Tchicaya U Tam’Si : Ces fruits si doux de l’arbre à pain

Il est parfois difficile de justifier pourquoi un auteur nous touche plus que les autres. Difficulté qui s’accroît quand cet auteur est très peu connu du public. On a le sentiment d’être une sorte d’extra-terrestre qui vend un projet que beaucoup ont trouvé désuet. Pourtant Tchicaya U Tam’Si reste l’un des meilleurs romanciers francophones qu’il m’ait été donné de lire, même si les spécialistes diront que l’essentiel est dans sa poésie.

 

Mon rythme de vie très lié à ma relation avec le livre explique la difficulté que j’ai avec le genre de la poésie qui exige de la part du lecteur une certaine disponibilité. Si on rajoute le faite que la poésie que j’ai lu de Tchicaya U Tam’Si est très ancrée dans le contexte de son écriture, à savoir les indépendances africaines et sa fascination pour des figures marquantes comme Lumumba, on a là les éléments de ma distance avec cette poésie.
 
Par contre le roman de Tchicaya U Tam’Si, genre que l’auteur a travaillé sur la fin de sa vie pendant les années 80 est très riche et fort. D’abord par le recul sur le sujet, à savoir le Congo colonial et postcolonial, que cet intellectuel qui vécut la majeure partie de sa vie en exil porte. Une distance à la fois géographique et temporelle. Alors qu’au moment où il se lance dans la prose, la génération qui le suit avec Henri Lopès, Tierno Monémembo, Sony Labou Tansi, Alioum Fantouré ou Williams Sassine décortiquent la faillite des élites et des potentats ayant hérité de la structure des pays indépendants, Tchicaya U Tam’Si se propose d’évoluer à contre-courant de cette mouvance et revisitant cette Afrique colonisée et mouvant ses personnages dans ce contexte, au début du 20ème siècle, pendant les deux guerres, après la seconde guerre mondiale, aux indépendances.
 
On voit au fil des pages, toujours dans le contexte de la saga familiale, le lien au colon, les consciences se construire au gré des grands épisodes de ces périodes. On voit aussi ce Congo là au travers de personnages très variés qui souvent entourent le lignage conducteur et qui révèlent la vie, la danse, la mode, les mœurs, la passion, l’ethnie, la politique, la lutte sur cette époque qui reste relativement méconnue. Je pense d’ailleurs que la dimension historique et intime qu’y fait la force la série des romans de Tchicaya U Tam’Si. Si je m’arrête là, je délaisse le style poétique de l’auteur congolais qui se prend au roman. Hors, c’est la principale raison qui doit nous amener à découvrir les textes romanesques de Tchicaya U Tam’Si : son esthétique poétique. Enfin, et c’est assez étonnant pour un auteur ayant vécu si longtemps de ses terres, c’est l’auteur congolais dont les romans sont les plus ancrés dans la culture kongo. De mon point de vue. Une oralité accompagne ses textes, la spiritualité de ces personnages est beaucoup plus ancrée et assis dans ces cultures.

Ces fruits si doux de l’arbre à pain est son dernier roman. Paru à titre posthume. Liss Kihindou en fait un magnifique portrait. On retrouve là encore la saga familiale. Un roman où Tchicaya U Tam’Si démontre magnifiquement si beaucoup habite le Congo, au bord de la Seine, le Congo l’habitait profondément.
 
Lien vers la vidéo : Liss présente Tchicaya U tam'si
 
Lareus Gangoueus

Biens mal acquis : la solitude de SHERPA

Interview de Rachel Leenhardt Chargée de communication de l’association SHERPA
 
L’image est saisissante, un camion porte-voitures s’éloigne du 42 avenue Foch, résidence parisienne du « clan » Obiang Nguema, dans le très huppé XVIème arrondissement, chargé de seize voitures de luxe, Bentley, Ferrari, Porsche, Maserati et Aston Martin. C’est la collection privée de Teodoro Obiang Nguema Mangue, ministre équato-guinéen de l’Agriculture et fils du président que les juges d’instruction français Roger Le Loire et René Grouman viennent de faire saisir. Au départ de la procédure judiciaire, on retrouve SHERPA, jeune association créée en 2001 par l’avocat français William Bourdon en vue de « protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques ». Mais derrière ce premier succès, du reste encore fragile et très préliminaire, combien réticence a-t’il fallu affronter ? Combien d’obstacles a-t-il fallu surmonter ? Nous avons rencontré l’association Sherpa dans sa solitude et sa détermination.
Qu’est-ce qui vous a amené vers Sherpa ?
Un concours de circonstances. J’ai fait des études pour travailler dans l’humanitaire, après une première expérience assez décevante en Casamance (Sénégal), J’ai eu plus envie de travailler sur les blocages, les obstacles au développement plutôt que sur des projets de terrain. Quelques temps après, je tombais sur une offre d’embauche de Sherpa…
Quelle est la composition actuelle de Sherpa?
L’association compte trois permanents : moi et deux juristes, l’une d’elles travaillant sur le volet flux financiers illicites (biens mal acquis, évasion fiscale, etc.), l’autre sur la responsabilité sociale des entreprises : actions de lobbying en France et au niveau européen et plaintes concernant les agissements des multinationales européennes dans les pays en développement – Total en Birmanie, Areva au Niger sur les mines d’uranium.
En dehors de ces trois salariées, il y a un certain nombre de bénévoles : avocats, juristes. Le président William Bourdon, avocat lui-même, est très actif sur le volet actions en justice. Des membres de son cabinet et d’autres avocats qui ont des activités parallèles collaborent aussi à l’élaboration des dossiers. Environ une quinzaine de personnes au total, en comptant les stagiaires.
 
Combien de dossiers ?
Ça dépend : entre 5 et 10 dossiers judiciaires en cours – biens mal acquis ; Mopani, affaire d’évasion fiscale en Zambie, Areva au Niger et au Gabon, un dossier sur la SOCAPALM (accaparement des terres pour l’exploitation de l’huile de palme au Cameroun)… Les délais de traitement sont très longs.
Nous avons aussi entre 5 et 10 dossiers à l’étude. Il s’agit de voir s’ils correspondent bien à notre objet et s’ils sont défendables d’un point de vue juridique (preuves, possibilité de rassembler des éléments, etc.).
 
Sherpa a-t-elle une zone géographique de prédilection ?
L’essentiel de nos dossiers concernent l’Afrique. Mais ce n’est pas un choix délibéré, c’est vraiment une question d’opportunité et de dossiers dont on nous saisit. Nous avons aussi des liens avec l’Amérique Latine et l’Asie : un dossier est en cours sur les conditions de travail pour la fabrication des jouets Disney en Chine.
Ce qui est important de saisir c’est que SHERPA travaille exclusivement en lien avec les PED. On ne traite pas par exemple de la grande corruption en France ou en Europe, même si c’est un phénomène réel. Notre stratégie est d’agir là où les crimes économiques portent le plus préjudice aux populations. Prenez par exemple le cas de la Guinée équatoriale : ce pays est très riche en ressources naturelles, notamment en pétrole. Son PIB par habitant est supérieur à celui du Japon ou de la France[i] pourtant une proportion importante de la population n’a pas accès à l’eau potable ni aux infrastructures de base. C’est quelque chose qu’on ne voit pas en France. D’où le choix de travailler avec les PED.

Travaillez-vous avec d’autres associations en Occident ou sur le terrain ?
Oui, sur chaque dossier, on a des partenaires. Sur les biens mal acquis notamment, nous sommes en partenariat avec Transparence France. Sachant que la 1ère plainte en 2007 avait été déposée avec la Fédération des Congolais de la diaspora et Survie. Sur le dossier minier en Zambie, la plainte a été déposée par cinq associations, dont deux canadiennes, une suisse et une zambienne. En général, on travaille avec des relais locaux, sinon des associations, au moins des appuis sur le terrain. C’est en partie de là que l’information vient.
En quoi votre action se différencie de celle de Transparency International France ?
Cette association travaille aussi sur les pays occidentaux. Leur rôle est plutôt de faire une veille sur la corruption, de produire des indices, de surveiller son évolution. Notre rôle à nous est de monter des dossiers qu’on peut déposer en justice.
Par exemple sur les biens mal acquis, TF nous a apporté du soutien et sa notoriété. À l’époque SHERPA n’était pas très connue, c’est ce dossier qui nous a fait connaître. Mais l’élaboration technique du dossier, c’est SHERPA qui l’a faite. Chaque fois que nous sommes sur une thématique similaire à celui d’une autre association, il nous semble plus cohérent de travailler en partenariat plutôt qu’en concurrence.
 
Comment arrivez-vous à récolter vos informations ?
En général, nous sommes contactés par quelqu’un qui accumule des informations du fait de sa situation géographique ou sa profession, un agent immobilier, ou une personne gérant un hôtel particulier, qui à un moment donné a besoin de transmettre ce qu’il sait. On fait aussi nos propres enquêtes – sur le volet biens mal acquis nous avons fait beaucoup de recherches sur les cadastres, auprès des banques et de différentes bases de données pour arriver à découvrir les biens appartenant à un dirigeant. C’est d’autant plus compliqué qu’il ne les possède pas toujours en son nom propre, mais plutôt par le biais d’une société écran, souvent placée dans une paradis fiscal. Ce sont les deux axes par lesquels nous obtenons des informations. Maintenant que l’association est un peu plus connue, sur les dossiers qu’on a ouverts, des gens nous font parvenir des informations complémentaires.
 
Les autorités françaises vous aident-elles ?
Non, au contraire, il y a plutôt des résistances. Pour arriver à faire passer la plainte sur les biens mal acquis, il a fallu trois ans. Une première plainte a été déposée avec la Fédération des Congolais de la Diaspora et Survie. L’enquête de police a confirmé nos allégations et apporté de nouveaux éléments sur des transactions suspectes et d’autres biens. Le dossier était solide mais la plainte a été rejetée. Une nouvelle plainte a été déposée en commun avec Transparency International France, celle-là aussi a été rejetée. Une troisième plainte avec constitution de partie civile a été déposée avec Transparence encore. Il y a eu un premier verdict qui a jugé la plainte recevable. Le ministère public a fait appel de cette décision. Il a fallu aller jusqu’en cassation pour obtenir l’ouverture d’une enquête judiciaire.
 
Seulement l’enquête ?
Oui. C'est-à-dire qu’il n’y a encore pas eu de procès sur les biens mal acquis. On n’en est qu’au stade de l’instruction. Il s’agit essentiellement de blocages politiques. On sait qu’il y a des liens entre dirigeants africains et français. Il s’est passé énormément de choses cette année, avec notamment les révélations de Robert Bourgi sur les mallettes… Il est clair que dans le monde politique français, tout le monde n’a pas envie que la lumière soit faite sur cette affaire.
De plus le risque existe qu’à mesure que la France se montre plus proactive dans la lutte contre ces flux financiers, ceux-ci transitent par d’autres pays. Ce sont quand même des sommes colossales qui sont injectées dans l’économie française, l’intérêt économique est évident, d’où les blocages constatés.
 
En parlant de Bourgi, justement, est-ce que ses révélations ont été intégrées au dossier sur les biens mal acquis ?
SHERPA a demandé à ce qu’il soit entendu par les juges d’instruction. Dans ses révélations sur les mallettes, il a cité les chefs d’états africains concernés par la plainte : le clan Omar Bongo, le clan Obiang – de loin le plus scandaleux de tous – et Denis Sassou Nguesso le président du Congo Brazzaville.
Bourgi a été entendu par les juges, début octobre. Il a déclaré avoir appris l’histoire des biens mal acquis… en lisant la presse.  Son audition n’a donc pas apporté de nouveaux éléments au dossier ! On a l’impression qu’il fait le tri dans ses révélations… [Ndlr : le mercredi 16 novembre 2011, la justice française a classé sans suite l’enquête ouverte suite à ces « révélations » – pour « faute de preuve »]

Hormis ces blocages politiques, est-ce qu’il y a d’autres sortes de pressions ?
Il y en a eu au départ. Un peu moins maintenant. Je pense qu’on a suffisamment de visibilité et des pressions ne feraient que rajouter foi à ce que nous dénonçons. Au départ oui, William Bourdon a été approché au moment du dépôt de la plainte, par des gens qui lui ont proposé d’importantes sommes d’argent pour retirer sa plainte. Il y a eu aussi des intimidations, des menaces.
 
Seulement sur les collaborateurs de Sherpa ?
Hélas non. Nos interlocuteurs sur le terrain sont encore plus exposés. Je pense notamment à Grégory Mintsa, citoyen gabonais qui s’était constitué partie civile avec nous dans la plainte et qui a été incarcéré fin 2010. Il a été remis en liberté mais reste en examen. Il y a aussi une troisième personne au Congo Brazzaville qui a souhaité s’associer à la plainte. Quelque temps après, sa maison a été incendiée. Lui, sa femme et ses deux filles sont morts dans l’incendie.
Tout ça fait que c’est compliqué pour nous d’associer des collaborateurs locaux aux procédures. Tout au moins de façon formelle, parce que ça les met en danger. Ici, on n’est pas aussi exposé qu’eux peuvent l’être dans leurs pays où l’impunité est beaucoup plus forte. C’est pourquoi des associations françaises ou occidentales doivent prendre en charge ce genre de dossiers, parce que les personnes sur place prennent des risques trop élevés si elles le font directement.
 
Quelle est la situation dans les autres pays européens ?
Sur les biens mal acquis, l’Institut de Bâle pour la gouvernance en Suisse et des cabinets d’avocats privés travaillent sur ces questions. En ce qui concerne l’évasion fiscale, il y a des associations très actives. Sur le cas zambien, on est en partenariat avec une association qui s’appelle la « Déclaration de Berne », qui est entre autres spécialiste de la fiscalité et du secteur extractif, et qui vient de lancer une campagne de mobilisation citoyenne sur la régulation des multinationales en Suisse. La législation européenne ne s’applique pas à la Suisse dont le régime fiscal est très attractif, ce qui fait que beaucoup d’entreprises européennes s’installent dans ce pays pour échapper aux contrôles. Heureusement qu’il y a une société civile assez mobilisée sur ces thèmes.
Il y a aussi une association espagnole, l’APDHE, qui a porté plainte contre Obiang pour l’identification et la restitution de ses biens. Une enquête est ouverte depuis 4 ans aux Etats-Unis ; elle vient de connaître une accélération, avec le lancement par le Department of Justice d’une procédure de confiscation contre le fils Obiang.
 
Comment le financement de SHERPA est-il assuré ?
Difficilement. C’est l’un de nos principaux problèmes. C’est une toute petite association, trois personnes… jusqu’à maintenant, ce sont surtout des fondations privées anglo-saxonnes qui nous ont soutenus. On n’a pas de financement public, à la fois parce que nous traitons de sujets sensibles et pour des questions structurelles. Même les fondations françaises sont assez réticentes à nous financer. Les bailleurs anglais et américains sont un peu plus ouverts sur ces questions.
On a très peu de donateurs privés. C’est d’ailleurs un des points sur lesquels nous travaillons actuellement. Pour ça, il nous faut plus de notoriété vis-à-vis du public. Il faut qu’on arrive à faire passer ce message : on a besoin de plus de financement privé pour assurer notre indépendance. C’est plus facile de proposer un projet de développement que de monter un dossier judiciaire. C‘est plus long, les résultats sont incertains. Et on ne peut pas se permettre de perdre notre indépendance. De l’extérieur, on ne se rend pas forcément compte de la difficulté de faire vivre une association comme la nôtre. Il y a un vrai travail de communication à faire.
 
Avez-vous des relais auprès des universités ?
Oui, mais surtout sur le volet responsabilité des entreprises. Il y a beaucoup de masters en droit et en management qui s’intéressent à ces questions. Et la juriste de SHERPA qui s’occupe de ce thème intervient souvent pour des cours, des conférences et colloques dans les universités. Ce qui montre bien qu’on a développé un savoir et un savoir-faire dans ce domaine-là qui intéresse les futurs entrepreneurs, les académiques etc. Sur le volet flux financiers, c’est un peu plus compliqué. Ça n’empêche pas qu’on intervient, mais plutôt auprès de l’Ecole de la Magistrature sur la question de la corruption. Nous sommes aussi en lien avec des étudiants de SciencesPo. Paris et Lille sur ces questions. Mais les cours portant sur ce thème sont encore rares. Il y a tout une recherche à faire en matière de régulation économique par le droit (conception théorique, évolution des outils juridiques…) qui se fait en lien avec les universités.
 
Ce qui prend du temps…
Oui. C’est un combat de longue haleine, faire évoluer les outils juridiques. Les seuls qui existent aujourd’hui fonctionnent sur une base volontaire. Il y a un texte de l’OCDE, « principes directeurs à l’intention des multinationales », qui recommande de respecter les règles juridiques du pays, la fiscalité, la protection des enfants, etc. Mais les entreprises qui ne respectent pas ce texte ne sont pas sanctionnées. Encore un échec de l’autorégulation

Des conventions internationales encadrent-elles les flux financiers illégaux ?
Oui, la convention Merida, signée en 2003.
 
A-t-elle déjà été utilisée ?
Il y a eu, en tout et pour tout, environ 5 milliards de dollars restitués aux pays du Sud. On estime, dans le même temps, qu’entre vingt et quarante milliards de dollars sont détournés chaque année… De plus, les procédures juridiques sont complexes et ce sont seulement les États « pillés » qui peuvent les enclencher… Ainsi, il revient à la Guinée équatoriale par exemple de demander à la France la restitution des sommes détournées par son propre président ! Même en cas d’alternance, on n’est pas sûr que la procédure soit enclenchée. C’est une grosse faiblesse de la Convention. C’est un pas en avant, mais encore très en deçà du nécessaire.
Le plus urgent est que les pays qui accueillent accueil les fonds soient proactifs, entament des enquêtes sur la provenance des fonds, fassent appliquer les règlements existants qui exigent que les intermédiaires (banques, avocats, agents immobiliers) s’assurent de la provenance des fonds avant de les accepter, par exemple. La prévention est très faible dans ce domaine.
Une illustration : Édith Bongo s’est offert une Daimler Chrysler avec un chèque tiré sur le compte du Trésor Public gabonais ouvert auprès de la Banque de France ! (illustration : http://www.bakchich.info/IMG/jpg_cheque002.jpg ) Le concessionnaire automobile, de même que la Banque de France auraient dû réagir à cette transaction.
Des lois existent sur la régulation fiscale mais elles ne sont pas appliquées. Tracfin, la cellule anti-blanchiment du ministère des finances en France a lancé, en dix ans, onze alertes sur des transferts d’argent suspects, certaines concernant les pays mentionnés dans notre plainte. Le ministère n’a pas pris de mesures ! Ce n’est pas acceptable. C’est là que la société civile a un rôle à jouer. Les instruments juridiques existent, il faut qu’ils soient appliqués.
 
Pour conclure, quel est l’état actuel des procédures ouvertes en France ?
L’enquête est en cours, mais pendant ce temps, les acquisitions continuent… Il n’y a pas eu d’accroissement de vigilance de la part de l’État, ni des banques, ni des intermédiaires, malgré l’enquête qui vise ces personnes !
Le but des dépôts de plainte est d’obtenir à minima le gel de ces avoirs, le temps du déroulement de l’enquête, en espérant obtenir leur confiscation, il faut empêcher que ces personnes puissent les retirer et les délocaliser dans des paradis fiscaux. C’est justement pour ça que dès le début de l’année des plaintes ont été déposées contre les dirigeants Arabes, Ben Ali, Khadafi, Moubarak et plus récemment Al-Assad. La communauté internationale a très vite réagi. Il faut croire que c’est plus facile lorsqu’il s’agit de dirigeants déchus… Ça pose une fois de plus la question de la prévention : si on est capable de bloquer ces avoirs, une fois les dirigeants déchus, comment se fait-il qu’ils se soient retrouvés dans nos pays, dans un premier temps, et comment peut-on expliquer que cette situation ait duré aussi longtemps ? C’est pourquoi il faut encourager les États et la société civile à entreprendre des actions de leur propre chef, sans attendre une révolution.
 
Joël Té-Léssia
 
http://www.parti-ecologique-ivoirien.org/img/logo-Sherpa-association-avocats.gif

 


[i] Données de la Banque Mondiale 2010, en parité de pouvoir d’achat : 34.475$ contre 33.994$ pour le Japon et 33.820$ pour la France.

Serge Amisi: Souvenez-vous de moi, l’enfant de demain

Souvenez-vous de moi, l'enfant de demain est un roman qui raconte l’histoire d’un môme de dix ans embrigadé dans les troupes rwandaises conduites par Laurent Désiré Kabila pour chasser le maréchal Mobutu Sese Seko du pouvoir zaïrois. Arraché trop tôt de l’enfance, Serge découvre très vite les atrocités et barbaries de la guerre, car il doit passer le rituel classique de déshumanisation de l’individu par l’ordre qui lui est donné d’éliminer physiquement son oncle, venu le soustraire à la folie de la guerre.
 

Mon oncle est resté dans ce village de Beni en décidant de ne pas partir jusqu'au jour de me revoir. En restant là, il est allé se renseigné auprès des Rwandais s'ils me connaissaient. Les Rwandais lui ont demandé pourquoi il me cherchait, et l'oncle a manqué la bonne réponse, il a vraiment dit qu'il me cherchait. Les Rwandais ont arrêté mon oncle, menacé, tapé des crosses des armes, on l'a amené jusque-là où nous étions en train de prendre la formation. Et le matin, j'ai eu la nouvelle qu'on a arrêté mon oncle que j'aime. Ils m'ont drogué, ils m'ont obligé de  le tuer, je n'ai pas voulu, mais les Rwandais m'ont dit : vas-y, ce n'est pas lui qui est ton oncle, c'est ton arme qui est ton oncle. Ton père, ta mère et ta famille, c'est l'armée.[…] Et la façon que j'ai eue de tuer mon oncle, je ne savais pas qu'il pouvait mourir, car je ne connaissais pas encore l'arme, mais c'est après quand j'ai vu que c'est vrai qu'il est mort, je me suis dit : Donc l'arme ça tue.

Page 244, Ed. Vents d'ailleurs
 
A partir de là, Serge Amisi raconte ses pérégrinations de kadogo (enfant soldat en swahili) au gré des déplacements des troupes rwandaises puis des troupes congolaises, suite à l’éviction des éléments armés rwandais de Kinshasa, la capitale de la RDC. C’est le regard de l’enfant qui devient par la force homme que porte Serge Amisi. Le roman d’une survie. L’histoire d’un enrôlement qui va faire d’Amisi un tireur d’élite, un guerrier, un chef de peloton, un kadogo aux quatre coins de ce grand pays.
J’ai lu ces dernières années beaucoup de textes inspirés de la tragédie des enfants soldats. Et très honnêtement, je pensais avoir fait le tour de la question, tant sur la forme, sur la manière de conter, plutôt de raconter la bêtise humaine mais également sur le fond, les auteurs utilisant leurs personnages de fiction pour explorer l’intérieur de ces milices qui terrorisent l’Afrique au nom d’intérêts politiques et économiques divers… La spécificité de l’histoire de Serge Amisi est que son action se déroule au sein d’une armée nationale. Celle de la RDC. En reconstruction certes au moment des faits, mais avec des hommes de guerre formés, des instructeurs étrangers venus de Corée du nord. Et des mômes formés à la dure comme n’importe quel adulte, punis et battus comme n’importe quel militaire mûr physiquement. Aussi quand ce que l’on a appelé à Brazzaville les « korokoro » déconnent avec leurs fusils de guerre, la sentence qu’impose la discipline militaire est également ressentie par le lecteur qui imagine les deux cent flagellations infligées au kadogo avec la même violence qu’à un adulte. 
L'extrait suivant relate la suite d'un incident où le narrateur tire dans Kinshasa suite à une altercation avec des civils :

Quand les PM* m'ont fait entrer dans leur voiture, les civils ont applaudi en leur disant qu'ils avaient fait bien de m'arrêter. Ils m'ont amené jusqu'au camp de police militaire, au camp Luanu, vers Kitambo. On est arrivé là-bas, il y avait beaucoup de PM qui sont venus là pour me regarder, ils m'ont fait jeter deux seaux d'eau. Quand j'étais mouillé, ils m'ont fermé les fils aux jambes, pour que je ne puisse pas bouger, ils ont placé deux militaires à côté de moi pour qu'ils puissent me taper 500 coups de fouet et les autres militaires continuaient à me jeter de l'eau. Avec le mal qu'il m'avait fait au marché, ils m'ont tapé dans leur camp, ils m'ont tapé, je pleurais, je pleurais, j'étais fatigué de pleurer, mais ils continuaient toujours de taper, jusqu'à ce qu'ils cessent de me taper, ils m'ont amené au cachot, ils m'ont demandé où je travaillais.

Page 55, Ed. Vents d'ailleurs
 
Serge Amisi parle de sa souffrance, de sa solitude, du pouvoir qu'octroie une arme à celui qui la détient, de la troupe, des kadogo. Mais il parle aussi avec une clairvoyance intéressante de la géopolitique de cette guerre. Entre les soldats angolais, zimbabwéens, ougandais, namibiens, rwandais, les milices cobras du Congo, les rwandais et l'armée de Kabila, on ressent dans la chair de cet enfant toute la complexité du conflit qui déchire la RDC. Et je crois que c'est là que réside le plus de ce texte. La manière avec laquelle de manière consciente ou inconsciente, en relatant des propos des soldats ou des officiers, en détroussant les poches de soldats ougandais, Serge parle de cette guerre et apporte un éclairage au lecteur :

Et là, à l'aérodrome de Dongo, je venais de comprendre que les chars de combat des ougandais, ça se conduisait par des Russes. Les Russes, ils sont des Blancs. Je venais de comprendre  que des soldats ougandais, ils sont appuyés par les Américains. Les Américains ils sont des Blancs. Mais moi, je ne fais pas de politique pour entrer dans le détail  de savoir le problème des Américains, mais je sais que cette guerre est soutenue par les Américains, les ougandais nous disaient que leur armement, c'est l'armement américain. L'argent qu'on leur payait, c'est des dollars américains…

Page 217, Ed. Vents d'ailleurs
 
Pour terminer, je rappellerai un point important qui explique le style singulier de l'écriture de Serge Amisi. Ce jeune homme a été démobilisé en 2001. Et chargé par toutes les horreurs qu'il a vu, il a entrepris d'écrire en lingala (une langue des deux Congo) toute son histoire et celle d'autres kadogo dont il a recueilli les témoignages. Il a traduit le texte original avec le concours de Jean-Christophe Lanquetin. Donc, cela donne une certaine originalité qui pourrait déranger les défenseurs d'une certaine orthodoxie de l'usage de la langue française. Mais, encore une fois, c'est une transposition du lingala sur de nombreuses formules en français. C'est une belle expérience de lecture, au-delà de l'expérience de Serge Amisi.
Alors pour vous souvenir de cet enfant de demain, découvrez et faites découvrir ce récit romancé. Vous serez sûrement bouleversés, mais vous ne serez pas déçus par ce premier roman. A mettre entre les mains de tous les va-t-en guerre de la planète.
 
Carnet d'un enfant de la guerre
Editions Vents d'ailleurs, 250 pages, 1ère parution en 2011
Traduction du lingala par Serge Amisi et Jean-Christophe Lanquetin
Serge Amisi est aujourd'hui artiste, sculpteur, marionnettiste, il participe au spectacle Congo my body qui a été récemment joué à la Villette de Paris.
 
Lareus Gangoueus

La RDC dans l’oeil du cyclone

La République démocratique du Congo va bientôt être au centre de toutes les préoccupations géopolitiques en Afrique. Les Congolais seront bientôt appelés à élire leur président de la République. Si le calendrier électoral n'est toujours pas définitivement fixé, la Constitution considère la date du 5 décembre 2011 comme l'échéance pour organiser une nouvelle élection présidentielle.

Selon une note du think tank International Crisis group (http://www.crisisgroup.org/fr/regions/afrique/afrique-centrale/rd-congo/175-congo-le-dilemme-electoral.aspx), dans les conditions actuelles, la future campagne électorale ne pourra être que bâclée: " Confrontées au dilemme de respecter les échéances constitutionnelles et d'organiser des élections bâclées, ou d’ignorer ces échéances et plonger dans une période d’inconstitutionnalité du pouvoir, les autorités congolaises ont choisi la première option." Mais cette option comporte également un certain nombre de risques: perte de légitimité du gouvernement qui sera sans doute accusé de fraudes massives ; embrasement des antagonismes politiques si les conditions minimales d'équité entre les candidats ne sont pas respectées, qui pourrait déboucher sur une résurgence des conflits internes. Du fait des retards dans l'organisation des préparatifs électoraux (la loi électorale, la liste des électeurs et le budget ne sont pas prêts), l'ICG  recommande un report de l'élection, une plus grande implication financière et technique de la communauté internationale, et un general agreement entre les différentes forces politiques sur le bon déroulement de la campagne électorale.

La République démocratique du Congo est un sujet de préoccupation grandissant de la presse anglo-saxonne, le magazine d'analyse internationale foreign policy  consacrant à la RDC un long article sur le sujet:  //www.foreignpolicy.com/articles/2011/05/12/rediscovering_congo?page=0,0. Jason Stearns y explique que le regain d'intérêt de l'opinion américaine pour Congo se cristallise autour de deux thèmes phares: la protection des femmes violées et le commerce des métaux précieux qui alimente au noir les bélligérants du conflit congolais. Malgré une certaine accalmie du conflit, notamment dans sa dimension internationale, puisque le Rwanda, l'Ouganda, le Zimbabwe et l'Angola ont largement retiré leurs troupes du territoire congolais, la violence perdure dans l'Est du Congo. Cette violence s'acharne particulièrement sur les femmes, 400 000 d'entre elles étant chaque année victimes de viol. Des rapports d'étude et des mobilisations citoyennes d'ONG tentent de sortir cette problématique inacceptable de l'indifférence dans laquelle elle est confinée.  

Concernant les métaux précieux, à savoir l'étain, le tungstène et le tantale, qui sont des composants notamment pour les téléphones portables,  l'organisation "Enough Project" tente de conscientiser les consommateurs sur le thème "Vous ne voulez pas que votre téléphone cellulaire alimente la guerre au Congo ? Dites le à Obama !". C'est ce genre de campagne de presse qui avait notamment amené à  réglementer le commerce des diamants, pour endiguer le commerce des diamants de sang. Les problèmes de la République démocratique du Congo gagnent en visibilité internationale. C'est bien. Mais ce sera en définitive aux Congolais eux-même de trouver les solutions qui leur assureront un avenir meilleur.

Emmanuel Leroueil

L’origine des mots: le Zaïre

Je savais depuis quelques années à quel point le temps peut jouer des tours à l’usage des mots, surtout quand on y mêle de l'incompréhension linguistique. Bien souvent en Afrique, il suffit d’une discussion à bâton rompu avec un ancien pour prendre conscience que les mots ont une vie et que comme la nôtre, de vie, elle change et connait bien des péripéties :

Le Zaïre

Quand les explorateurs portugais (sous l'égide de Diogo Cão) débarquèrent sur le territoire de l’actuel RDC (15e siècle), ils cherchèrent à connaitre le nom de la contrée sur laquelle ils avaient mis le pied. En pointant du doigt leur environnement, ils demandèrent aux autochtones : « Comment s’appelle ce pays, comment nomme-t-on ce fleuve ? ».
Leurs hôtes ne comprirent pas ce que désiraient les étrangers car pour eux, un fleuve, c’était un fleuve. Donc ils répondirent en désignant le fleuve : « Nzadi ». Ce qui voulait dire dans l’un des dialectes du royaume KONGO : rivière ou fleuve.
Résultat ? Mauvaise compréhension, du fait d'une intonation qui n’existait pas dans leurs langues d’origine… Les explorateurs décrétèrent que ce pays s’appellerait désormais le « ZAÏRE ».

Croyez-vous que l’histoire s’arrête là ? Que nenni. Les mots ont une vie trépidante vous ais-je dit. Quelques siècles plus tard (19e), après que Savorgnan de Brazza se soit fait berné par Henry Morton Stanley, (ceci est une autre histoire savoureuse qui vous sera contée un de ces 4 !) ; le roi des Belges Léopold II, après que lui fut remit officiellement la propriété du territoire, rebaptisa le pays en référence à l’un des plus grand royaume autochtone en « Congo Belge ». A l’indépendance du pays (30 juin 1960), le pays devint « République du Congo », sûrement pour bien faire comprendre aux Belges que le pays n’était pas leur propriété… Il faut croire que là encore les Européens ne comprirent rien !

Quand en 1966, Mobutu Seseseko Kukuwendo Wazabanga (j’adore prononcer ce nom en entier !!) prit le pouvoir, il voulu imposer sa patte sur le pays. Outre sa « philosophie » sur l’authenticité, le changement de noms de différentes villes du pays (Léopoldville devient Kinshasa) ; il rebaptisa le pays du nom qui, selon lui, représenterait le mieux l’unité ethnique  et qui était le nom d’origine que les Belges avaient changé : le Zaïre ! … Le serpent se mord la queue et il n’a pas fini de se faire mal.

Au début des années 90, une « conférence nationale » se tient à Kinshasa qui a pour but de mettre à plat les années de dictature pour aller dans le sens du « vent de la démocratie » (sic !) qui balaie l’Afrique. A cette occasion, pour montrer la fin des années de joug dictatorial, les conférenciers décident de débaptiser le pays, d’effacer des tablettes le nom « ZAÏRE » symbole de la mégalomanie de Mobutu et ils reviennent à ce qu’ils estiment être l’essence du pays : le mot Congo. Mais l’appellation «République du Congo» prôné dans les années 60 est déjà trustée par le pays voisin. Ce sera donc… RDC ou République Démocratique (re-sic !) du Congo !!

Si j’en crois mes illustres anciens, telle est une des probables vie du nom « CONGO ». Est-ce la bonne ? Peut-être pas. Mais ce parcours chaotique me plait car il sort de la banalité d’une « trouvaille » d’un individu unique dans son coin. Ça donne au mot une allure plus « sexy » non ?

Joss Doszen

« Pars mon fils, va au loin et grandis »

Terangaweb soutient la création littéraire d'auteurs africains. Nous portons à votre connaissance le deuxième roman d'un jeune auteur franco-congolais, Joss Doszen. Bonne découverte !

Joss Doszen par lui-même: " Franco-congolais (Congo Brazza et RDC) mais citoyen du large monde avant tout, j'ai toujours été passionné de lecture et d'écriture. Gribouilleur sur Internet de différents textes depuis plusieurs années, à mes heures perdues, des billets d'humeur, aux textes de slam, des récits de vie aux nouvelles totalement de fiction ; tout est pour moi sujet d'inspiration.

Totalement ancré dans mon temps et dans ma culture multiforme, mon inspiration vient directement de mon univers riche en personnalités et en histoires extraordinaires. J'aime à me définir, modestement, comme un griot qui aime la langue française dans toute la richesse qu'elle tire des apports culturels différents."

Pars mon fils, va au loin et grandis, Joss Doszen, Loumeto autoédition, septembre 2008

Synopsis : Le carnet de route d’un immigré perpétuel pur produit du 21e siècle mondialisé. Emouvant, plein d’humour et de passion, ce parcours se veut être un reflet de la vie d’étudiants africains d’aujourd’hui pris en permanence par plusieurs cultures entre lesquelles ils doivent naviguer.

Extrait de Pars mon fils, va au loin et grandis :
"Hormis la découverte du sens du mot « accueil », une autre de mes idées reçues tomba dès la seconde semaine de présence au Sénégal. Le 31 décembre, jour des feux d’artifices géants sur la place de l’Indépendance, fut pour mois comme une révélation. Une révélation de beauté. 

J’arrivais d’Afrique centrale avec de gros préjugés sur la femme Sénégalaise musulmane, donc voilée et dénuée de tout charme. Quelle connerie ! 

Quand pour la première fois j’ai vu ce rassemblement de beautés fardées avec un vrai sens artistique, même si parfois outrancier, habillées des plus belles tenues traditionnelles ou des dernières robes à la mode sur Fashion TV, tellement sexy que les belles de Brazzaville auraient pu passer pour des nièces d’ayatollah iraniens en plein ramadan, j’ai compris que s’ouvrait à moi un potentiel futur de délicieuses jouissances. Pour la première fois de ma vie je voyais de visu des filles tout droit sorties des clips américains les plus sélectifs. C’était magnifique. Et quelle diversité ! Des boubous traditionnels les plus riches en dorures, aux jeans Diesel super stretch en passant par les robes moulantes, façon tapis rouge de Cannes ; tous les looks se mélangeaient pour faire un arc-en-ciel de styles. Les yeux m’en sortaient de la tête de même que tous mes amis congolais, gabonais, camerounais ou ivoiriens qui constituaient déjà mon entourage pour les trois années qui allaient suivre.

Cependant tous les mâles d’Afrique centrale qui arrivaient au Sénégal avaient un souci commun. Une fois réglées les préoccupations nutritionnelles et résidentielles, se posent les questions d’ordre hormonal. Il ne faut pas oublier que dans un groupe de jeunes étudiants, dont le moins âgé a environ dix neuf ans, il y a une vraie guerre d’indépendance des hormones reproductrices.

Je l’ai dit, le Sénégal est un pays à quatre vingt pour cent musulman ; bien que les jeunes y vivent comme dans le monde entier, ils vont en boîte, font des boums, draguent, couchent, etc. Les mœurs officielles y sont plutôt à l’abstinence et à la jachère avant le mariage. Il y a donc des codes de discrétion qu’il faut posséder pour espérer un « relationnel » harmonieux. De plus, traditionnellement les filles ne « sortent » pas avec les garçons ; elles se marient. Ce qui implique de sérieux projets d’avenir ou de sérieuses promesses ; et des arguments très solides pour un éventuel flirt.

Comme vous le savez, en Afrique centrale, les pays sont à forte majorité chrétienne et animiste. Bien que, comme toutes cultures africaines les mœurs y soient officiellement assez pudiques, une certaine liberté régnait tout de même dans les relations entre jeunes. Officiellement, les parents n’étaient jamais au courant de rien avant le mariage de leurs fils et filles, mais dans les faits les amours foisonnaient ainsi que la « baisaille ». La drague y était une seconde nature, un challenge.

Mis ensembles, les us et coutumes très antagonistes entre Afrique de l’Ouest et Afrique centrale pouvaient causer des dégâts lorsque les différents protagonistes n’était pas préparés à gérer la rencontre. Et ce fut mon cas associé à mes acolytes de la          « génération corsaire »."

La page personnelle de Joss Doszen, où vous pourrez en apprendre plus sur son oeuvre et acheter son livre: http://www.doszen.net/Doszen%20site_lundi02_files/page0004.htm

L’avenir des énergies renouvelables se joue en Afrique

« L’Afrique ne manque pas d’énergie, mais celle-ci est mal identifiée et mal distribuée ; l’interconnexion du réseau africain pour la création d’un marché intégré de l’énergie est un impératif économique» ». Ce constat dressé par Cheikh Anta Diop à Kinshasa en 1985 reste encore d’actualité, puisque l’on estime que près de la moitié des habitants du continent n’a toujours pas accès à un approvisionnement régulier en électricité. L’insuffisance et la vétusté des infrastructures en matière d’énergie, le manque d’investissements et la faible interconnexion du réseau aggravent le problème énergétique, qui est l’une des causes majeures du retard de développement qu’accuse l’Afrique.

Cette crise énergétique peut néanmoins constituer une opportunité pour le continent de mettre en place des solutions innovantes, se fiant ainsi à la sagesse chinoise qui identifie le concept de crise en accolant deux idéogrammes signifiant « danger » et « opportunité ». Les énergies renouvelables constituent une opportunité inestimable, dans la mesure où l’Afrique semble être une région prédisposée à en accueillir les différentes composantes pour rattraper son retard en matière d’infrastructures électriques

Le Monde Diplomatique consacre ce mois ci un reportage sur les grands projets hydrauliques en République Démocratique du Congo, intitulé Quand le Fleuve Congo illuminera le monde. Tristan Coloma y décrit l’extraordinaire potentiel des barrages d’Inga, qui reste largement sous exploité à cause du manque de financement et de la mauvaise gouvernance. Le site du monde diplomatique complète l’analyse de l’article par un dossier très synthétique illustrant le manque d’infrastructures dont souffre l’Afrique dans les principaux secteurs socio-économiques : http://blog.mondediplo.net/2011-02-11-L-Afrique-en-manque-d-infrastructures

Le potentiel hydrographique de l’Afrique est un atout de premier plan pour soutenir son développement. A l’instar du Haut Barrage d’Assouan sur le Nil, qui a joué un rôle majeur dans l’industrialisation et le développement économique de l’Egypte, ou du barrage des Trois Gorges en Chine, les grands fleuves d’Afrique subsaharienne doivent être mis en valeur à travers des projets dont les retombées socio-économiques seront immenses. Une étude allemande intéressante étudie les enjeux liés au développement de l’énergie hydraulique en Afrique, en montrant comment le potentiel de la RDC peut être élargis à l’Afrique australe et à l’ensemble du continent : http://www.suedwind-institut.de/downloads/Wasserkraft-Inga_franz.pdf

Si l’énergie hydraulique est la filière la plus évidente et la mieux maitrisable technologiquement, d’autres sources d’énergies renouvelables sont particulièrement prometteuses. L’énergie solaire, dont le Sahara recèle de possibilités uniques au monde, ou l’énergie éolienne, qui est particulièrement disponible en Afrique du Sud et au Maghreb, démontrent les potentiels différents, mais complémentaires, des autres régions du continent en matière d’énergie propre. A ces filières peuvent s’ajouter la géothermie, qui reste largement sous exploitée, ainsi que la biomasse, notamment en étant mis en place à grand échelle sous forme de cogénération. Une fiche publiée par le site dph dresse un état des lieux particulièrement clair et complet sur ces différentes filières : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7422.html

Enfin, il convient de souligner l’impact décisif que peuvent avoir les énergies renouvelables sur l’intégration régionale Africaine. Tout comme la construction européenne s’est fondée sur la mise en commun du charbon et de l’acier, l’Afrique doit bâtir un réseau énergétique à l’échelle continentale, avec des ramifications vers l’Europe et vers le Moyen Orient. A cet égard, le projet Desertec est particulièrement prometteur, et prévoie des investissements de plusieurs centaines de milliards de dollars sur les prochaines décennies pour constituer l’un des projets économiques les plus ambitieux de toute l’Histoire, et un mégaprojet dans le domaine du développement durable : http://www.developpementdurable.com/technologie/2009/06/A2038/projet-desertec-une-centrale-solaire-gigantesque-dans-le-desert-africain-pour-alimenter-leurope.html

Pour rappel, le quatrième salon international des énergies renouvelables et de l’environnement en Afrique, qui se tiendra à Dakar du 27 au 30 avril prochain, traitera pleinement de cette problématique et constitue un événement majeur dans le domaine à l’échelle du continent.

Nacim Kaid Slimane