cela témoignerait de ce que les grandes puissances ont pris acte du fait que les équilibres d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Les foyers de la croissance mondiale sont désormais en Asie, en Amérique latine, en Afrique.
 
Les nouvelles règles de gouvernance accordant plus de poids aux PED n’entreront en vigueur qu’en 2012, après l’élection du nouveau directeur général. Ceci représentera un incontestable handicap pour la candidature de Trévor Manuel. D’autant plus que l’Europe est bel et bien déterminée à conserver son pré carré. Jusqu’à présent, aucun pays africain ne s’est officiellement prononcé concernant la candidature de l'ex-ministre des Finances. Sans doute sait-on déjà qu’étant donnée la crise de la zone euro, les chances pour que les dirigeants européens soient portés par un élan démocratique sont quasi-nulles.
 
Tidiane Ly

Interview avec Moustapha Sène, Président de l’AESGE

TerangaWeb : Bonjour Moustapha, pouvez-vous présenter à nos lecteurs l’association que vous dirigez ?

Moustapha Sène: L’Association des Étudiants Sénégalais des Grandes Écoles (AESGE) a été créée en novembre 2005. Elle se veut un espace où les étudiants sénégalais de France peuvent s’engager pour le développement de leur pays. Nous œuvrons également pour que nos compatriotes empruntent davantage la voie des Grandes Ecoles, d’où notre volonté de mener une politique d’information pour les sensibiliser sur les modalités d’intégration des Grandes Écoles, ainsi que sur les opportunités sous-jacentes. L’AESGE compte, dans les écoles d’ingénieur, de commerce et les universités, plus de 200 membres et sympathisants, qui aujourd’hui, s’associent à la destinée de l’association à travers ses différents organes d’action et de décision. Notre organisation repose sur une double trame. Autour du Président, du Secrétaire général, du Trésorier, quatre pôles spécialisés assurent des fonctions permanentes de support et d’aide à la décision. Il s’agit des pôles Communication, Informatique, Entreprises et Projets.

TerangaWeb: Quels sont les objectifs de l'AESGE?

Moustapha Sène: L'AESGE souhaite avant tout être un espace dynamique où, tout en bâtissant leur projet professionnel, les étudiants sénégalais des Grandes Ecoles et des Universités françaises s'engagent pour le développement de leur pays. A cet effet, nous cherchons notamment à créer un réseau d’étudiants, mais aussi un cadre propice à la réflexion sur les problématiques du développement et de l’entreprenariat en Afrique. C’est ainsi que nous menons et accompagnons des projets socio-éducatifs et d’entreprenariat.

L’AESGE cherche également à constituer une passerelle entre les étudiants du premier cycle et les formations d’excellence en Grandes Ecoles ou en Université  en répondant à leurs besoins en matière  d’informations sur les procédures d’intégration, les spécialités, les exigences et les débouchés. Un autre volet consiste à offrir à nos partenaires entreprises, Grandes Ecoles et cadres sénégalais, une visibilité auprès de nos membres et des associations partenaires, ce qui facilitera à ces derniers un choix de parcours cohérent et une insertion professionnelle réussie. Dans le cadre de cet important travail d’information, nous menons aussi des campagnes d'information, pour faire connaître l'enseignement supérieur et aussi l’univers des formations supérieures des Grandes Écoles françaises. 

TerangaWeb: Au cours de cette année, quels sont précisément les projets sur lesquels vous avez travaillé?

Moustapha Sène: Nous avons d’abord poursuivi certains projets qui avaient déjà été lancés par les bureaux précédents. Nous avons ainsi participé aux « Journées des filières d’Elites »  organisées par l’Ambassade de France à Dakar via Campus France Sénégal. Nous avons également continué la mise en place d’un projet d'équipement des lycées sénégalais, grâce à la récupération de matériels informatiques et scolaires via « Récup++ ».

Outre ces projets, nous avons mis en place cette année un Portail Pro (http://aesge.fr/pro/) afin de  faciliter l’insertion professionnelle des étudiants et jeunes diplômés par la publication d’offres d’emploi et de stage en France ainsi qu’au Sénégal. Nous avons également initié un système de parrainage volontaire et bilatérale par lequel un étudiant ou un diplômé  prend l’engagement solidaire de répondre aux besoins d’un étudiant filleul : réponses aux interrogations, échanges sur les expériences, mise à disposition de réseaux personnels. Nous avons enfin établi des partenariats avec des banques offrant des avantages exclusifs et privilégiés aux étudiants membres de l’AESGE dont des prêts court terme à taux zéro et une avance sur la bourse.

Nous souhaitons aujourd’hui nouer des partenariats avec des associations d’étudiants dans d’autres villes de France et relever aussi le défi de la communication en faisant adhérer tous les étudiants, notamment ceux des universités, aux projets de l’AESGE.

Terangaweb : Vous préparez également votre Forum annuel qui aura lieu le 21 mai à Paris. De quoi s’agit-il exactement ?

Chaque année, en collaboration avec l’Espace Jappo, réseau des cadres sénégalais de France, nous organisons un forum d’orientation et de coaching cadres-étudiants. La 6ème édition de cette année porte sur le thème : Comment construire sa carrière dans un environnement globalisé ? Tout d’ abord, il y aura des présentations qui porteront sur la construction de parcours mixtes entre l’Occident et l’Afrique dans le contexte actuel d’une économie globalisée. Ensuite, les participants auront l’occasion de découvrir les divers MBA Afrique de l’ESSEC et de HEC Paris avant de participer aux tables-rondes animées par des professionnels de la diaspora. Je rappelle aussi la présence d’un des cabinets leaders du recrutement en Afrique subsaharienne, en l’occurrence Afric’Search, représenté par son Président en personne Monsieur Didier Acouetey ainsi que Ponticelli, une société industrielle ainsi que d’autres invités.

Je tiens surtout à préciser que c’est le forum de l’ensemble des étudiants sénégalais de toute la France sans distinction de formations. A ce titre, nous les invitons tous à venir à cet évènement qui aura lieu au Campus de l’ESSEC Business School à la Défense le samedi 21 mai de 13h à 18H. Tous les détails sont disponibles sur les divers supports de communication de l’ association (notre site www.aesge.fr ainsi que notre page facebook www.facebook.com/aesgeassociation)

Propos recueillis par Abdoulaye NDIAYE