Serval: prémisse d’une présence militaire française définitive au Mali (1)

Soldats Français en partance pour Bamako - Opération ServalLes chuchotements, concernant la conclusion d’un accord militaire franco-malien, semblent timidement augurer une longue présence militaire française au Mali, voire définitive. Lorsque la France intervenait militairement au Mali, les autorités françaises ont dévoilé le calendrier de la force Serval qui, à terme, devait laisser place aux forces maliennes et africaines. La force Serval avait été engagée dans le pays pour une mission bien déterminée et avait vocation à se retirer. En aucun cas sa présence sur le territoire malien ne s’inscrivait dans le long terme. « La France n’a pas vocation à rester au Mali », disait d’ailleurs le président François Hollande. Mais quand nous entendons le ministre de la Défense M. Le Drian, à propos de l’accord en passe d’être signé avec le Mali, dire : « les relations militaires entre le Mali et la France sont appelées à se pérenniser et l’objectif commun de lutte contre le terrorisme sera inscrit dans cet accord qui ira au-delà d’une simple coopération de défense classique. Et Serval servira de force de réaction rapide à l’armée malienne », on peut alors se demander si elle se retirera un jour..

Pourtant, un an plus tôt, il n’était point question de perpétuer une force militaire française au Mali. Jean Yves Le Drian lui-même déclarait : « On n'a pas vocation à rester, on a vocation à progressivement transférer nos responsabilités militaires aux forces africaines et aux forces maliennes qui sont en ce moment en voie de reconstitution ».

Quelques jours avant la célébration de la fête de l'armée malienne (20 janvier 2014), avec invité d'honneur Jean-Yves Le Drian ministre français de la défense, la signature imminente d'un accord de coopération militaire franco-malien était annoncée et relayée par l'ensemble de la presse malienne. Dans le but de l'instauration pérenne de la sécurité dans le Nord- Mali, et pour éviter que le pays soit à nouveau sujet aux attaques djihadistes et terroristes, les nouvelles autorités maliennes issues de la période post-crise, envisageraient ainsi de sceller avec la France un accord de défense. Soumeylou Boubèye Maiga, ministre malien de la Défense disait qu’il : « s’agit d’envisager la présence des unités françaises sur la base d’un support politique et juridique qui puisse prendre la forme d’un accord militaire ».

Comme annoncée dans la presse malienne, l’accord en question devrait se concrétiser par l’installation d’une base militaire française à Tessalit, dans la région de Kidal, qui a la réputation d'être une zone stratégique, longtemps convoitée par les puissances étrangères. Même si elles étaient très minoritaires et peu relayées, des voix s’étaient pourtant élevées au moment de l’intervention de la France au Mali, pour dénoncer derrière la mission humanitaire, une stratégie française de se maintenir militairement au Mali. Aminata Dramane Traoré, ancienne ministre malienne s’était opposée à l’intervention militaire française au Mali. Selon elle, « Derrière l’humanitaire, c’est une guerre de positionnement pour défendre des intérêts géopolitiques – contre le terrorisme- mais aussi pétroliers et miniers – le Mali a des ressources naturelles convoitées ». La situation actuelle, telle qu’elle tend à se dessiner, convergerait ainsi avec les idées de ceux qui ont interprété la déstabilisation du Nord-Mali comme étant un prétexte ayant également pour objectif, l’installation d’une base militaire française dans cette région du Mali.

N y a t-il pas d'autres moyens pour aider le Mali à sécuriser ses régions en proie au terrorisme, que par l'installation d'une base militaire étrangère notamment française? Prévu pour être paraphé le 20 janvier, jour de la fête de l’armée malienne, la signature dudit accord, sous la pression de certaines forces politiques maliennes, a finalement été repoussée à une date ultérieure. Lors d’une conférence de presse organisée le 17 janvier 2014, les leaders du Mouvement populaire du 22 mars (MP22) se sont opposés à la signature de cet accord qui se profilait, et ont alerté la population sur les conséquences d’un tel accord pour le Mali. Soumaila Cissé, chef de l’opposition malienne, souhaite, quant à lui, qu’un accord de défense franco-malien passe d’abord par l’approbation du Parlement.

Au moment où la France, par la voix de ses autorités, n'entend elle-même plus être le gendarme de l'Afrique, dans une logique de crédibilité, un accord militaire avec le Mali devrait plutôt se matérialiser par des assistances matérielles, techniques et par des formations à l’endroit des militaires maliens, plutôt que par l’installation d’une base militaire française. Si la France veut réellement aider le Mali en particulier, et les pays d’Afrique en général, elle devrait plutôt œuvrer au renforcement de leurs capacités militaires. L'idée développée par François Hollande lors du sommet de l'Elysée (les 6 et 7 décembre 2013), de former et d'équiper 20 000 soldats africains chaque année pour constituer une force d'intervention rapide sous l'égide de l'Union africaine, semble être une option préférable à l’installation de bases militaires françaises au Mali, ou n’importe où ailleurs en Afrique. La présence militaire française en Afrique constitue en réalité un gage de domination politique, économique et reste une forme d’ingérence de la France dans les affaires internes de ses anciennes colonies.

Boubacar Haidara