Expo photo : les chasseurs Nagô du royaume de Bantè

En collaboration avec la fondation Zinsou, l'Afrique des Idées souhaite porter à votre connaissance le travail du photographe belge Jean-Dominique Burton sur les chasseurs Nagô de la forêt de Bantè. Grâce à la fondation Zinsou qui promeut la culture béninoise et africaine, ces photographies ont fait l'objet de plusieurs expositions et d'un livre, "Chasseurs Nagô du royaume de Bantè". Les Chasseurs Nagô du Royaume de Bantè forment une confrérie de chasseurs, placée sous l'autorité d'un Roi traditionnel. Le Royaume est situé au cœur du Bénin, dans la Forêt de Bantè. Le Royaume de Bantè se compose de vingt-sept villages, chaque communauté comptant un Chef Chasseur. Au-delà de l'activité de chasse, aujourd’hui limitée au petit gibier, les Chasseurs de Bantè se sont mués en protecteurs de leur environnement, de la Forêt de Bantè, et de leur patrimoine culturel, une culture riche et intimement liée à la forêt.

Outre leurs fusils, ces derniers arborent un grigri et des habits voyants, tenue d'apparat réservée à la seule activité de chasse. Le grigri confère aux chasseurs une invisibilité, d'où l'absence de camouflage. Ces aspects cérémoniaux sont au cœur du travail de Jean-Dominique Burton. Il présente un portrait de chaque Chef-Chasseur de Bantè, soit trente-cinq, en tenue de chasse. Si la couleur des habits et de la peau est préservée, la nature, en arrière- plan, est au contraire présentée en noir et blanc, utilisée comme studio, renforçant l'opposition entre visibilité apparente, l'éclat des vêtements, et invisibilité rituelle.

Aux dépends de la chasse au grand gibier, aujourd'hui abandonnée, les Chasseurs se sont mués en acteurs essentiels de la préservation de leur environnement : par la défense de la Forêt de Bantè d'une part, par la protection de leur culture d'autre part. Dépositaires d'une tradition intimement liée à leur environnement, les Chasseurs Nagô conservent notamment une connaissance exceptionnelle de traitements à base de plantes médicinales. L'âge des Chefs Chasseurs actuels varie de 51 ans, pour le plus jeune, à 105 ans, pour le plus âgé, une longévité qu'ils attribuent à leurs connaissances médicinales.

La communauté Nagô de Bantè pratique le Vodoun, un Vodoun centré sur Ogou, Divinité du fer. L'importance attachée à celle-ci repose sur la tradition de chasse de Banté, en référence à la nature matérielle des armes et munitions utilisées. Le Vodoun est à vrai dire omniprésent et ordonne la vie de la Communauté. À la mort d'un Chef- Chasseur par exemple, le Bokonon, que l'on nommerait grossièrement un “devin”, consulte le Fâ afin de lui désigner un successeur. C'est donc l'art divinatoire qui désigne et confère à un Chef-Chasseur la puissance de son prédécesseur, non le Roi ou quelque autre autorité administrative.

L'origine du royaume de Bantè

Au 14ème siècle, les autorités du village de Bantè envoient des émissaires à l'Est, sur les rives du Niger inférieur, à la recherche des Yorubas. Redoutables chasseurs, la réputation de ces derniers dépasse, de loin, à cette époque déjà, les frontières de l'actuel Nigéria. Bantè est alors en proie aux ravages d'un couple d'aigles, s'en prenant aux nouveau-nés qu'ils enlèvent et dévorent. C'est un chasseur Nagô, sous-groupe de l'ethnie Yoruba, qui en délivre les villageois. Les aigles sont tués, tâche dont seul un chasseur exceptionnel pouvait s'acquitter. Le héro de Bantè, Obiti, est originaire de Kobagbe, un village de la région de la Cité sacrée de Ilé-Ifè, berceau de l’humanité selon la légende Yoruba. En remerciement, le Village de Bantè s'offre à lui, désormais Roi protecteur, qui s'y installe, accompagné de sa famille. C'est ainsi que naquit, selon la tradition orale, la dynastie Nagô de la Forêt sacrée de Banté. Le Royaume a survécu aux aléas de l'histoire, bien qu'il ait été interrompu à plusieurs reprises. Il est aujourd'hui administré par son dixième Roi, Ade- Fouiloutou Laourou. Par son isolement géographique, en plein cœur du Bénin, et par le microcosme culturel qu'il forme, Bantè conserve un héritage traditionnel unique, préservé du tourisme et d'influences nigérianes, burkinabées, nigériennes ou maliennes.

Jean Dominique Burton

Né à Huy, le 13 octobre 1952. Après des études d’imprimerie et de graphisme, c’est la fascination pour l ’image qui le mène naturellement vers la photographie. A la manière d’un archéologue ou d’un ethnologue, il scrute les traces au sol, les cicatrices, les faces masquées, les visages d’artistes ou de collectionneurs et tire d’énigmatiques portraits d’arbres. Après 25 années de photographie dédiée à l'Asie, Jean-Dominique Burton parcourt l'Afrique depuis le début des années 2000. Il en dévoile la richesse des civilisations et la beauté de son patrimoine. A son actif africain, il faut citer cinq réalisations majeures, qui portent sur le Burkina Faso, le Bénin et la République Démocratique du Congo : Nabaas – Traditional Chiefs Of Burkina Faso ; Vaudou / Voodoo / Vudu ; Souvenirs d'Afrique ; Porto-Novo, Cité Rouge – Esprit de Lagune et Matonge Matonge . Ces travaux ont été exposés en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord . Jean – Dominique Burton est représenté par la galerie Fifty One Fine Art Photography.

Son approche photographique consiste à montrer une Afrique d'hier et de demain, qui sait respecter son passé sans se détourner de son avenir. En ce qui concerne les chasseurs de Bantè, ces personnages ont hérité d’une tradition qu'ils protègent, conservent et transmettent chaque jour, faisant écho à la mission de l’artiste lui-même. Reclus dans la forêt de Bantè, ils vivent oubliés de tous, jusqu’à ce que le photographe les rencontre et les mette en lumière. Ce faisant, il nous guide et nous accompagne dans une découverte d’un monde qui fait partie de notre patrimoine mais auquel nous n’avions plus accès.

 

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