Les TIC pour développer l’agriculture en Afrique sub-saharienne

inclusion_financièreIl est dit que l’argent serait le nerf de la guerre mais aujourd’hui, tout porte à croire que c’est plutôt l’information. En effet, il suffit d’observer la vitesse à laquelle se propage l’information sous toutes ses formes en ce 21e siècle. Avec le développement d’internet, de milliers de machines interconnectées échangent entre elles d’énormes quantités d’informations. En Afrique, le nombre d’abonnés au téléphone mobile connaît une croissance exponentielle entre les années 2000 et 2011. La question naturelle qui se pose est celle de l’utilité de ces échanges et de ces données pour l’amélioration des différents secteurs de l’économie, particulièrement en Afrique sub-saharienne. Cet article traitant des TIC et de l’agriculture est le premier d’une série qui se propose de présenter l’impact du développement des TIC sur les différents secteurs de l’activité économique.       

La nécessité du développement agricole

L’urgence du développement de l’agriculture en Afrique peut être appréhendée sous deux angles. D’une part, l’Afrique subsaharienne est le continent le plus vulnérable et le plus touché par la famine. Selon les Nations Unies,  la crise alimentaire qui a frappé la somalie entre 2010 et 2012 a entrainé le décès de 260 000 personnes dont la moitié sont des enfants. Ces chiffres laissent entrevoir l’urgence pour les gouvernements africains de garantir une sécurité alimentaire aux populations. D’autre part, l’Afrique dispose d’un fort potentiel agricole. En effet, la forte population jeune du continent peut être convertie en une main d’œuvre qualifiée. Ajouté à cela, le continent dispose de milliers de kilomètres carrés cultivables non exploités. Même si des efforts louables sont consentis dans plusieurs pays, l’agriculture en Afrique reste embryonnaire et sujette à de nombreux fléaux. Au nombre de ceux-ci, nous citons la perte de productivité des sols, la non maîtrise de l’eau ainsi que des techniques culturales modernes par les paysans  etc. A tous ces maux s’ajoutent un contexte mondial défavorable à l’écoulement des produits.

Il devient impérieux pour les autorités africaines de développer le secteur agricole au moins pour garantir la sécurité alimentaire, ou mieux, l’autosuffisance. Ceci doit passer en premier lieu par la valorisation des potentialités du contient. Booster l’agriculture en Afrique constitue également une solution aux déséquilibres macroéconomiques auxquels font face les différents pays. Par exemple, la valorisation de la population jeune réduirait le chômage en augmentant la production agricole. Cette augmentation de la production ne peut avoir qu’un impact positif sur la création totale de richesse (PIB) dans le pays ou plus généralement, à l’échelle continentale. Les Etats africains peuvent donc oser miser sur l’agriculture. D’ailleurs, les ressources de base sont disponibles : la terre et les hommes.

Quel serait l’apport des TIC ?

L’apport des TIC au développement agricole se matérialise dans différents domaines. Les possibilités offertes sont très vastes et diversifiés.

La disponibilité de l’information : grâce aux TIC, les autorités étatiques peuvent disposer d’une base de données actualisée des indicateurs de performances agricoles. L’utilité de celle-ci est la prise de décisions stratégiques dans l’orientation des politiques de développement du secteur. En plus de cela, une base de données commune à l’échelle nationale évite la redondance de l’information en améliorant la fiabilité de celle-ci. En plus de la fourniture d’informations, ce genre de système permet aussi des analyses prospectives pour la planification. Le Kenya avec son système DrumNet en est un bon exemple.

Le rôle de la technologie mobile : la téléphonie mobile occupe une place grandissante dans le quotidien des ménages africains. Les ménages agricoles peuvent utiliser cette technologie pour le développement de leur activité. En effet, les Smartphones dotés de wifi, GPS, capacité de stockage etc. sont des outils pouvant servir au stockage d’informations à la base. Grâce à l’interconnexion des machines, cette information peut facilement remonter au niveau agrégé pour servir de base de données utilisable même en temps réel. USAID et la fondation Bill & Melinda Gates, à travers le lancement du mFarmer Initiative Fund se sont engagés à soutenir les pays qui mettraient en œuvre des projets de développement agricoles via la technologie mobile.

Une meilleure gestion des risques agricoles : La parfaite intégration des TIC au secteur agricole met à disposition des paysans toutes les informations météorologiques nécessaires. Ceci permet une réduction importante des risques de destructions des cultures par les catastrophes naturelles. Notons que ce point est très important surtout en Afrique où sévit la sécheresse, les pluies diluviennes, les crickets pèlerins etc. Ces fléaux ont causé et continuent de causer d’importantes pertes de production.

La fourniture des matières premières et l’écoulement des produits : Les TIC permettent aux agriculteurs d’avoir accès au marché et de s’informer sur les cours des différents produits. Ceci leur permet dans un premier temps d’éviter des crises de surproduction ou de sous-production puisqu’ayant analysé toutes les variables du marché (offre, demande et prix). En plus de cela, les paysans à travers l’e-commerce peuvent directement passer les commandes de semences, d’engrais etc. et trouver facilement des débouchées pour leurs produits. Ceci contribue dans une large mesure à l’amélioration du revenu des ménages agricoles.

Le développement des TIC est une réalité incontournable au 21e siècle. L’Afrique sub-saharienne, bien qu’ayant accusé du retard par rapport aux nouveaux développements du secteur bénéficie d’une panoplie non négligeable d’outils qui pourraient servir au développement du système agricole. L’agriculture est l’un des secteur les plus dynamique de la plupart des économies du continent et son développement pourrait impacter sensiblement celui de l’activité économique globale des pays. Les autorités devraient donc booster ce secteur en valorisant les ressources disponibles (terres et ressources humaines) en s’appuyant sur le développement des nouvelles technologies. Ceci pourrait commencer par la mise en place d’une base de données territorialisée des indicateurs agricoles et le développement des technologies mobiles. Ceci permet de mieux orienter les projets de développement agricole, limiter les risques dans le secteur et faciliter les interactions sur le marché. La mise en œuvre de telles politiques nécessite naturellement la formation des paysans à l’utilisation des TIC. Les TIC eux-mêmes peuvent être d’un grand apport dans cette formation et plus généralement dans le secteur de l’éducation. Un zoom sur ce secteur fera l’objet du second article de cette série.

Brice Baem BAGOA

Références :

BAD : The Transformational Use of Information and Communication Technologies in Africa

The World Bank : ICT IN AGRICULTURE : Connecting  Smallholders to Knowledge, Networks, and Institutions

Improving the economic prospects for Africa in 2014

forecast

The IMF has predicted good economic prospects for 2014. A growth rate of 5.5% has been announced, as opposed to 4.9% last year. Growing investments in infrastructure and improving prospects in oil-exporting countries have fueled this growth. The IMF expects the stabilisation of inflation rate and improvement of budget balance. However, external deficit is expected to deteriorate. As a matter of fact, given that the local industry is not well developed, the import rate from direct foreign investments is rising as well as the investments in infrastructure. Here is a review of the IMF report published in April 2014 on the economic prospects. [1]

The short-term predictions should be maintained in the new global circumstances. They depend on the effects of the economic slowdown of the BRIC countries (Brazil, Russia, India, China) and the tightening of monetary conditions globally which will not deeply impact Sub-saharan African countries. But, how will the sub-continent react to the economic slowdown in developing countries and the improvement of the global monetary policy?

In the past few years, many emerging countries like China have witnessed a higher growth rate. As a consequence, the volume of trade with Subsaharan countries have risen. The growth rate in the continent was fueled by an increasing demand, higher costs of exported goods and higher investment flows. The economic slowdown in China means that the investment would also decrease to the benefit of consumption. Thus, this should impact prices and discourage them from investing in other countries. On the other hand, globally the financial circumstances have been alleviated to resolve the crisis. This has made a lot of capital available and they have massively been invested in developing countries, especially in Sub-saharan African countries. The upturn in global financial conditions will slow down direct foreign investments.

According to the International Monetary Fund, these new global changes will  have a limited impact in most countries. Actually, the improvement of global growth translating into the rise of external demand will create a favorable environment. Nevertheless, the budget and policies of some vulnerable economies might suffer from the adjustement of financial conditions. In order to sustain this growth, the macroeconomic politicies should focus on reinforcing the budget balance that has suffered from the crisis. The current conditions are favorable for these policies: preserved social safety policies, stabilisation of inflation rate and reinforcement of sub-regional integration.

The IMF prospects are focused on the short-term. Sub-saharan countries will have to find ways to provide a structure to develop a sustainable and inclusive growth. Since the past few decades, many countries in the region have achieved a 5 to 6% growth rate. Nevertheless, these countries have undeniable structural problems. Only a small part of the society reap the fruits of this growth. In order to promote an inclusive growth that will benefit to all, the IMF recomends to efficiently use the human capacity and improve financial services.

The political authorities should enhance the human potential by increasing employment opportunities which would be an efficient way to reduce poverty. Family businesses are very well developped in the subcontinent in the fields of agriculture and services. The authorities should create a positive environment to encourage the development of these activities. Thus, the underlying increase in productivity will orient the structural changes in the economy. The authorities should also allow easier access to funding in order to encourage entrepreneurship and set up of businesses. Reforms such as the use of NICTs in financial transactions will definitely help to reach that goal.

A good monetary environment is essential to attain macroeconomic stability. In the past few years, inflation rates in Sub-saharan African countries have risen above 10%. The authorities should take measures to limit risks of macroeconomic instability. They are challenged by the tightening of the international financial framework that results in higher costs and growing risks of outflow of fundings. These reforms are necessary for a better and more efficient monetary policy. They should focus on improving the quality and frequency of data which would allow to supply information accordingly. Moreover, the central banks should monitor the excess liquidity in circulation by improving liquidity management, broaden the range of instruments for the monetary policy and stabilise the financial sector.

In a nutshell, economic prospects in Sub-saharan African countries seem positive. However, they mainly depend on the evolution of the global economy. Although the impact of these adjustments may be limited, some states have very fragile budgets and policies. These countries have witnessed an accelerated growth. This does not imply though that the continent has had an accelerated growth. The authorities should take advantage of the current good economic performance to reach a stable macroeconomic structure through massive economic restructuring in order to achieve sustainable and inclusive growth. Policies should thus focus on using the human capacities available locally and improving the access to credit so as to foster entrepreneurship. For the IMF, monetary authorities should carry out reforms to improve the financial environment.

Translated by Bushra Kadir


[1] http://www.imf.org/external/pubs/ft/reo/2014/afr/eng/sreo0414.pdf

 

 

 

Les perspectives économiques 2014 pour l’Afrique selon le FMI

forecastLes perspectives économiques du continent sont plutôt bonnes pour 2014, selon le Fonds Monétaire International. En effet, l’institution table sur une croissance accélérée de 5,5% en 2014 contre 4,9% l’année précédente. Cette croissance est soutenue par des investissements de plus en plus importants dans les infrastructures et par l’amélioration des perspectives dans les pays exportateurs de pétrole. Selon le FMI, l’inflation devrait être contenue cette année dans plusieurs pays et le solde budgétaire devrait également s’améliorer. Par contre, le déficit extérieur devrait se creuser davantage compte tenu des importations litées aux investissements directs étrangers et du niveau élevé des investissements dans les infrastructures – à noter que le tissu industriel local est quasi inexistant –. Cet article fait une synthèse de la publication du FMI sur les perspectives économiques d’avril 2014[1].

Ces prévisions – qui sont de court terme – doivent selon l’institution être maintenues face à la nouvelle donne mondiale. Elles reposent en effet sur l’hypothèse que les effets du ralentissement économique des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et du resserrement des conditions monétaires dans le monde ne seront pas très prononcés en Afrique Sub-saharienne. Mais quel impact pour le sous-continent d’un ralentissement de la croissance des pays émergents et d’un redressement de la politique monétaire mondiale ?

Ces dernières années, on a assisté à une accélération de la croissance dans les pays émergents, notamment la Chine. Cette  évolution rapide a eu pour conséquence l’augmentation du volume des échanges avec l’Afrique sub-saharienne. La croissance du continent a ainsi été boostée à travers non seulement la demande mais aussi les prix élevés des produits d’exportations et des flux d’investissements. Un ralentissement de l’activité économique en Chine par exemple, se traduisant par le retrait de l’investissement au profit de la consommation, devrait impacter les prix des produits et inciter les entreprises de ces pays à moins investir à l’étranger. De leur côté, les conditions financières mondiales, ayant été allégées pour résorber la dernière crise mondiale ont créé une forte disponibilité des capitaux mais surtout un afflux massif des capitaux vers les pays en développement, notamment ceux d’Afrique sub-saharienne. Le redressement des conditions financières mondiales entraînera donc un recul des investissements directs étrangers.

L’institution financière internationale estime que l’impact immédiat de ces ajustements au niveau mondial sera limité, du moins dans la plupart des pays. En effet, la reprise de la croissance mondiale devrait créer un environnement favorable à travers la demande extérieure. Néanmoins, l’ajustement des conditions financières pourrait constituer un goulot d’étranglement pour les économies vulnérables d’un point de vue budgétaire et/ou politique. Pour un maintien de cette croissance, les politiques macroéconomiques devraient être axées sur le renforcement des soldes budgétaires creusés par la crise, profitant ainsi du climat favorable actuel, la préservation des dispositifs de protection sociale, le maintien de l’inflation et surtout le renforcement de l’intégration sous régionale.

Ces perspectives du FMI portent sur le court terme et l’idéal pour les Etat d’Afrique sub-saharienne serait de trouver les mécanismes pour mettre en place un socle structurel devant favoriser une croissance soutenue et inclusive. Ces dernières décennies, bon nombre de ces pays ont connu des taux de croissance de l’ordre de 5% à 6%. Cependant, force est de constater que les problèmes structurels demeurent dans ces pays. En effet, les fruits de cette croissance ne sont perçus que par une infime partie de la société. Pour une croissance inclusive et profitable à tous, le FMI préconise une utilisation rationnelle du potentiel humain existant et une amélioration des services financiers.

L’action des autorités politiques sur le potentiel humain doit d’abord passer par l’accroissement des possibilités d’emploi, moyen efficace pour réduire la pauvreté. Les entreprises familiales étant très développées sur le sous-continent et tournées vers l’agriculture et les services, les politiques devraient être orientées sur la création d’un environnement favorable au développement de ces activités. Le gain de productivité sous-jacent devrait favoriser la transformation structurelle des économies. La facilité de l’accès aux services financiers devraient également être promue afin d’encourager l’entreprenariat et la création d’entreprises. Ceci pourrait par exemple passer par la mise en place de reformes telles que la promotion de l’utilisation des NTIC dans les transactions financières.

La stabilité macroéconomique passe aussi par un environnement monétaire potable. Si ces dernières années, les taux d’inflation dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne est passée sous la barre des 10%, les autorités monétaires doivent doubler de vigilance afin d’atténuer les risques d’instabilité macroéconomiques. Elles doivent affronter le défi soulevé par le resserrement du cadre financier international entraînant une hausse des coûts de financement et un risque grandissant de reflux de capitaux. Certaines réformes doivent être menées afin de garantir l’efficacité de la politique monétaire. Il s’agit notamment de l’amélioration de la qualité et de la fréquence des données permettant ainsi de disposer de l’information pour intervenir au moment opportun. En plus, Les banques centrales doivent surveiller l’excédent monétaire en circulation en améliorant la gestion de la liquidité, élargir le panel d’instruments de politique monétaire et aussi stabiliser le secteur financier.

En somme, si les perspectives économiques pour l’Afrique sub-saharienne restent favorables, il n’en demeure pas moins que celles-ci soient fortement dépendantes de l’évolution de l’activité économique extérieure. Bien que l’impact des ajustements extérieurs soit limité, certains Etats restent vulnérables sur les plans budgétaire et politique. Ces dernières années les économies du sous-continent ont connu des croissances accélérées. Néanmoins, celles-ci n’induisent pas le décollage économique du continent. Pour garantir une croissance inclusive et soutenue, les autorités devraient profiter des performances actuelles pour asseoir une base macroéconomique stable en perspective d’une croissance soutenue favorisant d’importantes restructurations économiques. Les politiques devraient dans cette optique être axées sur l’exploitation de la ressource humaine disponible et l’amélioration des conditions d’accès au crédit en vue de favoriser l’entreprenariat. Selon le FMI, les autorités monétaires pour leur part devraient veiller à l’assainissement de l’environnement financier au travers de diverses reformes.

Brice Baem Bagoa


[1] http://www.imf.org/external/pubs/ft/reo/2014/afr/eng/sreo0414.pdf