CAN 2012 : pour qui roule la Fédération Sénégalaise?

Je me suis bien réjouis hier, de la défaite du Sénégal, contre la Zambie, lors de la 1ère journée de la Coupe d’Afrique des Nations 2012, organisée conjointement, cette année par le Gabon et la Guinée équatoriale (j’ai écrit cette phrase exprès, pour me moquer du nouveau genre pseudo-journalistique, dont on abuse sur TW, moi le premier : montrer qu’on a bossé, qu’on a tout lu, qu’on a toutes les infos, le faire savoir).

Je la sens bien moi, cette CAN, d’abord et avant tout parce que ni le Cameroun, ni le Nigéria, ni l’Egypte n’y participent. Si avec ça, les Éléphants ne l’a remportent pas, je serais partisan d’une exécution sommaire, télévisée, dès l’atterrissage. Mais je la sens bien aussi parce que le Sénégal ne la remportera pas. (J’ai reçu l’autorisation, la fois passée de reparler du Sénégal, j’en profite avant qu’on ne change d’avis)

Ce que j’ai détesté les « Gaïndés » durant mes études secondaires! Surtout en 2002 : La Côite d’Ivoire finit dernière de son groupe (derrière… le Togo – Ah, ils nous auront tout fait! – et après une défaite contre la RDC, « découragement n‘est pas ivoirien » , mais quand même!) et le Sénégal arrive en finale. Et puis c’est la Coupe du Monde 2002. Toute ma vie, je me souviendrai du match d’ouverture, de l’hystérie collective qui prit le camp entier, du dernier troufion au colonel, et par delà Bango, le pays tout entier, après la victoire contre la France.

Plus que cette joie hautement communicative contre laquelle, de toute mes forces je luttai, c’est une espèce de haine qui surnage quand j’y repense. La Coupe du Monde se déroulait en Asie : monstrueux décalage horaire. Le jour du match, une bande d’imbéciles avait débarqué dans nos chambres, au milieu de la nuit, s’époumonant, criant à tue-tête : « Debout les gniaks, debout! Aïtcha! Debout waay! Le Sénégal joue aujourd’hui! Debout! » Si nous n’étions pas déjà braqués contre cette équipe qui allait de victoire en victoire et dont les succès nous rappelaient douloureusement l’état lamentable de nos équipes nationales respectives (CI, Mali, Niger, Gabon, Centrafrique – oui, il y a une équipe nationale de foot en RCA – Burkina, Guinée), même si nous avions aimé l’équipe du Sénégal, ce réveil brutal et sardoniquement destructeur aurait suffi à nous la faire haïr.

J’avoue, à ma grande honte, avoir été plus heureux, le jour de l’élimination du Sénégal en 2002, par la Turquie, que lorsque la Côte d’Ivoire se qualifia pour la Coupe du Monde 2006. Donc, la seule équipe que je détestais plus que celle du Sénégal était le Cameroun. Je suis Ivoirien, par atavisme, je suis naturellement amené à détester l’équipe du Cameroun. Or voilà que les lions indomptables sont bloqués à Yaoundé. Il ne me reste que le Sénégal, comme souffre-douleur et objet de ressenti. Il se trouve pourtant qu’avec l’âge, ces moments de cordiale détestation prennent une teinte sépia, douce-amère, presque joyeuse. Les moqueries, les injures et les fanfaronnades des camarades de Saint-Louis faisaient partie d’une comédie intime, personnelle, d’un jeu de rôles parfaitement rôdé où chacun jouait sa partition avec entrain et bonheur : eux l’arrogance, nous le martyr, nous la haine, eux le mépris. Nous nous aimions, comme le Vieux Salamano et  son chien : on se détestait sans pouvoir nous résoudre à la rupture.

Mais je reste incroyablement content de la défaite du Sénégal : parce que personne ne souhaite plus une victoire des Lions de Teranga à cette CAN qu’Abdoulaye Wade. C’est le coup de pouce qu’il attend, il ne viendra pas. Et j’en ai le pressentiment, en choisissant un entraîneur aussi mauvais, la Fédération Sénégalaise a fait un choix politique : elle s’est ralliée à l’opposition!
 

 

Joël Té-Léssia