Des morts, des larmes, du sang et…leurs ricanements.

attentats Bataclan A mon ami Amadou Thimbo, rescapé de la prise d'otages de Bamako. 

Une indécence, sœur de la banalisation de l’horreur gagne une partie de l’opinion publique africaine suite au drame de Paris. Il y a un héritage colonial dont les derniers complexes demeurent à solder. Il y a une histoire douloureuse entre la France et ses anciennes colonies, à laquelle les morts de vendredi soir n’échappent pas. Or, ces jeunes gens, tombés sous les balles de fous, méritent le simple respect dû aux victimes innocentes de la barbarie.

Face à la condamnation générale des chefs d’Etat africains, se dresse comme une hideuse plaie la réaction d’une grande partie de l’opinion publique. Au pire, elle approuve le carnage de Paris, au mieux, tente un curieux exercice de comparaison avec d’autres victimes ailleurs pour justifier un ricanement gênant et outrancier. 

Après l’affaire Charlie Hebdo, internet était devenu le déversoir de la crasse bêtise. Certains jubilaient sur les cadavres fumants des « blasphémateurs », d’autres éructaient encore et toujours au « deux poids, deux mesures. » Pourquoi s’indigner ici et non là ? Comme si les morts pouvaient être hiérarchisés. Les mêmes, cloitrés dans l’indécence, comprennent, tolèrent, presque justifient le sang versé. Ils invoquent les morts « non pleurés » de la Palestine, du Nigéria, du Cameroun…

Bientôt leur indignation sélective les poussera à se demander pourquoi le sort des morts du Bataclan passerait-il devant celui des hypothétiques habitants de Mars. Ont-ils pleuré avec les Ukrainiens, Tchétchènes, Sud Soudanais, Erythréens ? Non ! La France est coupable d’être cette grande sœur dont on n’a jamais accepté le pâle et lointain reflet. Rengaine anti-coloniale.

Inutile de convoquer l’humain. Sa sacralité. Finalement sa fragilité en ces moments troubles. Il est dramatique de voir que c’est en Afrique, terre d’une négation pluriséculaire de l’humain qu’une partie de la jeunesse par inculture, désespoir ou coquetterie intellectuelle en arrive à accorder sa bénédiction à l’inhumain et à tolérer la barbarie.

Devant leur gênant ricanement face à l’horreur, il est si nécessaire pourtant de rappeler que nous assistons à un basculement du monde qui pose un pari de civilisation. La preuve : après Paris, des criminels ont tapé en Afrique cette fois. Le Mali paye à nouveau un lourd tribut dans cette guerre impitoyable que mènent ces forces du mal contre nos valeurs. Nul ne sera épargné.

Bamako, Tunis, Beyrouth, Paris, Garissa, Baga sont aujourd’hui des lieux-mémoire d’un monde profané par des individus qui n’ont que la mort à vendre. Ce 13 novembre, derrière le visage tuméfié d’une ville, Paris, c’est des familles qui ont été séparées d’un fils, d’une nièce, d’un ami… Ce sont des vies qui ont été arrachées à l’affection de leurs proches. Qu’on haïsse la France et sa politique africaine pourquoi pas, mais qu’on perde jusqu’à l’humanité de respecter les morts est inconcevable.

Personne ne sera épargné par cette guerre d’un genre nouveau, avec un ennemi aussi insaisissable que déterminé, aussi macabre que sophistiqué. Après Paris, Kano, Bamako, qui figure encore sur leur liste macabre ? Aucune citadelle ne sera dorénavant un rempart suffisant face à l’avancée inexorable de l’Etat islamique. Nous nous devons donc de pleurer les morts de Paris pour demain ne pas être seuls quand nous pleurerons les nôtres.

Devoir de solidarité. Nous sommes en guerre contre un ennemi dont la motivation est de distiller la haine. Notre capacité de résistance face à ces hordes de criminels est interrogée. Ils ont des armes et nous [que] des valeurs…

Hamidou Anne