Gaston-Paul Effa : « Voici le dernier jour du monde » (2005)

Voici le dernier jour du monde paru en 2005, est un roman qui appartient à ces écrits qui ont pour thème commun l’auteur africain exilé depuis longtemps en terres occidentales qui s’interroge sur son identité africaine et sur ses rapports avec le continent de ses origines : est-il devenu une noix de coco, noire à l’extérieur, blanc à l’intérieur ? Peut-il encore penser l’Afrique en tant qu’Africain ?

Voici le dernier jour du mondeGaston-Paul Effa est né en 1965 à Yaoundé. Donné à des religieuses alsaciennes par son père, il étudie auprès d’elles pendant ses premières années au Cameroun. Après son secondaire fait en France, il poursuit des études de théologie et de philosophie en Lorraine, matière qu’il enseigne aujourd’hui dans un Lycée de Sarrebourg. Auteur de plusieurs romans, il reçoit en 1998 le Grand Prix Littéraire de l’Afrique Noire pour son  oeuvre romanesque, Mà.

Confronté à ces interrogations existentielles, il décide de rendre visite à son ami d’enfance, Fabien, intellectuel revenu en Afrique après avoir mené un cursus universitaire brillant aux Etats-Unis. Sur place, seulement ému par les odeurs des cuisines qui lui rappellent son enfance au pays, l’écrivain se sent étranger. Il ne réussit pas à communier avec cette terre qu’il l’a vu naître. Simple spectateur, écoutant avec détachement son compagnon lui rendant compte des gangrènes qui affectent le bon gouvernement de cette nation, il éprouve les plus grandes difficultés à écarter cette réflexion lancinante tel le tic-tac épuisant d’une pendule : se sent-il concerné par les tourments de ce pays, le pays de ses origines ? Cette terre ne lui est-elle pas devenue étrangère ? Peut-il se risquer à des réflexions sur ce continent sans tomber dans les sempiternels clichés véhiculés en Occident ?

Le destin tragique de Fabien qui entraîne irrépressiblement le sien le conduit peu à peu à des ressentis différents. Fabien en porte à faux avec le régime est embastillé ; de là commence une horrible déchéance et avec elle, la ruine d’un pays, d’un continent abandonné par Dieu aux prédateurs des enfers. Mais qu’on ne s’y trompe pas, moins celle de son compagnon d’enfance, c’est sa destinée dans ce maelström, lui l’écrivain, qui est dépeinte avec le recours constant à la première personne d’un singulier schizophrène : l’homme frappé par la sauvagerie, l’écrivain torturé dans son être par la bestialité. Car il s’agit bien de cela : savoir si son état d’écrivain forgé à la littérature humaniste française le protège de la barbarie d’autres tropiques ou du moins le prépare. Il va en faire la douloureuse et fatale expérience : aucunement. Jour après jour, à mesure que le continent tombe sous les fourches caudines d’un chaos qu’incarne ces enfants soldats, page après page l’écrivain plie devant telles horreurs et s’y fond. Navigant malgré lui sur le Radeau de la Méduse où a trouvé refuge l’humanité restante, risquant de sombrer à tout instant dans un océan de sang anthropophage, il décide d’en appeler au sacrifice salvateur. Mais les holocaustes de Fabien et de sa personne sont-ils suffisant pour se sauver ?

La qualité thématique de cette œuvre et de son contenu est servie par une écriture sobre, très personnelle, qui retranscrit finement l’intime ; l’intimité du narrateur rattrapée et happée par la condition humaine

 


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