CAN 2015 : Édition 100% Africaine, avec ses charmes, ses surprises et ses aléas

Des suites de la surprenante défection du Maroc au mois de novembre 2014, la Guinée-Équatoriale a accepté d’organiser la grande fête du football africain à la dernière minute. Le président camerounais de la CAF, Issa Hayatou, ne s’y est pas trompé "A deux mois de l'événement, pour accepter d'organiser une compétition comme celle-là, il faut avouer qu'il faut être vraiment un vrai Africain". Les prémisses d’une belle édition pour cette 30ème Coupe d’Afrique des Nations. Dans un pays qui avait co-organisé avec succès l’édition de 2012.

Une demi-finale offerte à l’organisateur 

En tant que pays hôte, la sélection équato-guinéenne, sportivement éliminée, est repêchée au dernier moment pour jouer la compétition. Le Nzalang National, qui a pourtant un niveau de jeu limité, se retrouve dans l’obligation de réaliser de grands exploits pour que le peuple puisse fêter son équipe ; à tout prix. Le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo le sait, et il est obligé de se couvrir.

photo 1 Hayatou remet un présent à Obiang NguemaMême si les équipes participantes savent où elles posent leurs crampons, cette délocalisation bouleversera invariablement la hiérarchie sportive. Logiquement, les premières plaintes apparaissent très tôt dans la compétition, pour critiquer le favoritisme qui entoure l’équipe équato-guinéenne. Malgré toute son expérience, l’entraîneur des Diables rouges du Congo, Claude Leroy, dénonce l’accueil particulier que son équipe reçoit pour le match d’ouverture.  Puis c’est au tour du Burkina Faso et du Gabon de signaler un manque d’équité. Que ce soit sur le terrain ou en amont des matchs, depuis la chambre d’hôtel jusqu’au transport en bus, tous les moyens sont bons pour déstabiliser l’adversaire. La Guinée finira deuxième de son groupe avec 5 points. 2 matchs nuls et une victoire décisive contre le Gabon, pour clôturer la phase de poules. 

 

En ¼ de finale, pour le premier match à élimination directe, c’est au tour de la Tunisie de subir un « coup de machette » Équato-photo 2 tunisie_guinne_equatoriale_arbitre_can2015Guinéen. Les décisions de l’arbitre pour le moins litigieuses influent largement sur le résultat final, et provoquent la colère des tunisiens. Ces derniers seront a posteriori sanctionnés pour leurs critiques virulentes. La CAF sait ce qu’elle doit à la Guinée-Équatoriale qui les a sortis d’un sale pétrin, et elle se doit de la remercier.

Dans ce contexte favorable, les joueurs équato-guinéens obtiennent une qualification historique en ½ finales. Ils s’inclineront face à la très belle équipe des Black Stars du Ghana, bien supérieure dans tous les secteurs du jeu ; défaite 3 à 0. Malheureusement, la dernière image qui marquera cette épopée inachevée, celle qui restera dans les esprits, n’est pas sportive. Mauvais perdant, les supporters locaux agressent les fans ghanéens avec des jets de projectiles. Pour y remédier, la gendarmerie décide d’utiliser le vol stationnaire d’un hélicoptère, à quelques mètres des tribunes, afin de disperser les plus insatisfaits. Une méthode inédite, mais très virulente. Pourtant, jusqu’à cette élimination, la fête avait été belle.

photo 3 Hélico Guinée Ghana

 

 

 

 

Une élimination par tirage au sort et la fièvre autour du fleuve Congo

Toutes les équipes ne se sont pas confrontées à la Guinée-Équatoriale, et l’on assiste à une très belle compétition. Elle est disputée dans les règles du photo 4 tirage-sort-canfair-play, avec son lot de surprise. Il y a du suspense et de l’enjeu à tous les matchs. On doit même recourir à une règle surprenante, pour départager le Syli de Guinée Conakry et les Aigles du Mali. À la fin du premier tour, les deux équipes sont à égalité parfaite (Points, différence de buts, nombre de buts marqués et encaissés). Une scène surréaliste dans le sport d’aujourd’hui, quand la victoire se joue le lendemain du match, suite au choix d’une boule dans un saladier. Un choix célébré sans retenue à Conakry, où il est perçu comme une grande victoire contre la malchance latente.

 

Du côté des grandes nations favorites, les Algériens n’ont pas réussi à confirmer leurs magnifiques performances de la coupe du monde en se faisant éliminer dès les ¼ de finale. Les lions camerounais et sénégalais ont donné beaucoup d’espoirs à leur pays sans pouvoir les satisfaire pleinement. Ce sera partie remise, dans 2 ans…

Cette 30ème édition de la CAN restera historique pour les deux Congo. Au-delà du fait que les diables rouges de Brazzaville ont réussi à gagner un match pour la première fois dans cette compétition depuis leur dernière demi-finale en 1974, le tableau nous a réservé un duel fratricide en ¼ de finale. Les cris de joie des uns et des autres traversent le fleuve entre Kinshasa et Brazza, dans un match au scénario incroyable, où les léopards de RDC sont venus s’imposer 4-2 après avoir été menés 2 à 0 jusqu’à l’heure de jeu. 

La Côte d’Ivoire enfin au sommet

photo 5 coppa barry porté en triompheAu final, c’est une Côte d’Ivoire orpheline de son prophète Didier Drogba, qui  remporte la compétition face au Ghana. Au bout du suspense, au terme d’une séance de tirs au but interminable dont sortira vainqueur le gardien Coppa Barry. Considéré jusque-là comme le maillon faible de son équipe, il est le nouveau  héros, celui qui effectue le tir vainqueur. Celui qui permettra à tout le peuple ivoirien de faire la fête pendant plusieurs jours, au président Ouattara de faire un tour d’honneur dans un stade comble, et à la diaspora de ressortir les drapeaux et de se brancher sur la RTi. Le trophée effectuera une tournée dans les plus grandes villes du pays pendant plusieurs mois.

À Kinshasa, les manifestations de la jeunesse qui ont dégénéré en guérilla en janvier 2015, étaient en pause lors des matchs des Léopards. Une trêve comme l’avait imaginé les grecques dans l’Antiquité, en instaurant les jeux Olympiques. Même si cette atmosphère ne dure qu’un temps, et que la ligne entre l’euphorie et la colère est très mince, cela justifie amplement que cette compétition se joue tous les deux ans. Comme une bouffée d’air frais dont l’Afrique a besoin… Prochaine édition en 2017, pas loin, chez le voisin gabonais. Une garantit pour cette compétition qui veut préserver son authenticité. 

Pierre-Marie GOSSELIN

Citation : conférence de presse d’officialisation de l’organisation de la CAN par la Guinée-Équatoriale, source AFP

Photo de couverture : Le président OUATTARA  tout sourire au côté de Yaya Touré lors de la présentation du trophée au stade Houphouët-Boigny d’Abidjan. Source  Reuters

Source photo 1 : Le président de la CAF Issa Hayatou offre un cadeau au président Théodorin     Obiang Nguema lors de la cérémonie d’ouverture de la CAN 2015. Source AFP

Photo 2 : Altercation entre l’arbitre Mauricien Radjindapasard Seechurn et les joueurs tunisiens. Source AFP

Photo 3 : l ‘hélicoptère au dessus de la tribune. Source : Issouf Sanogo AFP

Photo 4 : Tirage au sort entre le Mali à Gauche, et la Guinée à droite. Source  AFP

Photo 5 : Coppa Barry porté en triomphe par Wilfried Bony. Source AFP