Les grands groupes de distribution internationaux peinent à pérenniser leur présence sur le continent, confrontés à un cadre institutionnel fluctuant et aux habitudes de consommation des consommateurs africains qui n’évoluent pas toujours aussi vite que leur pouvoir d’achat.
En juin 2011, le géant américain Walmart faisait l’acquisition de 51% du capital de Massmart, leader de la grande distribution en Afrique du Sud, pour un montant de 2,4 milliards de dollars. La courbe d’apprentissage des méthodes à succès de Walmart risque d’être longue pour la chaîne sud-africaine, dont les résultats financiers des dernières années étaient plutôt décevants, avec des marges commerciales en repli malgré une hausse des ventes . Depuis la prise de participation de Walmart, Massmart a pourtant mis en place un plan de développement ambitieux, multiplie les ouvertures de magasins et envisage même de se développer au Nigéria.
La prise de participation de Walmart illustre bien la difficulté qu’ont les leaders mondiaux de la grande distribution pour s’implanter durablement sur le marché africain : il s’agit de comprendre la spécificité de la demande locale et de s’adapter à un contexte institutionnel plutôt changeant dans la plupart des Etats du continent. Les grands groupes de distribution internationaux peinent à pérenniser leur présence en Afrique, confrontés à un cadre institutionnel peu incitatif (lenteurs des procédures administratives liées à l’installation, financement local peu développé et accès au foncier limité) et à la difficulté de trouver des partenaires locaux fiables.
Depuis les années 2000, l’Afrique est pourtant très convoitée par les principaux acteurs de la grande distribution, qui souhaitent explorer les marchés émergents à la recherche de relais de croissance face à l’atonie des marchés européens et américains. Les indicateurs économiques africains sont d’ailleurs au beau fixe, et le boom de la consommation des classes moyennes que l’on avait prédit est bien au rendez-vous : la progression de la demande en biens de consommation courante est alimentée par une forte hausse du taux d’urbanisation du continent et une montée en puissance d’une classe moyenne désireuse d’accéder à la société de consommation. Selon les estimations de The Economist Intelligent Unit (EIU) dans son étude Africa : open for business, les 18 plus grandes villes du continent pourraient avoir un pouvoir d’achat cumulé de 1,3 trillions de dollars d’ici à 2030, et 63% de la population africaine sera urbaine d’ici à 2050.
La spécificité du marché africain de la grande distribution réside dans la multiplicité des segments de consommateurs, et la nécessité de pratiquer des actions de marketing différenciées selon la cible des clients visés. Le segment de la classe moyenne africaine à fort pouvoir d’achat (upper middle classes) dont le niveau de vie équivaut à celui des classes moyennes des pays émergents comme la Chine ou l’Inde est en effet à distinguer de la catégorie des classes moyennes à revenu plus modeste (low-middle classes) qui privilégieront les biens de consommation courants aux achats de services.
Certains leaders mondiaux de la grande distribution visent ainsi la frange la plus aisée des classes moyennes du continent sur des marchés plutôt matures, comme c’est le cas de Carrefour au Maghreb. Neuf ans après une brève installation au Maroc, le groupe Carrefour revient s’implanter sur le territoire via une franchise avec le distributeur Label Vie, en se positionnant sur l’exploitation de grandes surfaces et une offre de produits plutôt premium.
D’autres acteurs phares de la grande distribution ciblent plutôt plusieurs segments de clientèles, en ouvrant différentes chaînes de magasins au marketing savamment étudié, comme Walmart en Afrique du Sud. Le distributeur américain cible à la fois les revenus modestes avec sa chaîne Cambridge Food, et les classes moyennes avec les hypermarchés Makro, et envisage même de se développer dans la sous-région. Le groupe nééerlandais SPAR est également bien installé en Afrique du Sud, et approvisionne aussi ses franchises dans les pays voisins , notamment la Zambie et le Bostwana .
Toutefois, la rentabilité des surfaces opérées par les acteurs de la grande distribution n’est pas toujours à la hauteur des prévisions, et les fermetures d’hypermarchés ne sont pas rares. Le groupe Carrefour a ainsi essuyé un échec en Algérie et a dû fermer ses magasins six ans après son installation, faute d’avoir pu s’imposer face aux petites surfaces locales et d’avoir maîtrisé son approvisionnement.
Le dynamisme du secteur de la grande distribution au Maroc et en Afrique du Sud ne doit donc pas faire oublier le fait que les leaders mondiaux de la grande distribution opèrent en Afrique dans un contexte incertain, où les habitudes de consommation n’évoluent pas aussi vite que le pouvoir d’achat des consommateurs et où le cadre institutionnel demeure très fluctuant. La remise en cause de la prise de participation de Walmart dans Massmart la semaine dernière par la justice sud africaine en est un exemple.
Leïla M.