Nimrod, Balcon sur l’Algérois

Voilà à la fois un titre prometteur et qui nous situe un peu rapidement géographiquement. Mais la quatrième de couverture, elle, indique un roman parisien. Les interfaces  proposées par Actes Sud et Nimrod introduisent donc pas mal d’interrogations. 

NimrodJ’ai commencé ce texte entre plusieurs lectures poussives dans leur abord alors qu'avec Nimrod, j’ai été pris par cette romance entre un doctorant tchadien et la responsable du suivi de ses travaux de recherche, Jeanne-Sophie. Le lecteur est tout de suite embarqué dans une relation chaude où l’auteur ne s’embarrasse pas de certaines descriptions crues, disons, érotiques traduisant la passion charnelle qui lie ces deux êtres. C’est une entrée en matière assez surprenante qui est brève et qui révèle surtout chez Nimrod la capacité de mettre des mots sur n’importe quel sujet. Cette approche traduit aussi la fascination que l’étudiant voue à la fois pour le corps de son enseignante, les formes de cette bourgeoise du 7ème arrondissement à laquelle il rend visite dans son très coquet appartement.

Le narrateur est donc cet étudiant. La relation qu’il a nouée avec Jeanne-Sophie repose sur les délices de la chair qu’il apporte sur un plateau à cette femme mûre et bien-née. Elle est aussi faite du développement autour de la littérature où la passion que l’enseignante de la Sorbonne voue pour Stendhal habite leurs échanges, là où comme Nimrod, le thésard souhaite approfondir la question de la négritude. Prémices d'un schisme. Des bibliothèques parlent à des bibliothèques. Et l’étudiant qui a une femme au bled, assure ses arrières pour une histoire qui n’est pas destinée à durer.
 
Nimrod introduit d’autres personnages, parmi lesquels on peut citer deux amies de Jeanne-Sophie, professeurs d’université comme elle.  Toutes plus ou moins embarquées dans des histoires où l’autre vient de très loin et est foncièrement basané.  Bakary, par exemple. Eboueur. Bambara. Peu instruit mais tellement fier de lui qu’il refuse de se soumettre au diktat de celles et ceux qui pourraient le regarder de haut et entraver sa liberté. Il préfère son foyer Sonacotra au confort matériel du seizième arrondissement de Paris.
 
balcon-algerois-1294571-616x0Mais, ne vous méprenez pas. Ce qui est fascinant dans ce roman, c’est la rupture silencieuse que l'étudiant narateur impose à sa maîtresse. Le vide du narrateur est alors comblé par le cri de la belle abandonnée qui sous une forme épistolaire tente de reprendre la main. L’explosion de la relation entre Jeanne-Sophie et son étudiant qui révèle le fond, remue la vase de ce couple. En lisant Nimrod, on comprendra que la race n’est plus une préoccupation mais que le rapport dominant/dominé demeure un paramètre difficile à interpréter.
 
Usant d’une forme d’écriture qu’il maîtrise et qu’il veut concise et enflammée, passant de la narration classique à la forme épistolaire, Nimrod propose un nouveau roman étonnant. Il donne au lecteur de lire dans le cœur ouvert et déchiré de Jeanne-Sophie et dans la solitude d’un étudiant en fin de cursus. Pourquoi l’Algérois, me dites-vous ? C’est la surprise du chef. Je ne peux quand même pas tout vous dire, l'auteur me le reprocherait.