Le génie végétal : un espoir pour des espaces miniers plus durables

L’Afrique, terre de ressources naturelles inexploitées

L’Afrique regorge de matériaux précieux pour confectionner puces électroniques et téléphones portables ou encore pour faire rouler automobiles et avions. De nouveaux gisements sont régulièrement découverts sur le continent ou au large de ses côtes. La fameuse « malédiction des ressources » exprime bien que celles-ci peuvent se transformer en véritables moteurs économiques tout comme elles peuvent devenir des éléments aliénants et de paupérisation. Au-delà des aspects social et sociétal des économies basées sur l’exportation de matières premières non renouvelables, leur extraction est génératrice de multiples bouleversements environnementaux. Comment atténuer ces effets et valoriser les espaces miniers ?

Une pratique inspirante

Il n’y a pas de recette miracle, mettons-nous d’accord là-dessus. Une carrière restera un gros trou dans le paysage, et l’écosystème après une extraction, a peu de chance de recouvrer sa diversité initiale. Il est cependant possible de limiter un tant soit peu les dégâts, notamment l’érosion des sols, la pollution des nappes souterraines et la disparition de la végétation.

Le génie végétal recoupe un ensemble de pratiques peu connues du grand public. Vous ignorez peut-être leur fonction mais vous les connaissez, ces buissons plantés au bord des autoroutes ou sur les pentes accidentées. Dans le domaine des mines, les technologies du génie végétal sont encore peu utilisées sur le continent africain. De « vieux » pays miniers tels que la Nouvelle-Calédonie ou le Canada en font usage depuis longtemps, et travaillent déjà à stabiliser leurs sols et limiter la diffusion des polluants. Un couvert végétal draine en effet plus efficacement l’eau des pluies et diminue ainsi les risques de mouvements de terrain, d’inondations et de poussières dans l’air.

Prévenir et réparer : deux techniques différentes

Les techniques utilisées dépendent bien évidemment du climat et de la topographie du terrain, mais aussi du moment d’intervention dans l’exploitation minière.

La phyto-remédiation

Il est possible de limiter une pollution, liée à l’accumulation de matériaux toxiques sur un terrain, ou du rejet d’un polluant à un moment donné de l’extraction. Cette situation pourrait être qualifiée « d’urgente », car bien souvent elle fait suite à une mauvaise prise en compte des impacts environnementaux. La technique employée, la phyto-remédiation, consiste alors à planter dans la zone dégradée des végétaux, choisis pour leurs propriétés, afin d'absorber les polluants. Soit les substances polluantes sont dans l’air et elles sont absorbées par les feuilles, soit elles ont pénétré les sols et sont alors extraites par les racines. Selon le type de végétaux, les polluants peuvent être atténués, détruits ou stockés. A la fin du chantier, les plants sont brûlés dans un cadre industriel avec un filtre, pour éviter le rejet des substances toxiques à l'incinération.

Pour comprendre en image

La revégétalisation

Dans une optique de long-terme, la revégétalisation offre une plus grande amplitude pour agir sur les externalités négatives de l’extraction minière sur l’environnement. Comme son nom le fait penser, la revégétalisation consiste en la plantation de végétaux, technique qui vise principalement à lutter contre l’érosion des sols, conséquence majeure d’une extraction.

L’instabilité des sols constitue non seulement un danger pour l’environnement, mais également pour les installations de l’entreprise et les populations environnantes. La revégétalisation est une intervention globale, qui se décline sur toutes les infrastructures du chantier d’extraction (bases-vie, pistes, chantiers…), et qui intervient à toutes les phases du projet : en amont lors des études d’impacts, lors des phases d’exploration (forages), pendant la construction, durant l’exploitation et à la fin de l’exploitation pour réhabiliter le site. Plus l’exploitant démarre ces activités de réhabilitation tôt, plus les résultats seront bons, et plus les coûts pourront être amortis dans la durée.

En matière de revégétalisation minière, différentes techniques sont possibles. Pour les petites surfaces ou techniques, les plantations d’herbacées sur un mode traditionnel sont largement à privilégier. C’est d’ailleurs la solution la plus répandue en Afrique, comme au Congo Brazzaville par Planetic pour le compte du pétrolier italien Eni. Lorsque les surfaces à planter tendent à s’étaler sur plusieurs hectares, le recours à des techniques plus complexes s’impose. L’hydroseeding, principalement utilisé pour les grandes surfaces faciles d’accès, consiste à projeter, à l’aide d’un camion hydroseeder, un mélange d’eau, de graines et fixateurs, pour permettre le développement rapide d’un couvert végétal.  L’hydromulching, destiné à de zones plus vulnérables à l’érosion, procède également par projection mais est suivi d’une protection de ces sols sensibles et des semences par la projection de géotextiles à très petites mailles pour renforcer les chances de pousse.

L’avenir du génie végétal

Les coûts d’une telle opération sont relativement bien amortis dans la durée, et permettent surtout une plus grande stabilité pendant l’extraction. L’image de marque de l’entreprise est bien sûr en jeu : laisser un site pollué et mettre en danger la vie des populations après la période d’extraction ne fait pas bonne presse.

Ces techniques de génie végétal, et notamment la revégétalisation, sont des sources d’emploi et de savoir-faire très intéressantes pour le développement. En Nouvelle-Calédonie, un site minier peut disposer d’un service entier dédié à la revégétalisation, employant huit personnes et faisant travailler trois à quatre sous-traitants (pépinières, récolte de semences, ouvriers et techniciens agricoles, ingénieur agronome, etc.). Un opérateur comme Planetic engage ses ouvriers dans les villages avoisinant le site, sans qualification pré-requise, et les forme à cette technologie toute nouvelle pour eux. L’impact est ainsi local et direct.

Le génie végétal s’impose comme une technologie d’avenir, en adéquation avec les principes du développement durable. D’innovation, il doit devenir pratique courante. Pour ce faire, les pays miniers doivent s’intéresser plus assidûment à l’inscription de la revégétalisation et de la dépollution des sols dans les cahiers des charges des exploitations minières. Aller vers une gestion durable des espaces miniers, nécessite par ailleurs d’instaurer des mesures complémentaires telles que la transparence des comptes (voir l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives), la redistribution des ressources issues de ces industries extractives ou encore la sécurité des sites et les garanties sociales accessibles aux ouvriers. Tous ces critères me semblent la base d’une responsabilité sociétale des entreprises minières. Aujourd’hui, la démarche de fabriquer un téléphone portable équitable, qui garantisse les conditions d’extraction et de production des composants par exemple, reste marginale. Imaginez les retombées si les choix des consommateurs commencent à peser sur le marché du mobile ! C’est aux dirigeants des pays miniers, aux jeunes d’Afrique et d’ailleurs, aux amateurs de haute-technologie et autres, tels que nous, de prendre des décisions pour la planète et le développement.

Véra Kempf

 

Pour en savoir plus (en anglais) :

en image : Dessin

http://www.youtube.com/watch?v=WDGkBpsVjtc

http://www.youtube.com/watch?v=w99mGLfb4_g

 

Un autre article de l’Afrique des idées sur la valorisation de l’écosystème  :

 http://terangaweb.com/quelle-valeur-du-patrimoine-ecologique-africain-cas-virunga/