Crise institutionnelle en Guinée Conakry

crise en guinée conakryDepuis la proclamation de son indépendance le 02 octobre 1958, la Guinée Conakry peine à acquérir une stabilité politique et sociale. Le pays s’est malheureusement vite familiarisé avec les régimes militaires avec Sékou Touré puis Alpha Condé.

Malgré l’élection de l’opposant historique Alpha Condé pour ce qui fut la première élection véritablement libre du pays depuis son indépendance, la situation actuelle de la Guinée est le résultat d’un mélange de mauvaise gouvernance, de corruption, d’inégalité rampante et d’impunité,  résidu de plusieurs années d’un régime dictatorial.

Il est difficile de faire une analyse complète et pertinente de la situation actuelle en Guinée sans la prise en compte de l’ethnicisation de la société partagée entre les peuls, les malinkés, les soussous…et d’autres plus minoritaires. D’aucuns accusent le président actuel de tolérer ou d'encourager ces discriminations entre groupes sociaux, charriant de fait des inégalités qui peuvent provoquer l’explosion de violences connue récemment à Conakry.

Aujourd'hui, la Guinée n'a toujours pas d'assemblée nationale. La crise actuelle entre la majorité emmenée par le président Condé et son opposition remet sur la table la nécessité de trouver des solutions structurelles dans ce pays, au-delà de la seule alternance politique. La Guinée a besoin d’une refondation de sa nation pour enfin surmonter toutes ses querelles politiques avec un soubassement ethnique.

Au cœur de la violence, la question de l’organisation des élections législatives qui devaient initialement se tenir il y a deux ans. La mouvance présidentielle est-elle honnêtement animée par une volonté d’organiser des consultations électorales libres et transparentes ? Dans tous les cas de figure, l’on assiste en ce moment à une recrudescence de la rivalité dangereuse entre le président Alpha Condé et certaines figures de l’opposition dont Cellou Dalein Diallo. Comme quoi, le contentieux de la dernière présidentielle avec ces résultats surprenants du second tour ne semble toujours pas vidé entre Condé et Dalein. En effet, les scrutins de juin et novembre 2010, premières élections libres et transparentes dans le pays, bien qu'entachées de violences, avaient éveillé une lueur d’espoir. 

Néanmoins, la notion de continuité dans la stabilité fait défaut dans certains Etats africains. Ainsi, le pays semble une nouvelle fois pris par les démons de la division et du recul. Si des élections législatives qui devaient se tenir en juin 2011 ne sont jusqu’à présent pas organisées, il est tout à fait légitime que les partis de l’opposition adoptent une posture radicale, en tout cas dans le discours.

Pourtant, cette radicalisation ne s'arrête pas qu'à la parole. Elle s'étend aux aux : ainsi, les dernières manifestations du 27 février 2013 ont enregistré des morts et plusieurs blessés. De fait, il est à craindre qu'une dégradation de la situation pousse les militaires à sortir de leurs casernes et à prendre le pouvoir. Ce qui serait regrettable pour un pays qui espérait clore définitivement le cycle des coups de force après la fameuse et tragique parenthèse Dadis Camara.

Mais en tout état de cause, trouver un moyen de concilier les antagonismes semble difficile, aujourd'hui. Le général Lamine Cissé, ancien ministre sénégalais de l’Intérieur, vient de jeter l’éponge devant la complexité de la tache. Il convient de rappeler qu’il avait été récusé par l’opposition guinéenne dès sa désignation par le premier ministre Mohamed Saïd Fofana. La tâche ne sera pas plus aisée pour son successeur.

Comme cela a été souvent le cas au cours des dernières décennies, la Guinée se retrouve encore une fois sous le joug de la division et sujette à l’instabilité. Cette instabilité et ces divisions que tous espéraient vaincues avec l'élection d'Alpha Condé.

La Guinée n'est pas encore sortie des bois.

 

Blaise Guignane Sene

Sahara occidental : un dossier qui peine à sortir de l’impasse

Le Sahara occidental est un territoire avec une superficie de 266000 km2. Le territoire est frontalier du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie. Il fut sous le contrôle de l’Espagne de 1884 à 1975.

Le Sahara occidental est l’objet d’intenses tiraillements entre les puissances voisines. Ces derniers demeurent convaincus que l’occupation du territoire présente des enjeux multiples dans les domaines politiques et économiques sans omettre la position de choix dans la course vers l’hégémonie régionale que conférerait le « contrôle » du territoire sahraoui.
Sous l’angle diplomatique, les relations tendues entre le Maroc et l’Algérie sont symptomatiques de la complexité du conflit sahraoui, notamment dans les relations entre les grandes puissances voisines.
Ce conflit larvé sur fond de leadership politique au Maghreb n’est toutefois pas le premier du genre sur le territoire du Sahara Occidental. En effet, les sources historiques renseignent valablement sur les conflits ayant opposé des tribus guerrières aux forces religieuses dans l’optique d’asseoir, chacune, une mainmise sur le Sahara occidental.

En 1048, des Berbères Sanhadja formèrent une unité politique en fondant le mouvement almoravide. Ils s’empareront de petits émirats à la suite de la chute de l’empire chérifien des Idrissides. Etendant alors leur hégémonie par le biais de conquêtes, ils parvinrent à occuper la péninsule ibérique et installèrent leur capitale à Marrakech. Plus tard, les Portugais et les Espagnols s’installent sur la Côte, et en 1885, à l’issue de la conférence de Berlin, l’occupation et l’administration du Sahara Occidental revint à l’Espagne. Dès lors, il est intéressant de constater une nouvelle fois qu’un pays européen avait une responsabilité sur un conflit portant sur une question de souveraineté en Afrique.

A l’aune de ces faits, l’on remarque la trajectoire particulière qu’a prise le problème sahraoui. D’abord, un conflit local entre tribus rivales ; ensuite un tiraillement sur fond de conflit colonial et enfin, une crise intra-africaine, notamment entre le Maroc et l’Algérie ; ce dernier soutenant sans relâche le Front Polisario, mouvement de lutte armée pour l’indépendance du Sahara occidental créé en 1973.
Des exemples, pour rappel, confirment la vive tension qui caractérise quasi quotidiennement les relations entre Alger et Rabat qui ont connu une escalade dans les années 70 avec l’expulsion, en 1975, de plusieurs familles marocaines d’Algérie.
Aujourd’hui la frontière algero-marocaine est fermée. Cette vive tension entre les deux pays déteint sur l’organisation qui regroupe les Etats de la sous-région. L’Union du Maghreb Arabe est le modèle type d’intégration africaine qui baigne depuis sa création dans un échec total. (1)

Le drame du Sahara occidental est aussi marqué par une lutte militaire qui peine à trouver une issue favorable. Le grand nombre de populations civiles qui vivent dans des conditions extrêmement difficiles dans les camps de réfugiés est une image saisissante sur la dureté et l’importance du drame sahraoui.

Acteur majeur du conflit sahraoui, le Front Polisario a acquis une reconnaissance internationale de fait comme un acteur incontournable du conflit sahraoui. Les différentes parties prenantes du conflit ont été obligées de considérer comme un interlocuteur valable et de poids dans le processus de règlement pacifique de ce problème. Cela s’est surtout confirmé à la suite du départ du Maroc de l’Union Africaine après l’intégration de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) au sein de la dite institution au Sommet de Tripoli en 1982. Ce retrait qui est intervenu à la suite d’un profond désaccord sur l’admission de la RASD au sein de l’organisation continentale, marque aussi, de fait, une victoire diplomatique considérable du Front Polisario et de son tuteur algérien.
Malgré les multiples tentatives et pressions de certaines institutions internationales comme l’ONU, qui a désigné un représentant spéciale au sujet du conflit sahraoui, l’américain Christopher Ross, ou l’UA vis-à-vis des différents acteurs afin de trouver des solutions crédibles et durables, la paix n’est toujours pas au rendez-vous.

Dans ce cadre, il est nécessaire de jeter un coup d’œil sur les résultats des différentes tentatives de sortie de crise. Le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU est victime d’un désaveu de la part du royaume chérifien qui doute de sa neutralité. Ce à quoi Ban Ki Moon a récemment réagi par une confirmation de sa confiance à l’endroit du diplomate américain.
Néanmoins, la déclaration de cessez-le-feu de 1991 a sans doute constitué un grand bond en avant en vue d’une solution définitive, mais le chemin vers la paix est encore long et sinueux pour ce conflit qui a tout de même duré près de quatre décennies.
Toutes les initiatives pouvant induire une issue heureuse sont les bienvenues. Mais, il est urgent d’agir rapidement et de manière efficace afin de contraindre les parties au dialogue afin qu’elles reviennent enfin autour de la table des négociation et sortent le dossier sahraoui de la situation d’impasse dans laquelle elle se trouve.

La Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) reste tout de même un grand pas déjà franchi dans la longue route vers la paix même si son mandat lui laisse peu de marge de manœuvre. Les obstacles qui se dressent devant l’atteinte de son mandat qui est de faire respecter le cessez-le-feu et d’organiser un référendum d’autodétermination sont nombreux, surtout dans un contexte où les parties ne parlent toujours pas le même langage et ne s’entendent ainsi pas sur les termes de références de ce referendum qui reste encore très hypothétique.

 

Blaise Guignane Sene

 

1A ce propos, voir le  très bon papier de Jacques Leroueil sur Terangaweb

http://terangaweb.com/limpasse-de-lunion-du-maghreb-arabe/

Autopsie des crises ethniques au Nigéria

 

 

"Ijebu or a human being?

If you run into a Ijebu and a snake,

Kill the Ijebu and spare the snake"

Un Ijebu ou un être humain?

Si tu rencontres un Ijebu et un serpent,

Tue l'Ijebu et épargne le serpent

Chanson Populaire Ibadan (Nigeria)


Pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigéria compte plus de 160 millions d’habitants composés de plusieurs groupes ethniques. Ce pays fait face depuis son accession à l‘indépendance, à une série de coups d’Etat militaires, et à des conflits inter ethniques dont les causes sont multiples.

Pour mieux cerner la question, il faudrait premièrement procéder à un flash-back historique. Le Nigéria est un Etat fédaral qui regroupe en son sein plus de 250 groupes ethniques – officiellement. Les principaux sont les Haoussa, à majorité musulmane, suivi des Yoruba, composés de Musulmans et de Chrétiens, au Sud-ouest, et enfin les Ibos, comptant Chrétiens et animistes. Les premiers représentent presque la moitié de la population nigériane, ce qui laisse poindre une certaine hégémonie sur les autres groupes ethniques qui sont, d'une certaine façon minoritaires. Les caractères linguistiques sont une autre cause des conflits inter ethniques : l’incompréhension et les désirs personnels prennent les devant. 

Il convient de noter aussi que la traite négrière a joué un rôle important dans la situation qui prévaut au Nigéria. Les tensions nées durant la période du commerce triangulaire restent vives : Les Igbos furent les principales victimes de la traite au Nigéria… L'empire Oyo des Yoruba, le principal bénéficiaire et intermédiaire local des esclavagistes Européens.

Après la guerre civile du Biafra qui a occasionné la perte de milliers de vies humaines et plongé le pays dans une crise alimentaire extrêmement grave, le pays a été reconstruit, mais les conflits demeurent récurrents.

Les conflits interethniques ont, en outre, un caractère religieux parce que dans les Etats où ces affrontements se déroulent, il y a toujours une communauté religieuse dominance. De ce fait, si les musulmans sont majoritaires dans une partie du pays, force est de constater que leurs situations sociales seront différentes des autres, et les conséquences souvent désastreuses. Si donc le contraire se produit, l’on peut bien remarquer que les représailles s’enchainent dangereusement. Les enjeux sont énormes pour les belligérants et ils ont le plus souvent trait à la terre comme dans la région de Jos, où bergers et agriculteurs s’affrontent régulièrement. Mais cette dimension religieuse est principalement ad-hoc, elle ne vient que compléter les troubles existant.

Les dissensions ethniques sont souvent tributaires de la politique intérieure du pays. La gestion des ressources pétrolière, par exemple, s’effectue de manière discriminatoire. Le Nigéria est le sixième producteur mondial de pétrole, et cette position est une rente considérable qui attire d'importants investissements étrangers. Toutefois, les retombées ne profitent qu’à une partie de la population. Il faut ajouter à cela que la corruption est endémique dans certains Etats du Nigéria. Or les différentes ressources n’étant pas accessibles à tous, il est donc évident qu’un sentiment de frustration s’est développé et s’est propagé dans tout le pays. Par conséquent, si l’on ne procède pas à une vraie approche du conflit, l’on sera toujours tenté de penser que la substance se trouve au niveau religieux : entre Musulmans et Chrétiens. Et ce, même si la plupart des affrontements opposent ces deux groupes religieux. Les tensions religieuses ne font que se greffer à ce contexte particulier ,déjà tendu, qu'exaspère encore la dimension fédérale de l'Etat.

Blaise Guignane SENE